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Tourisme : l’attrait culturel se développe

par Pierre Magnetto
Le Palais des Papes et toute la ville d'Avignon bénéficie largement du tourisme culturel; © Rivaud/Naja
Le Palais des Papes et toute la ville d'Avignon bénéficie largement du tourisme culturel; © Rivaud/Naja
Hors-Champs Croisement Publié le 08/02/2017
Le premier secteur économique en France est le tourisme, et qui dit tourisme dit propositions culturelles. 2017 sera, pour le ministère de la culture, l’année de mise en œuvre d’une stratégie de développement de cette offre, avec mise en valeur des sites, innovations technologiques et souci de démocratisation de l’accès à la culture. A l’heure où l’hexagone reste la première destination mondiale malgré un recul dû aux attentats.

Chaque année, le ministère de l’économie et des finances publie les chiffres clés du tourisme en France. La publication de fin 2016 (pour les chiffres de 2015) confirme que l’hexagone reste le pays le plus visité au monde avec 84,5 millions de touristes, devant les Etats-Unis (77,5 millions) et l’Espagne (68,2 millions) suivis de la Chine (56,9 millions) et l’Italie (50, 7 millions). Les pays suivants, Turquie, Allemagne, Royaume-Uni, n’atteignent pas les 40 millions de visiteurs. Ce leadership français explique sans doute que le tourisme soit le premier secteur économique du pays où il représente à lui seul 7,3% du PIB.

Les acteurs du tourisme n’entendent pas pour autant s’endormir sur leurs lauriers. D’abord parce que les attentats qui ont endeuillé la France et plus particulièrement la ville la plus courue, Paris, ont eu un effet déprimant sur le tourisme, avec une baisse de 1 milllion en 2016 du nombre de visiteurs étrangers, la courbe se redressant cependant en fin d’année. Ensuite parce que les résultats financiers ne placent la France qu’au 4e rang mondial. Les 84,5 millions d’étrangers qui visitent la France dépensent en effet 41,4 milliards d’euros (moins 5,4% par rapport à l’année précédente) alors que les 77,5 millions qui visitent les Etats-Unis en dépensent 184, 3 !

 

L'attrait culturel. Il est vrai aussi que le tourisme intérieur est très fort en France, puisque les Français ont consacré 106,8 milliards d’euros à leurs voyages dans l’hexagone, assurant à eux seuls 1,125 milliard de nuitées. Les villes sont les premiers lieux de destination, mais la montagne, le littoral et les espaces ruraux les talonnent. Et dans ce choix, le tourisme culturel apparaît de plus en plus aux opérateurs comme aux collectivités, comme une option à développer.

Difficiles bien sûr de réaliser une étude macro-économique sur l’importance détaillée de l’attrait culturel. En 2007, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) a publié une étude chiffrant à 40% la part du tourisme culturel dans le tourisme mondial avec une courbe ascendante. Or ce tourisme, en plus de son impact économique, est structurant pour les territoires et pour la démocratisation de l’accès à la culture, et fait des coûts liés à la mise en valeur du patrimoine et à la création culturelle un investissement plus qu’une dépense sèche. C’est pourquoi villes, départements et régions le développent et, en décembre dernier, la ministre de la culture Audrey Azoulay a annoncé le lancement en 2017 d’une stratégie en sa faveur.

 

Le Limousin crée AVEC. Bien avant sa fusion avec Aquitaine, la région Limousin a ainsi mis en place l’Agence de valorisation de l’économie de la culture (AVEC). Sur ce territoire, essentiellement rural, la culture est plus que jamais considérée comme un facteur d’attractivité. L’AVEC soutient les filières artistiques et culturelles par diverses actions, mais s’appuie aussi sur les nouvelles technologies pour conduire sa politique de développement. En 2010, l’agence a lancé le projet Géoculture le Limousin vu par les artistes. Ce site Internet, présentant 1248 œuvres géolocalisées, a été complété l’été dernier par une application mobile qui « permet d’associer découverte touristique du territoire et découverte d’œuvres », explique Giulia Garatto, responsable développement à l’AVEC. On y trouve un parcours sur les traces de Claude Monet qui, au cours d’un séjour dans la Creuse, réalisa une série de tableaux : les paysages peints sont géolocalisés, même si les œuvres sont, elles, éparpillées dans des musées à travers le monde. « Nous avons construit des passerelles avec le Comité du tourisme en Limousin pour développer des outils de valorisation touristique » poursuit Giulia Garatto.

 

French Tech culture. Le numérique s’est également imposé dans le développement de la culture. A Avignon, il permet de renforcer l’attractivité tant des événements que du patrimoine et du terroir du Vaucluse. A l’initiative d’Olivier Py, le directeur du Festival d’arts vivants le plus visité au monde, et de Paul Hermelin, PDG de Cap Gemini, la French Tech culture a pu voir le jour. Son projet est de créer un écosystème favorisant l’éclosion de startups qui développent des solutions aux acteurs du monde de la culture. Par exemple, Théâtre in Paris a étrenné en première mondiale en 2015 lors de la représentation du Roi Lear en ouverture du Festival d’Avignon, des lunettes de réalité augmentée connectées permettant d’afficher individuellement des sous-titrages sans pour autant impacter sa vision du spectacle.

Si l’outil numérique permet de toucher un public plus large, Pascal Keiser, coordinateur général de la French Tech culture et cofondateur de The bridge, l’accélérateur mis en place pour appuyer les startups, note « chez les opérateurs culturels, une réticence à se considérer comme opérateurs touristiques. Il y a souvent l’idée que donner une vocation touristique à une structure culturelle, c’est un peu pécher. Or, quand on est un grand festival, un site culturel classé à l’Unesco, on devient un site touristique ».

 

L’enjeu de la démocratisation. Le développement du tourisme culturel ne passe pas seulement par les technologies. Depuis une quinzaine d’années, on constate l’émergence du tourisme dit expérientiel ou créatif. « C’est une grande tendance » observe Maria Gravari-Barbas, professeur de géographie et directrice de l'IREST depuis 2008. « Le tourisme n’est plus vu comme une consommation de service, mais comme la possibilité de vivre une expérience ». Ateliers artistiques dans des centres d’art, participation à des chorales, cours de cuisine pour découvrir la gastronomie locale, « c’est un renversement total du paradigme. Alors que dans le tourisme c’est le local qui donne à voir sa production aux touristes, dans cette situation c’est parfois le touriste culturel qui offre ses talents et ses performances aux locaux ».

Vient enfin l’enjeu de démocratisation. Développer le tourisme culturel, c’est aussi permettre à un public plus large de rencontrer le patrimoine et les œuvres. L’Union nationale des associations de tourisme de plein air, qui regroupe 1 500 structures de vacances portées par les mouvements d’éducation populaire, vient de signer une convention avec le ministère de la culture pour faire entrer l’art dans ses centres, à travers des expositions, résidences d’artistes, etc. Le concept sera testé l’été prochain dans les régions PACA, Occitanie et Grande Aquitaine. « Notre réseau joue un rôle important dans le développement des territoires avec plus de 40% de ses centres implantés en zone rurale » confirme Michèle Demessine, la présidente de l’Unat. L’ancienne secrétaire d’Etat au tourisme annonce que son organisation va « s’associer  avec tous les acteurs pour faire du développement culturel local qui permette de valoriser les territoires, d’offrir un accès à la culture de manière diversifiée aux vacanciers et permettre aux habitants des villages d’y participer ».

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