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House with a Voice : Les Burrneshas portent leurs voix

par Élisabeth Pan
Extrait du documentaire House with a Voice de Kristine Nrecaj et Birthe Templin.
Extrait du documentaire House with a Voice de Kristine Nrecaj et Birthe Templin.
Cinéma Documentaire Publié le 13/12/2025
Kristine Nrecaj et Birthe Templin étaient à Marseille pour la projection de leur documentaire House with a Voice au festival PriMed. Le documentaire explore le sujet méconnu des Burrneshas en Albanie.

L’Albanie est un sujet peu traité par le documentaires en France, aussi le festival PriMed était ravi d’accueillir à Marseille Kristine Nrecaj et Birthe Templin pour la projection de leur film, House with a Voice. Les réalisatrices y dévoilent une communauté rare et peu médiatisée : les Burrneshas. Il s’agit de femmes qui, pour mener une vie indépendante, font le vœu de vivre comme des hommes. Elles peuvent ainsi rester dans leur famille, contrairement à celles qui la quittent, parfois dès l’adolescence, pour la famille de leurs maris, le plus souvent dans des mariages arrangés.

Si les droits des femmes ont évolué ces dernières décennies, la tradition demeure dans certaines régions des Balkans. Le titre House with a Voice est une référence au fait qu’en Albanie, la maison n’a de voix que si un homme l’occupe. Les Burrneshas deviennent alors la voix de la maison.

 

Un sujet peu connu. Kristine Nrecaj a une tante Burrnesha, elle a commencé à écrire un script pour une fiction sur le sujet avant de décider d’en faire un documentaire il y a dix ans, après sa rencontre avec Birthe Templin. Cette dernière s’est intéressée au sujet après l’avoir découvert dans une exposition de photographies. Elle fut tout de suite curieuse de ces femmes, qu’elle ne savait où placer car elles ne s’identifient pas à la culture queer. En lisant des livres d’anthropologie sur le sujet, les réalisatrices découvrent une liste de Burrneshas et décident d’en contacter certaines, qui apparaissent dans le documentaire. House with a Voice explore entre autres comment les médias ont exploité l’image des Burrneshas, les tournant en ridicule et jugeant cette tradition. Aux vues de ces expériences passées, les témoins étaient réticentes à se confier, mais le fait que Kristine Nrecaj et son frère, Alfred Nrecaj, cadreur du film, parlent leur dialecte a facilité le lien de confiance.

 

Une tradition de nécessité. Dans les montagnes albanaises vit une population assez défavorisée, avec ses propres coutumes et habitudes. Lorsqu’une femme s’y marie, elle quitte le domicile familial car elle est désormais considérée comme appartenant à la famille de son mari. Si elle n’a pas de sœur, il ne reste alors personne pour s’occuper des parents et de l’entreprise familiale. C’est de là que sont nées les Burrneshas, ces femmes qui acceptent de vivre comme des hommes afin de devenir le fils de la famille. Certaines sont même élevées comme des fils dès la naissance, l’une d’elles racontant dans House with a Voice : « mon père a annoncé qu’il aurait un fils, quel que soit son sexe. » Elles font alors vœux de chasteté, portent des coupes de cheveux et des vêtements masculins. Les choses évoluant, les femmes ont de plus en plus de droits en Albanie, et de nos jours les Burrneshas se font très rares.

 

Un sujet pas tout à fait queer. Au cours de l’échange qui suivait la projection, une spectatrice a demandé si les Burrneshas étaient lesbiennes, ce à quoi Kristine Nrecaj a répondu « L’orientation sexuelle des Burrneshas, nous ne la connaissons pas, c’est privé. » Les réalisatrices ne posaient pas la question, d’abord par respect, et puis parce que ce n’est pas le sujet de leur film. Elles trouvaient par contre important de préciser que la tradition des Burrneshas n’a aucun rapport avec la communauté LGBTQIA+, il ne s’agit ni de transidentité, ni d’orientation sexuelle. Cependant, House with a Voice est souvent projeté dans des festivals queers. L’accueil y est mitigé, surtout en Albanie où ces thèmes ne sont pas liés, car il s’agit avant tout d’une tradition culturelle plus que d’une identité queer. Certains sont décontenancés de voir ces sujets mêlés, d’autres sont curieux d'un tel mode de vie, d’autant que les personnes transgenres ne sont pas autant normalisées par la société.

 

Un sacrifice pour la liberté. Les réalisatrices ont expliqué que la plupart des Burrneshas ne regrettent en rien leur mode de vie, qui est un devoir pour elles. Il s’agit d’un sacrifice dont elles sont fières, car le privilège de vivre en tant qu’homme amoindrit les contraintes. Elles ont en outre le choix de revenir sur leur vœu et de se marier, mais cela voudrait dire renoncer à leur liberté. Les réalisatrices ont confié cependant que certaines regrettaient parfois de ne pas pouvoir avoir d’enfants. Parmi elles l’une des participantes au documentaire qui vit aujourd’hui à New York et peine à trouver sa place dans la société actuelle. « Les Burrneshas, libres ? Je ne le sais pas » a ajouté Kristine Nrecaj.

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