espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Événement > Rencontres d’Arles, un festival de révélations

Rencontres d’Arles, un festival de révélations

par Pauline Rivaud
La Fondation Luma rend hommage à James Barnor © James Barnor DR
La Fondation Luma rend hommage à James Barnor © James Barnor DR
Arts visuels Photographie Publié le 09/07/2022
Sans jamais cesser de célébrer les traditions provençales, Arles est devenue la cité de la photographie, avec son festival international Les Rencontres, et son école nationale supérieure dédiée au medium.

La cohabitation de l’antique, de la tradition provençale et de l’art contemporain confère à la ville sa singularité et un attrait de plus en plus marqué. Le tourisme s’y développe. Attirés par les expositions de la fondation Luma, par celles des Rencontres de la Photographie en juillet, août et septembre, ou simplement par la douceur de vivre de la belle Romaine, les visiteurs affluent chaque été.

Entièrement consacré à la photographie, le festival des Rencontres d’Arles répand dans la ville les images des plus grands photographes du monde et offre une vitrine aux nouveaux talents. Du 4 juillet au 25 septembre, les galeries, les musées, les églises, une abbaye, les gares, se couvriront des photographies d’artistes internationaux sélectionnés par le festival. Certains sont très connus, à l’instar de Lee Muller qui, avant d’être muse, a capté la violence de la guerre en tant que reporter de 1932 à 1945 et dut sa célébrité en témoignant de la mode du XXe siècle.

 

Il y a quarante ans naissait l’Ecole nationale supérieure de la photographie. Cette 57e édition du festival célébrera bien sûr l’événement, nous rappelant que le médium n’a pas toujours occupé la place qu’il a aujourd’hui, celle d’un art majeur. Nous rappelant aussi que la reconnaissance des femmes photographes a été lentement conquise. Dans l’atelier de la Mécanique de la Fondation Luma, les clichés de la collection Verbund donneront à voir Une avant-garde féministe des années 1970, quand la photographie se révéla un moyen d’expression majeur capable d’exprimer l’élan d’émancipation et de révolte. C’est à ce moment, que se distinguèrent Cindy Sherman ou Helena Almeida. Dans l’église Sainte-Anne, la modernité de la danse déploiera quelques moments de répétitions et de créations à travers les vidéos et photographies de Babette Mangolte qui documenta la scène foisonnante de la chorégraphie américaine des années 70, de Trisha Brown à Lucinda Childs, de Richard Foreman à Robert Wilson. Dans l’église Saint-Blaise, la peau de femmes âgées, leurs gestes encore pleins d’énergie et de beauté sont capturées par la caméra de Susan Meiselas. Ces images silencieuses, mais témoignant de nombreuses expériences de vie et de la force vitale qui les habite, sont enchantées par la partition musicale de Marta Gentilucci, offrant un rapport au temps réinventé. C’est un autre temps qu’interroge Noémie Goudal dans l’église des Trinitaires, le Temps profond (désignant l’histoire géologique de la planète). À travers une série de films complexes et performatifs, l’artiste témoigne de notre approche mouvante de l’écologie.

 

Perspectives critiques. C’est une autre expérimentation qui a abouti au répertoire étrange et poétique que Frida Orupabo a élaboré pour dénoncer la brutalité de la représentation picturale des corps noirs à travers l’histoire. Dans un processus de réappropriation d’images puisées sur internet qu’elle intègre dans son archive familiale. Dans le prolongement de cette perspective critique, l’exposition Si un arbre tombe dans une forêt pose un regard investigateur sur la mémoire individuelle et collective issue du colonialisme et des traumatismes de l’altérité. Faisant écho à la problématique, la Fondation LUMA consacre à James Barnor sa première rétrospective en France. Composée d’une sélection d’images iconiques et de documents d’époque, l’exposition retrace la carrière du photographe depuis Accra, sa ville natale où il ouvrit son premier studio à la fin de l’époque coloniale, jusqu’à Londres où il vécut ensuite, faisant de nombreux allers-retours entre les deux continents. S’inscrivant dans le programme des Rencontres, la sélection des images, qui a été réalisée en collaboration avec l’artiste, offre une vision kaléidoscopique de son travail : d’Accra à Londres et de Londres à Accra, de la fin de l’époque coloniale à la fin des années 90, des portraits de studio aux commandes de presse.

 

Photo nouvelle génération. S’affirmant comme soutien à la création, le festival accueille plusieurs initiatives. Au cloître Saint-Trophime, on pourra découvrir les travaux du lauréat de la bourse créée avec le festival Serendipity de Goa. Celui du Prix Découverte Louis Roederer sera exposé dans l’église des Frères-Prêcheurs.

