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Avec « Chair et os », Jérôme Thomas rappelle que l’homme est un animal

par Véronique Giraud
Une scène de Chair et Os, lors de sa création sous le chapiteau cirque Lili le 5 mai 2022. ©Christophe Raynaud de Lage
Une scène de Chair et Os, lors de sa création sous le chapiteau cirque Lili le 5 mai 2022. ©Christophe Raynaud de Lage
À la fois humains et animaux, les cinq interprètes de Chair et Os, spectacle conçu par Jérôme Thomas. © Christophe Raynaud de Lage
À la fois humains et animaux, les cinq interprètes de Chair et Os, spectacle conçu par Jérôme Thomas. © Christophe Raynaud de Lage
Arts vivants Cirque Publié le 09/05/2022
Cherchant à saisir la complexité du rapport entre l’homme et l’animal, Jérôme Thomas a mis au point un spectacle qui fait apparaître un nouveau mode de représentation de l’animal et un travail hors norme du corps.

Sur la piste du chapiteau du cirque Lili, que Jérôme Thomas a installé depuis janvier 2021 dans le parc du Centre hospitalier de la Chartreuse de Dijon, cinq artistes quadrupèdes se déplacent, sautent, se perchent, s’observent. Leurs grognements, leurs postures, le dodelinement de leurs têtes, leurs déplacements, tout révèle l’animal, singe, chien, porc, cheval, félin, oiseau… Des masques, des coiffures, des vêtements en peaux (magnifiques costumes et accessoires imaginés par Emmanuelle Grobet) confèrent une sorte d’identité animalière, on est pourtant très loin du registre de l’imitation.

Il émane une étrangeté dans les déambulations, dans les regards qu'on sait intelligents, dans les postures qui tiennent d'une rare virtuosité. Une girafe se déplace avec l’élégance et la sensualité d’un mannequin, un petit singe se love contre un cheval puissant en une tendre course sur la piste circulaire, les jeux malins, les défis pour expérimenter sa force, ouvrent les portes de notre imaginaire, invitant à reconsidérer l’animal et à le percevoir comme un être pensant, souffrant, aimant.

 

Jérôme Thomas avait depuis longtemps le désir de traiter la question de l’animal. Domestique, sauvage, en captivité, élevé, compagnon de travail, outil de guerre, le champ est large. Lisant beaucoup, se documentant, s’intéressant aux fait divers relatant des stratégies animales étonnantes, comme celle d'un vache qui avait caché un des deux veaux dont elle avait accouché à la lisière d’un bois après que son premier veau lui ait été enlevé pour être abattu. Pendant des jours, elle disparaissait pour aller l’allaiter. Quand le stratagème fut découvert, le veau fut immédiatement tué. « C’est horrible, il n’y a aucun sentiment » réagit Jérôme Thomas et de raconter encore : « Il y a une vingtaine de jours, une vache a réussi à s’échapper d’un abattoir hollandais. Une association a utilisé les réseaux sociaux pour alerter l’opinion, et l’animal fut sauvé ».

Son empathie, son horreur de la souffrance que l’homme inflige à l'animal, l’élaboration de scénarios par des animaux voulant échapper au sort fatal programmé par leur propriétaire, tout cela a convaincu Jérôme Thomas de porter la question de l’animal au cirque. Mais pas avec l’idéalisation que projette souvent le théâtre. « J’ai bloqué sur ces animaux parce qu’il y a une définition trop parfaite de l’animal » explique-t-il. Alors qu’il avait longtemps étudié la question afin de développer sa propre pensée, le chemin pour parvenir à l’exprimer par le corps d’interprètes allait lui demander encore beaucoup de recherches. « J’étais très troublé. Je me demandais quels acteurs j’allais chorégraphier, me fallait-il une girafe, un tigre, un insecte ? » C’est grâce à Lise, contorsionniste, qu’il eut la révélation. « Elle m’a montré qu’elle pouvait passer du koala à l’insecte ». Il n’était plus question de calquer un animal sur un personnage, tous les animaux traverseraient les interprètes. Il émane de cette esthétique une poésie, un rêve sans frontières. Les jeux de lumière, de pelages, de sons, de compositions sculpturales, jettent un trouble infini, interrogent le chemin qui mène de l'homme à l'animal.

Le spectacle se suffit à lui seul, le metteur en scène a voulu y ajouter les mots de l’autrice Aline Reviriaud  que la voix d’un narrateur déverse tout au long de la pièce.

 

Chair et os, direction artistique et chorégraphie : Jérôme Thomas. Avec : Magdalena Hidalgo Witker, Nicolas Moreno, Tamila de Naeyer, Juana Ortega Kippes, Nicolas Parraguez Castro, Lise Pauton, et le comédien Michel le Gouis, narrateur.

Du 5 au 7 mai – Cirque Lili Centre Hospitalier de La Chartreuse à Dijon. Le 12 mai – Théâtre du Dole Scènes du Jura /Scène nationale. Les 19 et 20 mai – L’Espace des Arts / Scène Nationale de Chalon sur Saône. Le 1er juillet – La Maison/ Scène conventionnée Art en Territoire à Nevers. Les 4 et 5 juillet – ​Festival Cirko sul filo, Grugliasco-Turin, Italie.

 

Cirque à l’Hôpital. Au cœur du Parc du Centre Hospitalier La Chartreuse, Le Cirque Lili, chapiteau de la compagnie Jérôme Thomas, accueille des ateliers de pratiques artistiques dans le cadre d'un projet Cirque à l’Hôpital en partenariat avec le Centre Hospitalier. Porté par ARMO/Cie JérômeThomas, avec le soutien de la DRAC ARS, ce projet «Culture et Santé » permet à plusieurs groupes de patients (accompagnés de leurs soignants) de découvrir l'univers du cirque et d'être confrontés au processus de création artistique, tout en confortant la présence forte de la culture au sein de l'hôpital.
Au delà, le Cirque Lili est un lieu d'Art et Essai, accueillant des spectacles, des créations de la Compagnie Jérôme Thomas et des propositions artistiques d'autres structures culturelles dijonnaises.

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