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Avignon : « Ibsen Huis », une maison qui en sait long

par Jacques Moulins
Ibsen Huis de Simon Stone, une maison conçue par la
scénographe Lizzie Clachan. © Raynaud de Lage
Ibsen Huis de Simon Stone, une maison conçue par la scénographe Lizzie Clachan. © Raynaud de Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 16/07/2017
En construisant sur scène une maison et un texte composé de pièces d’Ibsen, Simon Stone amène la famille au premier plan. Un drame, sous tous ses aspects, très contemporain.

Ibsen Huis, c’est une construction. Au sens matériel, la maison de verre et de bois avec ses deux étages, ses pièces sur cour et jardin et son toit en pentes, se construit et se déconstruit sur un plateau tournant de la grande scène de la cour du lycée Saint-Joseph. Au sens intellectuel, Simon Stone construit à partir des différentes pièces d’Ibsen une maison familiale qui tient beaucoup à Solness le constructeur, mais aussi à Une maison de poupée et Un ennemi du peuple, bien que plusieurs autres textes de l'auteur norvégien soient utilisés. Qui dit maison familiale au théâtre, dit drame familial. Celui-ci se joue sur plusieurs générations, les scènes passant d’une époque à une autre, sans succession chronologique, avec date indiquée au fronton de la maison.

Si l’univers d’Ibsen est constamment présent, « cette pièce est un nouvel objet, écrit pour les acteurs que j’ai individuellement choisis, rôle par rôle » dit l’auteur et metteur en scène australien. « Plus important peut-être, il s’agit d’une réflexion autobiographique. Je crée des personnages qui m’évoquent des hommes et des femmes rencontrés tout au long de ma vie et qui portent en eux l’essence des figures d’Ibsen. »

 

L’intérieur bourgeois est naturellement au cœur de cette maison de vacances qui renferme tous les tabous, les luttes d’influence, les secrets, les crimes tus et les témoins muets que la famille en général et la famille bourgeoise en particulier peuvent connaître et refouler de génération en génération. Lorsque le crime bousille la vie de l’un d’entre eux, des vérités ressortent en même temps que des silences et des culpabilités difficiles à accepter. Tout cela n’est pas dans Ibsen, et là où le metteur en scène bâtit son travail sur l’interprétation du texte, Simon Stone le fait en réécrivant le texte. Cela peut réduire la possibilité des imaginations, comme lorsque la promesse faite à sa toute jeune nièce par le constructeur Solness de lui bâtir un château quand elle deviendra grande, devient l’argument consolateur d’un oncle pédophile. Mais l’objet n’est pas de sanctifier Ibsen. La pièce ambitionne plutôt de lui donner une nouvelle contemporanéité, ses « figures » étant si bien « activées » que le spectateur familier du théâtre de l’auteur se retrouve à discuter imaginairement avec les acteurs de ce que les personnages auraient pu ou pourraient devenir. L’impression est renforcée par le fait que les acteurs jouent différents rôles au sein d’une même famille, que plusieurs scènes sont jouées en même temps dans des pièces différentes (même si l’une reste dominante).

La maison, conçue par la scénographe Lizzie Clachan, est donc déterminante. Elle est audacieuse, multiple, cadre éminent du drame, objet de conflits originel et final. C’est une grande trouvaille esthétique qui montre combien, aujourd’hui, la pièce présentée est le résultat d’un travail d’équipe entre metteur en scène, scénographe et acteurs, car Simon Stone, comme l’auteur et metteur en scène portugais Tiago Rodrigues, écrit ses textes au jour le jour après les avoir confrontés au travail des acteurs. Le résultat est une œuvre puissante, qui dépouille le mensonge et les hypocrisies, les intérêts financiers et les enjeux relationnels, la bassesse et la grandeur humaine.

 

 

Ibsen Huis de Simon Stone d’après des textes d’Henrik Ibsen. Festival d’Avignon, Cour du lycée Saint-Joseph du 15 au 20 juillet (relâche le 17 juillet). Créée le 9 mai 2017 à la Stadsschouwburg d’Amsterdam. Avec Celia Nufaar, Hans Kesting, Bart Klever, Maria Ktaakman, Janni Goslinga, Calire Bender, Maarten Heijmans, Aus Greidanus jr., Eva Heijnen, Bart Slegers et David Roos.

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