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« Occidental » de Neil Béloufa, l’anti jeu des préjugés

par Stoyana Gougovska
"OCCIDENTAL", film de Neil Beloufa (2018)
Cinéma Film Publié le 29/03/2018
Après plusieurs court-métrages expérimentaux, "Occidental" est le premier « objet » de Neil Béloufa qui se rapproche le plus d’un « vrai film de cinéma ». Le long-métrage de l’artiste, réputé pour ses installations mêlant sculpture et vidéo, sort en salles au moment même où une exposition personnelle intitulée « L'Ennemi de mon ennemi » se tient au Palais de Tokyo à Paris.

Occidental est une œuvre à part, hybride, qui se joue des codes et conventions du cinéma avec humour. Dans le décor d’un hôtel parisien ringard, assiégé par une manifestation, se retrouvent des personnages on ne peut plus cliché - la réceptionniste naïve (Louise Orry-Diquero), le jeune valet (Hamza Meziani), la gérante que l’on sent marquée par un passé difficile (Anna Ivacheff), un couple franco-anglais d’une grande différence d’âge, des jeunes touristes britanniques venus faire la fête… L’arrivée de deux hommes, de toute apparence italiens - Giorgio (Paul Hamy) et Antonio (Idir Chender) – qui, par leur étrange comportement, suscite les soupçons du personnel. Mythomanes ? Amants ? Voleurs ? Les deux hommes dissimulent-ils leur identité ou bien sont-ils victimes des préjugés et des peurs qui traversent notre société ?

 

Un patchwork de clichés. Alors que la colère du peuple gronde dans la rue et sur les écrans télévisés, un politicien donne des justifications improbables dans un dialogue de sourd avec une journaliste désespérée. À l’intérieur de l’hôtel Occidental, l’ambience est elle aussi de plus en plus tendue. La gérante, persuadée que les deux italiens préparent un crime, convoque la police sans preuves de leur culpabilité. Chacun des personnages apporte sa version, mais aucune ne convainc. « Ce qui m’intéressait c’était de parler des mécaniques des discours, comment ces choses-là sortent, comment on les utilise, comment ça se médiatise, comment c’est représenté, explique Neil Béloufa. Je voulais faire un patchwork, mettre plein de clichés, qui normalement ne s’articulent pas ensemble, et qui du coup font un film qui ne marche pas »,

 

Idéologies bizarres. Dans Occidental, le scénario ne donne pas de clé pour comprendre, c’est au contraire l’échec des narrations qui structure le film. Manipulant les idées reçues du spectateur, son rapport à la fiction, au genre. Actionné par la mécanique du thriller, le film pousse à chercher le criminel, puis quelques séquences plus tard quand la mécanique romantique se met en place, c’est la quête du motif amoureux, et quand appuie le levier des préjugés ethniques, s’impose l’image du terrorisme… Le spectateur est dirigé en permanence vers des scénarios qui, au final, ne fonctionnent pas. « Ce que je voulais, c’est voir ces espèces d’idéologies bizarres qui traînent de plus en plus dans les discours et comment on les articulait », complète le jeune réalisateur.

Pour l’artiste qu’est Neil Béloufa, étendre son territoire au-delà de la forme de l’exposition et de la vidéo expérimentale motivait une sortie de sa zone de confort. Il s’agissait de créer un objet plus populaire, dont les sujets et mécaniques sont les mêmes que dans ses installations artistiques, mais destiné à un autre public que celui des musées. Une motivation qui se retrouve de plus en plus souvent chez la jeune génération d’artistes.

 

Occidental, film réalisé par Neil Béloufa. Avec Louise Orry-Diquero, Hamza Meziani, Anna Ivacheff, Paul Hamy, Idir Chender. Sortie en salles le 28 mars 2018.

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