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Montpellier Danse : la sublime confrontation Israel Galvan, Akram Kahn

par Jacques Moulins
Alors la danse de Galvan et Kahn a commencé, les deux arts se sont affrontés, disputés, imposés le silence, et enfin mêlés. © Jean-Louis Fernandez
Alors la danse de Galvan et Kahn a commencé, les deux arts se sont affrontés, disputés, imposés le silence, et enfin mêlés. © Jean-Louis Fernandez
Arts vivants Danse Publié le 29/06/2015
Deux chorégraphes cultes de la danse contemporaine, nourris de cultures et de transgressions ont fait cause commune pour créer Torobaka au festival de Montpellier. Phénoménal.

Comme nos ancêtres de la Renaissance ou des Lumières, nous faisons l’expérience qu’une idée nouvelle ne se fait pas sans heurts. La mondialisation aura appris au XXIe siècle le choc inévitable des traditions et des novations. C’est sans doute pourquoi toute création artistique qui nous en parle aiguise notre curiosité, éveille notre interprétation.

Dans ce contexte, deux voyageurs intrépides qui entendent bousculer leur culture par attachement à cette culture sont promesses de plaisirs. Ils vivent en Europe, sont Européens mais portent les accents de l’Andalousie mozarabe et du Bengale. Leur rencontre, sur une même scène, est déjà un événement. Une création portée sur la scène du Corum de Montpellier Danse.

Israel Galvan est né dans la culture flamenca. Il la porte jusqu’aux bouts des doigts. Akram Khan a grandi sur les tréteaux, passionné de danse et de la tradition du kathak indien. Tous deux, percutés par la danse contemporaine, ont décidé courageusement d’interpréter la tradition dans leur époque. Au port masculin du danseur de flamenco, héritier et inspirateur de la séduction du torero face au mâle toro, Israel Galvan a depuis longtemps imposé les déhanchements et la gestuelle des mains des femmes andalouses. Aux mouvements arrondis des mains et des poignets racontant la vaste histoire des textes sacrés, Akram Kahn a joint le geste déstructurant l’harmonie obligée.

Tous deux interprètent flamenco et kathak en leur cédant le geste, aussitôt interrogé, aussitôt mis en perspective, aussitôt réinventé. Tous deux le font surtout dans une énergie créative, rapide, violente, séduisante, qui leur laisse toujours un temps d’avance sur les contempteurs ou le public forcément conquis.

C’est là nombre de points communs qui les attiraient l’un vers l’autre, jusqu’à ce qu’ils pensent à ce rapprochement, tout de même assez rare chez les chorégraphes, d’une pièce créée et interprétée en commun : Torobaka. Restait à réaliser l’idée.

Tout, d’abord, devait être confrontations. Akram Kahn ne pouvait échapper à celle du flamenco qui met en présence, dans un dialogue chorégraphique digne de celui des rhétoriciens avec le texte, le duo danseur / musicien. Sans que Kahn bien sûr ne cède aux sirènes andalouses et entraîne plutôt le flamenco Bobote dans son jeu. De même pour Galvan face au percussionniste B C Manjunath. Les chants de David Azurza et Christine Leboutte accroissent encore ce mélange somptueux des genres qui s’épousent en modernité.

Les solos, bien que principalement dédiés à l’écriture des deux chorégraphes, devaient également pratiquer l’emprunt à la culture de l’autre, à sa gestuelle, à son énergie. Interrogeant par exemple ce geste impérieux des chevilles, à bottines à talons hauts pour l’Andalou, à grelots pour le Bengali.

Mais il fallait encore aller plus loin, s’attaquer à la confrontation directe, le duo d’Israel Galvan et Akram Kahn. Le placer en ouverture et en clôture de la pièce.

Pour recevoir une telle énergie, le globe terrestre a été écrasé en une arène autour de laquelle les quatre musiciens ont pris place. Tombant bien entendu du ciel, un cercle de lumière s’est mis au service de ces deux danseurs d’exception. Alors la danse a commencé, les deux arts se sont affrontés, disputés, imposés le silence, et enfin mêlés dans une complicité poussée jusqu’à aider le mouvement de l’autre. Évidemment rapide, nerveux et sensuel. Souvent synchronisé bien que chacun, miraculeusement, conserve sa signature. Toujours ludique, dans la gravité comme dans l’humour.

Dans la haute salle de l’opéra Corum, le public s’est levé pour saluer ce moment exceptionnel d’énergie positive et d’humanité. Assez rare là aussi pour ne pas le taire.

 

Torobaka est présenté à Londres du 30 juin au 5 juillet à Sadler's Wells et les 27 et 28 février 2016 à Boston au Citi Schubert Theater.

 

 

Bio

Ses deux parents étant eux-mêmes, Israel Galvan est né en 1973 sur la scène de Séville. Très vite, il travaille avec Mario Maya, Manuel Soler puis crée sa propre compagnie en 1998. Il bouleverse la gestuelle traditionnelle des danseurs de flamenco dans une énergie impressionnante. Il a été invité au festival d’Avignon en 2009.

Akram Khan est né à Londres en 1974. Sa famille est originaire du Bangladesh. Il fait ses premières armes à sept ans au théâtre dans le Mahâbhârata de Peter Brook, puis opte pour la danse en se formant à l’université de Leicester et Chapeltown. Il travaille avec Anne Teresa De Keersmaeker à Bruxelles avant de fonder sa propre compagnie en 2000 à Londres. Il se fait connaître par son approche contemporaine du kathak danse traditionnelle du nord de l’Inde. En 2008, il crée à Pékin Bahok pour le Ballet national de Chine, puis présente une pièce écrite et dansée en duo avec Juliette Binoche. En 2012, il signe la chorégraphique de la cérémonie d’ouverture des JO de Londres.

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