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Mot de passe oublié ?« Un, deux, trois… » Rien ne se passe. La journaliste, « professionnelle » insiste-t-elle à de multiples reprises, vient d’annoncer l’arrivée en direct d’une catastrophe. Un peu à la mode BFM-TV qui ressasse ses « directs » pendant plusieurs heures. La journaliste recommence son annonce. Toujours rien. Et encore, à satiété, bien que le public ait tout à fait compris le message sur ce journalisme spectacle, message qui n’est pas vraiment une nouveauté. Pour celles et ceux qui n’auraient pas saisi, elle précise qu’elle fait du direct pour ne pas avoir à prendre position, en bonne professionnelle qu’elle est, et qu’elle est là pour « meubler ». Ainsi va L’Amour et l’Occident, pièce écrite et mise en scène par Céline Champinot, créée le 11 décembre au théâtre des Treize vents, CDN de Montpellier, dont elle est artiste associée. Aux côtés de la journaliste humoriste, comme elle se présente, trois autres personnages caricaturaux pour abonder les sarcasmes, le médecin, le policier et Isabelle, la vedette, dont le prénom a quelque parenté avec celui de l’actrice Isabelle Adjani. Isabelle chante d’ailleurs une de ses chansons, Pull marine, dans cet univers de cabaret qui n’en est pas un, bien que la pièce s’ouvre sur un Monsieur Loyal en habit rouge, le médecin, qui grimpe sur une petite scène digne des cabarets berlinois de Weimar. Circulaire et couleur de cendre, la scène est posée au milieu de gravats, rescapée de ce qui pourrait être une guerre. Les rideaux qui l’entourent sont ensanglantés de filets rouges lumineux et, sur le plateau à peine éclairé, on distingue des chaises de spectateurs cassées. C’est sur ces ruines que Monsieur Loyal, flambant rouge et maquillé avec soin, parle aux chaises vides.
Un monde en destruction. Les chansons des années 80 vont se succéder, avec les bons sentiments et l’humeur triste d’Isabelle, tandis que le policier et la journaliste jouent leur propre caricature, le policier réclamant la création de milices, la journaliste sa vacuité. Peu à peu, tout va partir en biberine, et tous vont remplir la scène d’autres gravats d’un monde en destruction, l’atmosphère va se gorger de cendres, l’hémoglobine couvrir les décors et les visages, le grotesque se faire plus gros encore dans le burlesque, le drame et l’outrance, et les discours à n’en plus finir. Le sentiment de déjà-vu est assez prégnant, mais heureusement il y avait dans la salle, pour cette première, un car complet de lycéens pour lesquels tout était neuf et qui se sont manifesté par leurs esclaffements et applaudissements, preuve que l’on peut encore rire de tout.
Le mauvais sort, texte et mise en scène Céline Champinot. Avec Zakary Bairi, Anaïs Gournay, Cléa Laizé, Julien Villa. Création le jeudi 11 décembre à 19h. Vendredi 12, mardi 16, mercredi 17 à 20h, jeudi 18 à 19 heures. Domaine de Grammont, Montpellier. Coproduction du Théâtre des Treize Vents.