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Mot de passe oublié ?En pénétrant dans l’église des Célestins en ces jours de juillet, l’œil ébloui par le soleil doit s’accoutumer à la pénombre du lieu. Si l’architecture inachevée de l’édifice respecte la cité papale, l’amoncellement de pièces de menuiseries, de colonnes brisées, de chapiteaux écroulés et le sol en terre battue pas même nivelé, lui donnent un aspect de déshérence. C’est là que Ronan Barrot a posé ses couleurs. Prenant possession ici d’une niche, là d’une courbe de nef, l’installation des œuvres occupe sciemment le site. Dans ce lieu sombre et sans ordre, les grands formats imposent un relief inédit. Les couleurs vibrent, amenant vie et mouvement sur les murs déjà profanés d’histoires. De hautes toiles évoquent les grandes compositions d’un Titien, d’un Caravage. Des corps et des visages émergent du néant, la fulgurance du geste emportant une matière généreuse fait trace. Là où les peintres d’autrefois choisissaient leurs références dans les écrits religieux, Ronan Barrot trace à larges coups de brosse ses propres histoires. L’œil va et vient avec gourmandise, mais le mystère demeure.
L'artiste, né il y a 44 ans dans la ville voisine de Carpentras, a réalisé spécialement pour le festival et pour l’église désacralisée cette palette riche et sombre qui s’illumine à de rares endroits de bleus, ou de jaunes lunaires. Le rouge peut faire fond. Accompagné d’ocres chauds, il enflamme alors la scène. Des noirs mats occupent le fond, d’autres plus profonds sont brûlés par le passage d’un terre de Sienne ou d’un brun. Le paradoxe du flou et du détail entretient l’énigme, et inquiète.
Dans une niche, disposé en triptyque, un damier de somptueuses couleurs jetées d’un geste rond fait émerger des crânes. Ici, un enfant aux curieuses proportions marche devant une maison. Sont présentées aussi deux études préalables au tableau devenu l’affiche du festival, celui que l’on retrouve imprimé sur les panneaux urbains, sur les programmes et sur les murs de la ville. Qui signe une édition et entrera dans l’histoire du festival. Deux hommes, de dos, avancent au milieu d’un rouge vif. Le premier, les deux bras levés, regarde de côté. L’autre avance à grand pas derrière lui, le regard dirigé de l’autre côté. Une inquiétude plane. Mais la touche de peinture, lancée, fulgurante, confère une élégance apaisante. Non pas une touche soignée, couvrante, porteuse de l’illusion du fini. Non, le geste de Ronan Barrot est visible, il semble avoir été accompli à l’instant, porteur de l’illusion du vivant.
Un besoin vital, une urgence de peindre le rattache à ces créateurs qui, liés physiquement à la terre par les pigments et aux hommes par la gestuelle, laissent loin derrière eux un discours esthétique. La théorie fait corps avec la matière posée, et devient secondaire face à la puissance exposée.
Exposition Ronan Barrot, du 8 au 26 juillet dans l'église des Célestins - Avignon