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Valérie Gerbault : « des thématiques s’imposent à nous soit par la qualité des films soit par la rareté des sujets traités »

par Pierre Magnetto
Valérie Gerbault, déléguée générale de PriMed. © DR
Valérie Gerbault, déléguée générale de PriMed. © DR
Cinéma Documentaire Publié le 01/12/2021
Alors que Primed fête son 25e anniversaire, sa déléguée générale revient sur les ressorts qui font vivre depuis un quart de siècle ce festival de documentaires consacrés à la Méditerranée. Si l’actualité est bien présente dans la sélection, des films plus intemporels montrent aussi les aspirations des peuples riverains aux cultures parfois éloignées les unes des autres.

PriMed fête ses 25 ans, comment renouvelez-vous les thématiques année après année tout en restant dans la continuité de ce qui fait l’identité du festival ?

En fait nous nous adaptons aux films reçus, nous n’imposons pas de thématiques. Chaque année nous recevons entre 350 et 500 films, 345 en 2021, et quand on les visionne des thématiques s’imposent à nous. Cependant, comme les documentaristes suivent l’actualité, certaines reviennent régulièrement. Sur 25 ans bien sûr que non, la crise des migrants à l’époque n’était pas aussi aigüe qu’aujourd’hui, mais depuis quelques temps nous retrouvons tous les ans des films sur des migrations. La guerre en Syrie, ça s’est un peu tari en raison du coronavirus et parce que c’était difficile de voyager et de tourner dans des pays peu accessibles. On s’adapte aussi à l’actualité historique, l’année prochaine on commémore les 30 ans de la guerre en Bosnie-Herzégovine et nous avons déjà reçu des documentaires qui traitent de cette thématique. Donc le plus souvent nos films suivent l’actualité mais nous, on ne sait jamais à l’avance quels films nous allons recevoir. Donc on les découvre et des thématiques s’imposent à nous, soit par la qualité des films soit par la rareté des sujets traités. Cette année par exemple nous avons un film sur les bombes qui sont tombées sur des territoires palestiniens, sur une d’entre elles était écrit made in France : le film pose la question de l’implication de la France dans le conflit d’une manière industrielle mais aussi essaye de savoir s’il y a autre chose derrière.

 

Quand on parle de documentaire tout le monde voit bien que ce n’est pas de la fiction. Pour autant, prenez-vous en compte l’esthétique dans vos critères de sélection ?

Ça peut l’être, mais c’est d’abord le sujet qui va nous interpeller, nous donner des clés de réflexion que l’on propose au public, sans avoir la prétention d’apporter des réponses. Nous pouvons choisir des films tournés caméra à l’épaule avec des images qui bougent beaucoup mais qui apportent une réflexion sur l’événement lui-même. Il faut que le sujet nous questionne et nous apporte quelques réponses, même si on peut les remettre en cause.

 

Dans ces thématiques on en voit de très politiques, comme celles liées aux migrations, en même temps on voit des choses plus tournées vers des expériences personnelles, des portraits individuels, la culture. Est-ce que les deux démarches se complètent ?

Elles se répondent complètement. C’est l’histoire avec un grand H et la petite histoire qui nous éclaire aussi sur les modes de vie. Nous avons un film, Les enfants terribles, qui est une plongée dans une famille turque où le père est tout puissant avec une volonté de révolte des enfants. C’est aussi intéressant de voir l’évolution de la société par le petit bout de la lorgnette.

 

Comment sont diffusés ces documentaires en dehors du festival ?

Au départ l’idée était de montrer des documentaires qui prenaient la poussière sur des étagères et que personne ne voyait. Nous avons une spécificité qui est d’avoir des prix à la diffusion mais, sur les 345 films reçus, s’il y en a 5% qui seront diffusés ce sera beaucoup. Il y a très peu de plages documentaires sur les antennes. Nous en avons quelques-unes en France sur les chaînes nationales, mais à l’étranger il y en a très peu. Il y a la chaîne 2M au Maroc qui a osé passer des documentaires à 20h30 le dimanche soir avec une audience de 3 millions de spectateurs. Nous proposons des prix à la diffusion avec nos partenaires : la RAI en Italie, 2M au Maroc et France Télévision remettent des prix. Pour notre part nous faisons vivre la sélection toute l’année en montrant les films ailleurs en partenariat avec la Jordanie par exemple, ou à l’Alcazar à Marseille. Cependant on voit de plus en plus des distributeurs venir à PriMed pour faire du business quand, pour nous, le principe est celui de la gratuité pour toucher un public le plus large possible, en ouvrant nos portes aux personnes qui n’ont pas forcément accès à la culture.

 

Vous insistez beaucoup pour que des jeunes des pays du pourtour méditerranéen s’impliquent dans le festival. Comment et pourquoi ?

Vous seriez étonné de leurs réactions. Souvent on pense que les jeunes ne sont pas intéressés par les thématiques mais il faut aller les chercher, leur proposer une réflexion et là vous avez des moments de grâce. L’intérêt de débattre avec ces jeunes c’est d’abord de les entendre sur les deux rives de la Méditerranée, de les faire réfléchir. Souvent on s’imagine que les nôtres n’ont pas grand chose à discuter ailleurs que sur les réseaux sociaux et, de l’autre côté, on se dit que ces documentaires ne les atteignent pas. Nous, nous faisons le trait d’union entre les deux. On apporte les documentaires de l’autre côté et ici on les fait réfléchir au-delà de ce qu’ils peuvent voir sur les réseaux sociaux. On cherche à faire une éducation à l’image, une éducation à la citoyenneté méditerranéenne, une éducation à la démocratie à travers le vote du jury. Quand on va à la rencontre de ces jeunes on est assez étonné de la maturité de leur réflexion. J’ai un exemple avec Les enfants terribles. Deux des gamines qui ont vu ce film en Égypte on dit « c’est normal que les parents décident de l’avenir de leurs enfants ». Là il y a eu un tollé de tous les autres, et on est en Égypte. Le tollé fait que les deux jeunes filles qui pensaient comme ça vont évoluer dans leur mode de pensée.

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