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Les secrets des « Momies » dévoilés au musée de l’Homme

par Véronique Giraud
Ce nourrisson égyptien a vécu entre 323 et 30 avant notre ère. L'enfant a été embaumée et bandelettée avec du textile en lin. Son corps momifié est recouvert d’une résille de perles bleues en faïence, ainsi que d’un masque
en métal doré. Un scarabée ailé est posé sur le haut de son torse, l’insecte symbolisant le renouvellement éternel, sa teinte dorée étant associée à la chair des dieux. La présence de ces symboles caractérise les pratiques funéraires selon lesquelles l’accompagnement des défunts favorise leur renaissance. ©Rivaud-NAJA
Ce nourrisson égyptien a vécu entre 323 et 30 avant notre ère. L'enfant a été embaumée et bandelettée avec du textile en lin. Son corps momifié est recouvert d’une résille de perles bleues en faïence, ainsi que d’un masque en métal doré. Un scarabée ailé est posé sur le haut de son torse, l’insecte symbolisant le renouvellement éternel, sa teinte dorée étant associée à la chair des dieux. La présence de ces symboles caractérise les pratiques funéraires selon lesquelles l’accompagnement des défunts favorise leur renaissance. ©Rivaud-NAJA
Ce fardo, ou paquet funéraire, contient la dépouille momifiée d’un enfant sud-américain, âgé d’environ 5 ans lors de son décès. Il a été façonné selon un méticuleux processus propre à la culture Chancay, qui s’est développée dans la région centrale de l'actuel Pérou autour du 13e siècle. Le fardo est composé de multiples couches de tissus, entourées de bâtons recouverts de coton qui témoignent du statut social élevé du défunt. Il est surmonté d’une fausse tête couronnée de plumes. ©RIvaud-NAJA
Ce fardo, ou paquet funéraire, contient la dépouille momifiée d’un enfant sud-américain, âgé d’environ 5 ans lors de son décès. Il a été façonné selon un méticuleux processus propre à la culture Chancay, qui s’est développée dans la région centrale de l'actuel Pérou autour du 13e siècle. Le fardo est composé de multiples couches de tissus, entourées de bâtons recouverts de coton qui témoignent du statut social élevé du défunt. Il est surmonté d’une fausse tête couronnée de plumes. ©RIvaud-NAJA
L’homme Chachapoya. Sorti de son tombeau en 1877 lors d’une fouille menée par l’explorateur naturaliste Paul Vidal-Senèze, cet homme originaire des Andes péruviennes, de culture Chachapoya, a été momifié nu, enveloppé dans un fardo de tissu. Ses membres sont repliés et maintenus par des liens végétaux. Les connaissances sur les Chachapoya, nommés par les Incas, les « guerriers des nuages » restent très limitées. On sait qu'ils ont vécu entre les 12e et 16e siècles. L’étude de ce corps momifié a révélé une technique de momification par éviscération partielle et trépanation du crâne. ©Rivaud-NAJA
L’homme Chachapoya. Sorti de son tombeau en 1877 lors d’une fouille menée par l’explorateur naturaliste Paul Vidal-Senèze, cet homme originaire des Andes péruviennes, de culture Chachapoya, a été momifié nu, enveloppé dans un fardo de tissu. Ses membres sont repliés et maintenus par des liens végétaux. Les connaissances sur les Chachapoya, nommés par les Incas, les « guerriers des nuages » restent très limitées. On sait qu'ils ont vécu entre les 12e et 16e siècles. L’étude de ce corps momifié a révélé une technique de momification par éviscération partielle et trépanation du crâne. ©Rivaud-NAJA
Sarcophages de Karajia, Pérou.
Sarcophages de Karajia, Pérou.
La jeune fille de Strasbourg. On ignore son identité, elle a été momifiée entre ses 7 et ses 11 ans, et conservée pendant plusieurs siècles dans l’église Saint-Thomas de Strasbourg. À droite, sa robe a été confectionnée à l'identique. © Rivaud-NAJA
La jeune fille de Strasbourg. On ignore son identité, elle a été momifiée entre ses 7 et ses 11 ans, et conservée pendant plusieurs siècles dans l’église Saint-Thomas de Strasbourg. À droite, sa robe a été confectionnée à l'identique. © Rivaud-NAJA
Hors-Champs Société Publié le 03/12/2025
La momie est un défunt comme un autre. Le musée de l’Homme, qui recèle la plus grande collection de restes humains au monde, célèbre les dix ans de sa réouverture avec une exposition hors norme qui affronte ce qui pour beaucoup est un tabou, la mort. L’exposition traverse le monde et les cultures pour nous ramener avec respect et sans ostentation à notre condition de mortels.

L’exposition Momies, qui a débuté ce 19 novembre, marque une étape cruciale dans l’évolution du musée de l’Homme, qui s’est réinventé il y a dix ans. Aborder le sujet de la mort, et avec lui l’éternité, le souci de conservation d’un corps et le lien entretenu dans le temps avec le défunt, posent la question de l’éthique. « La question de la dignité humaine qui accompagne ces corps était pour nous centrale, explique Aurélie Clemente-Ruiz, directrice de l’institution. Cette question, qui s’est posée tout au long du travail effectué par l’équipe, nous avons essayé de la retranscrire dans les textes, mais aussi dans la manière de travailler la scénographie ».

