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« Vivipares » (Posthume), première création de Céline Champinot

par Julie Delem
Adrienne Winling est Charles Bukowski, dans
Adrienne Winling est Charles Bukowski, dans "Vivipares"©Lagalerie
©LaGalerie
©LaGalerie
Arts vivants Théâtre Publié le 14/05/2015
Cinq actrices se prennent pour des hommes et elles bourlinguent d’un quai de gare provincial à une chambre d’hôtel crasseuse de Los Angeles, d’un fjord suédois à une cerisaie ukrainienne. "Vivipares" de Céline Champinot creuse l'absurde, pour mieux laisser jaillir les rires et les larmes.

Vivipares est un ovni. Trop de situations, trop de personnages, trop de sauts dans le temps, l'espace et la logique, pour être terrestre et identifié. Un récit comme une roche brute, parsemée de petits diamants de drôlerie. Incompréhensible, inexplicable, d'une absurdité exacerbée, voire revendiquée dans l'oeil fou et lubrique des comédiennes. Vivipares pourrait être un jeu de rôles imaginé par des copines en culotte courte, le temps d'une récréation. Chacune a son heure de gloire, sa tirade furieuse et crachante. Les personnages changent, se confondent avec d'autres, ressuscitent. La pièce reprend du reste les codes de la création théâtrale improvisée : un enfant acteur lit le texte, cite les didascalies, tire sur les rennes du temps et de l'imaginaire, avant de lâcher du lest aux comédiennes, qui finissent de séparer la pièce de tout corps dramaturgique logique. Toujours comme des enfants, les cinq jeunes femmes en scène choisissent de s'appeler David Bowie, Charles Bukowski, Judy Garland ou Michaël Jackson. Comme des enfants, ça crie, ça pleure, c'est drôle, ça épuise.

Faire semblant. Que l'on ne s'y trompe pas. Sous ce déballage faussement improvisé du « rituel théâtral », Vivipares a soigneusement été écrit, construit, pensé « en amont, à la bibliothèque ». Céline Champinot, auteur et metteur en scène, est même sur le coup depuis 2010. Lors de deux années « en tant qu'élève chercheuse en deuxième cycle » au Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris (CNSAD), elle peaufine la mise en scène du texte, qui devient son projet de fin de Master. « A l'origine, Vivipares n'a pas été écrit pour des femmes. Je n'avais aucune idée en tête pour la distribution », raconte-elle. Elle finit par soumettre le projet aux comédiennes du collectif La Galerie, qu'elle a co-fondé en 2008.

De sa voix douce, la jeune auteure Céline Champinot donne volontiers du concept et du vocabulaire. Elle revendique une « dramaturgie faite de collages », « d'éléments épars », « au service d'un théâtre en train de se faire ». C'est pourquoi, dans ce sous-sol familial, à travers des personnages freaks un peu assassins et alcooliques,  « Vivipares raconte les difficultés qu'un auteur peut rencontrer et explore, de manière plus générale, les facettes de la théâtralité ». La jeune femme en est persuadée, « c'est tout ce qu'il reste » aux nobles et usées formes du spectacle sur planches : la nécessité de « questionner le faire-semblant, avec d'un côté le discours clamé face au public et de l'autre la notion de l'incarnation des acteurs. Vivipares est clairement positionné pour un théâtre incarné, c'est-à-dire pour la dissolution des frontières entre le personnage et le comédien sur scène ».

Théâtre « bricolage ». Un fois le fil conducteur écrit, Vivipares s'est construit de façon sporadique, au fil des répétitions, « une semaine par ci, par là ». Viennent les étapes de lecture, de mise en espace, avant un travail plus intensif lors d'une résidence au Centquatre à Paris, puis à la Maison des Métallos. L'absence de moyens inspire la situation d'énonciation de la pièce : une bande de filles dans les sous-sol d'un pavillon familial, avec des objets de récupération, des cartons scotchés au sol.
Dans son panier d'auteur-metteur en scène, Céline Champinot met également un tas d'« éléments nourriciers » : des références à Tchekhov, à Lagarce, mais aussi aux idoles pop. « C'est vraiment un spectacle sur le mythe de l'individu », insiste-t-elle. Ses personnages sont à la recherche de la célébrité, de leur « quart d'heure de gloire, comme le disait Andy Warhol ». Bientôt, ils abordent « la problématique de l'humiliation des autres, comme moyen de revendiquer son existence. » « Quel meilleur endroit que le théâtre, où tout se déroule sous les yeux d'un tiers, pour en parler ? » conclut Céline Champinot.

 

Vivipares (Posthume), groupe La Galerie. Texte et mise en scène : Céline Champinot. Collaboration artistique : Nicolas Lebecque. Scénographie : Emilie Roy. Lumière: Claire Gondrexon. Arrangements, musique : Pem Bray-Weppe, Antoine Girard. Production, diffusion : Mara Teboul - L'Oeil écoute. Avec: Louise Belmas, Maëva Husband, Elise Marie, Sabine Moindrot, Adrienne Winling. A voir les 25, 26, 27 mai 2015, au CDN de Dijon. Du 5 au 19 octobre 2016 au Théâtre de La Bastille.

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