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Mot de passe oublié ?Le travail divise. Emploi vs chômage, gains prodigieux de grandes entreprises vs plans de licenciement, épanouissement personnel vs pénibilité ou aliénation. Le mot travail, entré dans nos vies dès la maternelle, prend des sens très variés. Figées souvent dans un idéal produit lors des trente glorieuses, les visions anciennes ont la vie dure alors que le monde professionnel est en mutation constante et rapide. Prendre de la hauteur, du champ, dans un brouhaha de rumeurs et d’annonces fallacieuses, c’est ce à quoi œuvrent la quinzaine d'artistes réunis au MAIF Social Club par Anne-Sophie Bérard, commissaire de l’exposition Ô BOULOT ! Témoins de leur temps, ils ont fait du travail leur matériau. Parvenant à faire gicler la poésie, l’humour, la dérision. Et le cynisme. À l'image de Julien Précieux quand il écrit ses centaines de Lettres de non motivation en 2007, œuvrant à décortiquer les annonces d’offre d’emploi de grandes entreprises qui lui inspirent des réponses pointant les incongruités de l’offre qui, si on prend de la distance, ne peuvent que se refuser. Quand Pilvi Takala se filme en caméra cachée déguisée en Blanche-Neige devant le parc EuroDisney ou en stagiaire inactive et penseuse au sein de l’open space d’une entreprise, elle provoque d’étranges réactions. Motivés ? est une invitation à s’arrêter, à penser, à jouer avec les mots. Dans trois vidéos, on voit l'artiste Donald Abad tenter physiquement de prendre sa Carrière à bras le corps, puis on s’arrête devant un miroir Matière à réflexion. Son auteur, Jean-Baptiste Caron, convie chacun de nous à souffler sur l'œuvre pour que la buée produite fasse apparaître une cinquantaine de mots gravés, que des sociétaires de l'assureur interrogés ont associé à l’idée de travail. L’horloge de Bertrand Planes ressemble à une banal horloge de bureau, pourtant sa Life Clock n’affiche pas les heures de la journée mais avance au rythme d’une vie de 82 ans. La regarder n'aide pas à se repérer dans le temps frénétique du quotidien mais dans celui, nettement moins immédiat, de l’étendue d’une existence. Ailleurs, douze machines à coudre sont alignées le long d’un mur. Programmées numériquement par l'artiste Martin Messier, elles s'actionnent pour une performance poétique lumineuse et sonore de 3 mn. Tous ces points de vue sur le travail obligent à sourire et nous renvoient à nos propres expériences. Dans l’insoutenable fureur de nos vies, chaque artiste parvient à ouvrir une fenêtre qui nous ramène à notre humanité. Cela fait un bien fou !
Une parenthèse poétique. Comme un préambule à l’exposition, l’équipe du MAIF Social Club fait référence à un rapport de l’institut du futur, publié en juillet 2017, selon lequel « 85% des emplois de 2030 n’existent pas aujourd’hui ». Une telle perspective donne matière à rêver, à imaginer, à composer avec l’invraisemblable. « L’exposition est pensée comme une parenthèse poétique et philosophique », précise la commissaire Anne Sophie Bérard qui a organisé le parcours des œuvres en trois séquences : Désorientés…, Motivés ? et Engagés ! Aucune de ces œuvres n’est « attendue ». Chacune provoque avant tout un grand étonnement tant nos esprits sont fermés quand il s’agit de penser le travail.
Ô BOULOT ! Exposition du 19 janvier au 28 avril 2018 au MAIF Social Club - 37 rue de Turenne Paris 3e. Entrée gratuite ouverte à tous, du lundi au samedi.