 

Documenter pour alerter. La photographie a toujours fait une part belle à la nature. D’abord pour concurrencer la peinture puis, s’en émancipant, pour élaborer des motifs poétiques. Mais depuis quelques décennies, les photographies de la nature ne flattent plus, elles dénoncent les ravages dont sont victimes des pans entiers de la planète. Ainsi, Ritual Inhabitual alerte sur l’expansion vertigineuse au Chili de l'exploitation forestière industrielle, dessinant des forêts géométriques pour alimenter une industrie du papier florissante et, du même coup, repoussant de plus en plus loin de ses terres la communauté mapuche. Bruno Serralongue documente lui un autre combat, celui qui anime toujours le peuple sioux pour protéger ses terres ancestrales face à l’expansionnisme de l’industrie des hydrocarbures. Enfin, dans le cloître Saint-Trophime, l'exposition  Un monde à guérir retrace l'évolution de l'utilisation que la Croix Rouge et le Croissant Rouge ont faite de l'image photographique pour témoigner, alerter, attirer les bénévoles et les mécènes, intéresser les médias, aux terribles théâtres des guerres et autres famines.

 

En Inde à l’abbaye de Montmajour. Chaque été, l’abbaye de Montmajour accueille une exposition des Rencontres. Cette année, elle est consacrée à l’Américain Mitch Epstein qui, avec En Inde, 1978-1989, retrace les huit voyages qu’il a effectués dans l’immense continent, où il a pris des dizaines de milliers de photos. Il y a également tourné trois films avec sa femme indienne, la réalisatrice Mira Nair. Epstein a pu pénétrer dans un large éventail de sous-cultures, parmi lesquelles un cabaret de strip-tease, le Royal Bombay Yacht Club, les plateaux de tournage de Bollywood, un orchestre de mariage punjabi à l'ancienne et des pèlerins musulmans et hindous. En Inde est le fruit de l'expérience profonde d'Epstein dans un pays où convergent des mondes séparés. C’est une de ses photos qui fait l’affiche du festival 2022.

 

Avec une quarantaine d’expositions, le monde entier se livre au regard du passant, du visiteur, de l’amateur, du professionnel. Expérimentant diverses techniques et de nouveaux formats, cette profusion d’images vient témoigner de la beauté du monde, de sa cruauté, de ses misères, et mettra en lumière des sociétés maintenues dans l’ombre. Les photographes posent, puis imposent leur regard sur des scènes de vie qui, en étant livrées au public, déclenchent une émotion particulière, nourrissent notre perception du monde.

 

 

 

 

BRÈVE

 

 

PHOTO 4 : La photographie de l’affiche 2022 du festival est signée Mitch Epstein

 

BRÈVE

PRIX WOMEN IN MOTION

Le 5 juillet, Kering et les Rencontres d’Arles remettront à Babette Mangolte le Prix Women In Motion au Théâtre Antique d’Arles. Ce prix, qui vient saluer la carrière d’une photographe remarquable, a précédemment été décerné à Susan Meiselas (2019), Sabine Weiss (2020) et Liz Johnson Artur (2021).

 

 

ARTICLE 3

 

TITRE

Arthur Jafa et Sky Opinka

Première française à LUMA

 

CHAPO

La Fondation LUMA crée l’événement en organisant jusqu’à fin juin la première grande exposition en France de deux artistes, l’Américain Arthur Jafa et l’artiste amérindien Sky Opinka. On y verra aussi James Barnor, dans le cadre des Rencontres d’Arles.

 

 

Recourant à la vidéo, à la musique, à la sculpture et au son, Arthur Jafa explore, à travers son travail, la culture noire américaine, les évolutions historiques qui ont transformé la compréhension contemporaine du son, de la musique et de l’image. Reconnu pour son travail de directeur de la photographie avec des réalisateurs comme Spike Lee ou Julie Dash, il cofonde en 2013 le studio de cinéma TNEG, qui coproduit des œuvres telles que Dreams Are Colder Than Death ou encore le vidéoclip de la chanson 4:44 de Jay-Z. En 2018, il crée The White Album, une vidéo d'une quarantaine de minutes qui utilise des images vidéo trouvées, entre autres, sur CCTV, des téléphones portables et des documentaires afin d'explorer la blanchité et le racisme aux États-Unis. L’exposition Live Evil présente des œuvres majeures de l’artiste, ainsi que plusieurs travaux spécialement conçus pour LUMA. Ils sont exposés dans la grande Halle et La Mécanique générale jusqu’au

 

Membre de la nation Ho-Chunk du Wisconsin et des Pechanga Vand of Luiseno Indians, Sky Opinka est reconnu pour son travail photographique et vidéo, fruit de ses réflexions sur le territoire et le paysage autochtones. La langue y a une place de choix. Le cinéma expérimental de l’artiste amérindien contribue au développement d’une esthétique indigène. Le soleil arrive quand il le souhaite est le titre de l’exposition présentée dans l’espace des Forges.

 

En juillet, la fondation présente James Barnor, Le Portfolio (1947-1987). C’est la première rétrospective du célèbre artiste ghanéen en France. S’inscrivant dans le programme des Rencontres, la sélection des images, qui a été réalisée en collaboration avec l’artiste, offre une vision kaléidoscopique de son travail : d’Accra à Londres et de Londres à Accra, de la fin de l’époque coloniale à la fin des années 90, des portraits de studio aux commandes de presse.

 

Pauline Rivaud

 

PHOTO 5 : L’une des images de la rétrospective « James Barnor, Le Portfolio » à la fondation LUMA. DR

 

PHOTO 6 : La tour ultracontemporaine de la Fondation LUMA. ©RivaudNAJA

Partager sur
Fermer