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Le Brésil de Marcelo Evelin vibre des chants de la forêt

par Véronique Giraud
@ Mauricio Pokemon
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© Mauricio Pokemon
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Arts vivants Danse Publié le 24/06/2022
Avec "Uirapuru", le Brésilien Marcelo Evelin puise dans l'imaginaire de la jungle amazonienne où le chant d'un oiseau légendaire, "le chanteur de la forêt" pour mettre en scène la vitalité d'une humanité précaire. Sa pièce est créée à Montpellier Danse.

L’art et la culture rapprochent souvent les peuples, ils peuvent aussi rendre compte d’une diversité insoupçonnée de notre planète. C’est le cas du chorégraphe brésilien Marcelo Evelin qui, avec sa pièce Uirapuru, a amené sur le plateau de Montpellier Danse un peu de son immense pays, de son savoir et de sa langue. Des 284 langues indigènes qui étaient parlées au Brésil, la plupart ont disparu avec la colonisation. Issu de celle que parlent le peuple Tupi-Guarani, le mot Uirapuru signifie « homme déguisé en oiseau » ou « oiseau déguisé, prêt pour aller au carnaval ». Cet oiseau a donné naissance à une légende, celle d’un amour impossible entre un guerrier et la femme d’un chamane. Un dieu du Brésil a transformé le guerrier en oiseau pour que toujours il chante pour son aimée. « C’est une icône de la culture brésilienne, qui tient du merveilleux, du rare et du sublime » explique le chorégraphe. L’oiseau Uirapuru existe vraiment, mais on l’entend rarement et aujourd’hui il est menacé d’extinction.

 

Les chants de la forêt amazonienne. L’animal n’est pas présent sur la scène du théâtre de la Vignette, mais son chant et celui d’autres oiseaux sont admirablement reproduits par un siffleur tout au long de la pièce. Ce chant de la forêt amazonienne enveloppe la scène seulement occupée en hauteur par une grande suspension en fibres végétales, ornée de fruits et de légumes, et par une imposante applique composée de plusieurs projecteurs. Une jeune femme s’avance dans la pénombre en répétant des petits pas de danse, frappés au sol, qui tiennent du rituel. Le regard perdu, ses pas la mènent de part et d’autre de la scène, une autre jeune femme la rejoint sur scène avec les mêmes pas, puis un homme, puis deux, puis trois, puis quatre. Les caractéristiques indienne, africaine, espagnole se lisent sur les corps, rappelant l’histoire du Brésil, tandis que le chant des oiseaux accompagne leurs pas. Alignés, les visages sont impassibles, hormis le sourire magnifique et rieur de l’indien, son regard à la fois perçant et séducteur. C’est lui que regarde, étonné, le blanc européen. Lui dont le corps et la manière de bouger disent tant des lointaines origines amazoniennes. Ce vivant mélangé, ces vivants, ces survivants, dansent, avancent, face au public, forment parfois des duos liés par le regard. Marcelo Evelin nous impose le regard qu'il porte sur la fragilité des savoirs brésiliens, sur la précarité des vies là bas. Il nous emmène au plus loin de l’élite blanche brésilienne, loin de l’hyperconsommation, loin des bruits qui dominent nos quotidiens. Il veut nous ramener à une simplicité, celle de l’artisanat, du savoir ancestral, et nous invite à écouter la forêt.

 

Tel un ovni, Uirapuru désempare. On est loin des codes européens. Plus qu’une danse, c’est un geste de résistance et d’amour que Marcelo Evelin adresse à son pays et à l’Europe. « Être brésilien, travailler pour la danse, et surtout montrer mes spectacles ici, c’est politique, affirme-t-il lors de la conférence de presse organisée par Montpellier Danse. Actuellement, au Brésil, on détruit notre subjectivité, notre possibilité d’imaginer. C’est très fort chez nous, c’est ça qui nous soutient. Mais c’est aussi menacé. Cette pièce est pour moi une manière d’exposer cette précarité, cette fragilité ». La pièce et son décor artisanal ont été travaillés au Brésil, plus précisément à Teresina, où il est né mais n'a pas grandi et où aujourd'hui  il se plaît à créer.

 

Uirapuru. Projet de Demolition Incorporada dans le champ de l’art contemporain avec Materiais Diversos. Conception et chorégraphie : Marcelo Evelin. Création et interprétation : Bruno Moreno, Fernanda Silva, Gui de Areia, Marcelo Evelin, Márcio Nonato, Rosangela Sulidade, Vanessa Nunes. Son : Danilo Carvalho. Dramaturgie : Carolina Mendonça. Création à Montpellier Danse, 19 et 20 juin au Théâtre de la Vignette.

 

 

 

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