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Mot de passe oublié ?Concert électronique. Ils sont à la fois complétement siphonnés et esthètes. Des ultra-rigoureux de l'octave qui réalisent des lives en boîte de nuit. Des mordus de l'acoustique qui rêvent d'imiter les machines. Cinq musiciens sortis du conservatoire classique, produisant de l'électro à la fois sombre, planante et dansante. Le Cabaret contemporain est un projet si ambitieux, si déraisonnable qu'il est peu croyable qu'il ait réussi à voir le jour.
Ou plutôt la nuit. Le mardi 13 mai, dans la salle tout en néons électriques du Badaboum à Paris, la greffe a pris. Pour donner un objet hybride, mi-organique mi-métal, fait de cordes, de matières frappées sur des arrangements et un kick électro. Un objet un peu unique, dédié au plaisir éphémère d'une centaine de clubber, prêts à fermer les yeux sur leur sourire béat, le verre levé au ciel.
Impro. Sur scène, on découvre deux contrebasses, un piano à queue, une batterie vintage, une guitare électrique. Lors du tour de présentation, les rires fusent. Simon Drappier « la sagesse », Ronan Courty « le virtuose », Fabrizio Rat« le pianiste du monde », Julien Loutelier « la retenue », Giani Caserotto « l'harmonie ». Ces gars-là aiment les métaphores. « On pourrait être une machine à mandibules bio-mécanique» entend-t-on à droite. « Où chacun serait un engrenage », continue-t-on à gauche. Ils donnent des interview comme ils composent: de concert. Sur scène et en répétition, « on est comme cinq cuisiniers qui préparent un plat ensemble. Le plat évolue tout le temps. A chaque fois qu'on recommence, on a pas les même ingrédients, mais on a une idée générale de ce que l'on veut obtenir ».
Le pari est là : sans pré-enregistrements ou séquences, les lives de Cabaret contemporain sont pensés pour comporter une part d'improvisation. Pas aussi « précis » que les Dj et leurs platines, ils se disent plus « réceptifs » et « flexibles » aux mouvements océaniques de la foule. « Ce à quoi on aspire, c'est de rentrer en communion avec le public, s'en nourrir et parfois se laisser emmener ailleurs».
Pulsation. Le concept est créé en 2013, suite à l'arrivée catalysante de Laurent Jacquier, producteur. Le groupe de copains se connait de longue date, jouent ensemble ou séparément dans plusieurs groupes de rock, jazz, de techno minimaliste. Ils sont compositeurs, producteurs ou arrangeurs, pour le cinéma, pour des formations classiques ou expérimentales. Une chose les unit : la fascination pour l'étrange pouvoir de la pulsation, « même si parfois ce n'est pas la même ».
Abysses. Leur utopie musicale est poussée à l'extrême. Sans leader, « on est à la recherche d'un idéal sonore », une harmonie collective faite de productions, d'instruments et de personnalités individuelles. « On en parle beaucoup entre nous. Il faut que tout le monde soit d'accord sur ce que l'on garde ou non » des séances d'improvisation et d'expérimentations. Pour ne jamais s'ennuyer, ils jouent à la fois leurs créations personnelles issues du Bal Contemporain et s'imposent des thématiques, comme motif de dissertation : Revisiter Terry Riley, le père fondateur de la musique minimaliste, adapter le compositeur de jazz Moondog, la musique expérimentale de John Cage, ou encore le mythique groupe électro Kraftwerk. Ils sont moitié aériens, moitié abyssaux. Alors, jouer en piscine ne leur fait pas peur. C'est même mieux, puisque les ondes ne diffusent pas à la même vitesse dans l'air que dans l'eau. Depuis 2012, ils se baladent à travers la France avec le projet Wet Sounds. Les deux performers Joel Cahen et Rebecca Hiwox les accompagnent et diffusent le concert jusqu'aux oreilles immergées, via des hauts-parleurs subaquatiques. Fous et esthètes, je vous dis.