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Mot de passe oublié ?Ce 6 mars 2016, il fait gris à Strasbourg. Mais en entrant dans son musée d’art moderne et contemporain, en traversant la verrière colorée pour pénétrer dans le blanc immaculé des espaces d’exposition, une voix se fait entendre. Inhabituelle de douceur. Debout au milieu des toiles d’Aurélie Nemours (1910-2005) et de quelques contemporains, une femme à la silhouette gracile redit les mots de l’artiste évoquant sa longue expérience de la création. Claire Aveline est comédienne et crée au milieu du public, venu s’asseoir sur les bancs et sièges disposés pour l’occasion, une performance autour de l’œuvre d’Aurélie Nemours, intitulée Commotion du point. Elle explique en préambule le choc qui a motivé cette initiative. « Tombée sous le charme de cette œuvre lors de la rétrospective à Beaubourg en 2004, elle m’accompagne et me soutient spirituellement depuis lors, et en particulier les poèmes. C’est un voyage exigeant et merveilleux que j’ai entrepris de faire partager, pour rendre ce qui m’a été donné ». Après cette rare rétrospective française, la comédienne est allée visiter les lieux où d’autres œuvres sont présentées, les galeries, les musées, les vitraux monochromes du Prieuré de Salagon… Puis elle l’a lue, ses textes et ses poèmes, l’a écoutée grâce aux enregistrements radio, l’a vue s’exprimer au cours de quelques entretiens filmés*. Un corpus qui peu à peu l’a emportée jusqu’à faire naître l’envie d’incarner sa quête esthétique autant que spirituelle devant le public.
Le moment du partage. Il n’est pas courant d’accéder aux textes, aux poèmes, à la pensée construite d’Aurélie Nemours. Qui l’a lue ? Qui l’a entendue s’exprimer ? La performance de Claire Aveline est aussi là. Faire connaître de l’intérieur la singularité d’une artiste méconnue, là où les œuvres sont exposées. Faire partager au public l’émotion de cette découverte. C’est un privilège magnifique qu’offre l’art vivant, de porter des textes** forts à un public qui ne les lira sans doute jamais. Faute de temps, d’accès aussi. Claire Aveline l’accomplit par sa gracieuse incarnation, par sa « mentalisation » de l’artiste bousculant l’ordre établi, luttant intérieurement pour accoucher de son vocabulaire formel, reproduisant même ses délicates hésitations verbales. L’artiste a exposé avec force détails le chemin qui l’a conduite au delà de la figure, de la géométrie, de l’abstraction même. La voix de la comédienne fait entendre la démarche d’Aurélie Nemours, fait vibrer de la peinture.
L’auteur du Rythme du millimètre et de Trois noirs a immergé son imaginaire dans le vide, le rythme, la ligne, l’oscillatoire, le spectre chromatique. Pour aller au plus près de ce qu’Aurélie Nemours écrit de son expérience de la couleur, Claire Aveline invite un musicien, Julien Thenard, à la rejoindre. S’emparant de son trombone à coulisse, il joue tout près d’elle, face à elle ou dos contre dos, les notes que lui ont inspiré le noms des couleurs. Elle accompagne la sonorité de l’instrument en chantant « noir », « bleu », « rouge orangé », « gris », au diapason des notes inventées. Couleur, note, chant. On atteint l’émotion pure, idéale pour se replonger, plus profondément que jamais, devant l’œuvre d’Aurélie Nemours.
Commotion du point est une performance poétique et musicale autour de l’œuvre d’Aurélie Nemours (30mn) – Création le 6 mars 2016 au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg - Conception et voix : Claire Aveline – Trombone à coulisse : Julien Thenard – Collaboration artistique : Véronique Maillard – Composition musicale : Clément Walker-Viry. Aurélie Nemours (1910 Paris - 2005 Paris) a fait donation d’une vingtaine de ses pièces au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg.