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« Life and Death in Gaza » : un quotidien invivable

par Élisabeth Pan
Miniature du documentaire de Natasha Cox Life and Death in Gaza.
Miniature du documentaire de Natasha Cox Life and Death in Gaza.
Cinéma Documentaire Publié le 06/12/2025
Sélectionné au festival PriMed 2025, le documentaire Life and Death in Gaza, de Natasha Cox, suit quatre Palestiniens durant une année de guerre.

Pour sa 29ème édition, le festival PriMed programmait une projection gratuite du documentaire Life and Death in Gaza, de Natasha Cox. Le film est un montage de vidéos prises par quatre Palestiniens pendant l'année qui a suivi les événements du 7 Octobre. Khalid, Aya, Adam et Aseel y racontent leur vie quotidienne à Gaza, partagent leurs peurs et leurs espoirs, parviennent à trouver de la joie au milieu de ce massacre. Le film montre leur douleur, lorsqu’ils découvrent les décombres de leurs maisons bombardées, apprennent qu’ils ne pourront pas quitter le pays, ou après la perte d'un proche aux mains de l’IDF (Israel Denfense Forces).

 

Ancré dans la réalité du conflit. Un des points forts du film est de placer, entre chaque événement marquant, des messages du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, propageant la haine envers les résidents de Gaza et menaçant les civils de subir les conséquences de la guerre s’ils ne quittent pas le pays. Afin d’avoir une meilleure idée de l’évolution de la situation, une carte indique au fur et à mesure les lieux de rassemblement des Palestiniens pendant la guerre. Les messages de l’IDF ordonnant aux habitants de Palestine d’évacuer leurs quartiers sous risque de devenir les victimes de bombardements sont également communiqués dans le documentaire. « Ils nous ont dit de venir au nord ! Où est-ce qu’on pourra être en sécurité ? » crie Aya alors que l’école dans laquelle sa famille et elle se sont réfugiées est bombardée. Les réactions des protagonistes aux avancées de la guerre ajoutent un point de vue humain que trop souvent les médias et réseaux sociaux ignorent.

 

Un format intimiste. Les vidéos, filmées par les différents protagonistes et leur entourage, donnent une impression de films familiaux. Life and Death in Gaza devient alors un documentaire réaliste, qui n’ajoute ni drame ni effets de style. Tout ce qu’il s’y passe est filmé spontanément, sans intention de brusquer le spectateur. Ce dernier est témoin d'un quotidien terrible, sans superflu, sans qu'il se sente poussé à compatir. Les émotions provoquées par le documentaire sont pures, brutes, et la détresse des personnes filmées marque d’autant plus. Il s’agit d’un récit honnête, qui éveille les consciences sans artifice et offre un aperçu réel des événements. Le sujet politique n’est pas abordé, il résonne dans les faits et se ressent dans le quotidien de ces personnes, de simples civils.

 

Khalid, 36 ans, est kinésithérapeute pour enfant, père de 3 enfants. Alors qu’il était en train d’ouvrir un nouveau cabinet médical, la guerre éclate et le force à quitter son quartier. Il parvient cependant à continuer son activité, aidant les blessés à récupérer, et faisant parfois office de médecin. Pour cette raison, Khalid décide de rester afin d’aider coûte que coûte ses voisins. Durant l’année filmée, Khalid parvient à revenir sur le site de son cabinet, dont il ne reste rien après les bombardements de son quartier.

 

Aya, 22 ans, est étudiante en droit. Alors qu’elle comptait partir pour l’Italie pour y poursuivre ses études, la guerre éclate, interrompant ses plans. Tentant de ne pas se laisser abattre, elle persévère et lorsqu’une occasion se présente enfin, les voyages internationaux sont coupés le 7 mai. Elle se demande alors si elle va devoir se résoudre à ne jamais accomplir ses objectifs. Accompagnée de sa famille, principalement de sa petite sœur Noor devant la caméra, elle fuit son quartier et se déplace peu à peu dans tout Gaza, vers les endroits déclarés sûrs. Si au début de cette année violente, elle parvient à maintenir le sourire face caméra et à garder espoir, son sourire s’efface peu à peu à mesure que son monde s’effondre, sans qu’elle puisse agir.

 

Adam, 29 ans, est éducateur. Ses sœurs Saja, 25 ans, et Shaimaa, 26 ans, et lui vont se réfugier dans une école des Nations Unies dès le début du conflit. L’école est très vite bombardée par l’IDF, faisant de nombreuses victimes civiles. Leur père est quant à lui hospitalisé pour traiter sa maladie de Parkinson. Lorsqu’il décède, les communications sont coupées et Adam ne peut pas prévenir ses proches. Leur frère, qui vit en Irlande, organise une collecte en ligne pour permettre aux adelphes de quitter la Palestine, mais entre les tarifs changeant chaque jour et l’envie d’Adam de rester dans son pays, rien n’est assuré.

 

Aseel, 25 ans, est enceinte lors des événements. Elle commence à filmer en décembre, expliquant qu’elle n’a pas pu voir de médecin depuis octobre et ne sait rien de l’état de santé de son enfant, ni exactement quand elle va accoucher. Son mari, Ibrahim, 27 ans, est photographe, principalement pour des associations humanitaires. Il continue à travailler pendant la guerre, laissant sa famille pour prendre des photos sur le terrain. Il voulait envoyer sa famille loin de Gaza et expédier ses revenus pour lui assurer la sécurité, mais Aseel a refusé de le laisser seul. Leur première fille, Rose, avait à peine un an en octobre, et n’a jamais connu que la guerre et les déménagements fréquents pour rester en lieu sauf.

 

Le quotidien sordide d’un peuple résilient. La résilience des protagonistes, leur assimilation de l’idée qu’ils risquent de mourir à tout instant, et la façon dont ils le disent à la caméra avec une émotion moindre, témoignent de combien leur réalité est inimaginable. « À n’importe quel moment, là où je marche, une bombe pourrait exploser » dit Adam au cours de son trajet de deux kilomètres pour aller chercher du pain. Life and Death in Gaza empêche d’oublier qu’il s’agit du quotidien de milliers d’individus, qui se battent pour survivre et résistent à chaque instant dans un pays en guerre où tout est incertain. Ce documentaire apporte un aperçu singulier de l’envers du décor de ce conflit, montrant au jour le jour des habitants qui partagent le sentiment que le reste du monde ne se sent pas concerné par leur destin.

 

Une génération à l’avenir incertain. Life and Death in Gaza montre les situations de personnes de tous âges, d’un septuagénaire criant au génocide car il n’a jamais connu la paix aux enfants qui ont grandi dans cet environnement de violences. Ces derniers commentent sereinement qu’ils ne pensent pas que la guerre prendra fin un jour, ils savent pertinemment que l’armée israélienne cherche à les tuer. Lorsqu’ils jouent, ils prétendent que leur poupée a été blessée par une bombe et qu’ils doivent la soigner vite, ce que beaucoup d’enfants font après l’avoir vu dans des films plutôt que sous leurs yeux. Les plus grands revoient des photos, ou se souviennent de moments avant les bombardements incessants. Ils se demandent s’ils retrouveront un jour ce bonheur. Les protagonistes s’inquiètent alors de l’effet que ces conditions de vie auront sur les enfants si la guerre prend fin un jour, de la façon dont cette violence les affectera sur le long terme.

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Miniature du documentaire de Natasha Cox Life and Death in Gaza.
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