Outre ces grandes interrogations guidées par la monstration de corps et d’objets funéraires provenant de différentes cultures du monde, de rites très divers, ce qu’enseigne cette exposition c’est ce qui définit la momification. « Une momie est un corps préservé, que ce soit de manière naturelle ou artificielle, de manière intentionnelle ou non, avec une aide humaine ou non » précise la scientifique. Et la momification est répartie sur tout le globe comme le confirme une carte du monde. Les plus anciennes momies connues à ce jour sont celles des chinchorros au Chili, datant de près de - 9000 ans. Parmi les multiples méthodes de momification, les scientifiques ont choisi d’en détailler cinq, sous forme de chaine opératoire.

 

Une rencontre. L’exposition Momies propose « une rencontre avec neuf personnes, qui viennent de culture et de pays différents, en racontant leur vie avant leur mort, et leur vie après leur mort » explique la co-commissaire. La première est un nourrisson, dont la fiche d’identité résultant de recherches soignées, indique qu’il est égyptien, de sexe féminin, a entre six et neuf mois, donne son état de santé, etc. Pour préserver la dignité de chaque corps, un panneau textile tendu sur une vitre prévient de sa présence. Une fiche d’identité revient sur sa vie antérieure, sa culture, le contexte de son rituel funéraire et de son entrée dans la collection. Lorsque les recherches n’ont pas permis de renseigner telle information, cela est précisé. « Une momie est un corps préservé, que ce soit de manière naturelle ou artificielle, de manière intentionnelle ou non, avec une aide humaine ou non » précise la scientifique. Les neufs corps choisis pour l’exposition témoignent de la momification d’un point de vue intentionnel et dans le cadre du rituel funéraire.

 

Maintenir le lien avec ces défunts. Le rite funéraire est un acte symbolique qui témoigne d’une grande affection envers les défunts, c’est une façon d’honorer leurs dépouilles. La culture péruvienne Chankai (entre le XIe et le XVe siècle) avait par exemple la particularité d’envelopper de fardos (plusieurs couches textiles) le corps de ses défunts pour les conserver, les accompagnait parfois d’un mobilier funéraire. La lecture au C14 du fardo exposé a permis de déceler, sans qu’il soit défait, que le corps a la tête en bas et que des objets et végétaux ont été déposés à ses côtés. En Indonésie, la culture Toraja enterre ses défunts, qu’elle momifie depuis longtemps, dans des tombes creusées dans les falaises et sont regroupés par famille. Chaque année, au moins d’août, les défunts sont fêtés en les extrayant de leurs tombes pour réaliser une procession à travers le village. Dépoussiérés, nettoyés, vêtus de nouveaux habits, ils entrent ainsi à nouveau dans le quotidien. En Europe, les funérailles des personnages de la vie publique, de la vie politique font l’objet de cérémonies et de processions qui se déroulent devant un cercueil ouvert qui laisse voir le visage embaumé du défunt revêtu d’un habit. Parfois, le corps momifié est démembré, ce fut le cas pour le maréchal de Saxe dont le cœur a été placé dans un reliquaire en argent, qui figure dans l’exposition. Le reliquaire permet de rappeler la mémoire d’un défunt à différents endroits.

 

La momie, source d'inspiration pour l'artiste. La plus intrigante est sans doute la momie de l’homme chachapoya, découvert en 1877 dans un mausolée des Andes péruviennes. Son exposition au musée d’ethnographie du Trocadéro la fit connaître du grand public, et une autopsie virtuelle a révélé que cet homme âgé de 20 à 30 ans souffrait d’une maladie pulmonaire. Assis, les genoux repliés contre son torse, une large ouverture à l’arrière du crâne témoigne de sa trépanation, et sa bouche grande ouverte inspire l’effroi. C’est d'ailleurs cette dernière qui inspira à Edvard Munch, qui l’avait vue à l’Exposition universelle de 1889, sa fameuse œuvre Le cri. Si la société occidentale est assez peu confrontée aux corps morts, ses artistes s’en sont emparés depuis toujours. Les œuvres de créatrices et créateurs contemporains jalonnent le parcours, figurant de leurs interprétations la continuité du lien avec la mort, avec le deuil.

L’exposition Momies explore de façon inédite les formes données à la mort à travers le monde et les époques. Les corps des neuf personnes présentées à notre regard témoignent d’un vécu, de rites funéraires anciens ou toujours en vigueur. Ces défunts ont une identité, ils ne sont plus de simples enveloppes, et le soin apporté à leur étude, les recherches biochimiques, d’imagerie, d’analyses génétiques, éclairent leur passé. Autant de connaissances qui les ramènent à notre humanité. À l’issue du parcours, le musée invite les visiteurs à exprimer leur ressenti sur l’exposition et leur rencontre avec les défunts.

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