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Pézenas, les trésors de l’Hôtel des barons de Lacoste

par Véronique Giraud
Vue de la cour intérieure de l'Hôtel de Lacoste. ©RivaudNAJA
Vue de la cour intérieure de l'Hôtel de Lacoste. ©RivaudNAJA
Style de vie Architecture Publié le 13/06/2022
La ville de Pézenas possède quelque 55 hôtels particuliers du XVIe siècle. Le plus prestigieux est sans doute l’Hôtel de Lacoste dont l'histoire se prolonge avec l'atelier d'un singulier artisan de la soie.

Venus du village de Lacoste, les barons Montagut de Lacoste étaient de riches marchands de draps. Habitués à venir à Pézenas à l’occasion des grandes foires de la ville, l’un d’eux, Étienne, décida d’y faire construire une maison « à l’antique », ce qui à l’époque correspondait à un goût pour le moyen-âge et le gothique. Érigé en 1518, en lieu et place de trois maisons, cet hôtel particulier du 10 de la rue François Oustrin a conservé sa splendeur. Les voûtes étaient alors signes de richesse et de goût pour l'"antique", tout comme l’escalier en pierre, alors qu’en 1500 il était habituel de construire un escalier à vis dans une tourelle. Autour de l’imposante cour intérieure de ce qui devint l’Hôtel de Lacoste étaient aménagés, en rez-de-chaussée, les communs, cellier, écurie, cuisine, et la salle couverte ; au premier, l’étage noble se distinguait par une grande salle d’apparat ; l’appartement privé au second étage, qui distribuait les chambres avec leurs fenêtres à meneau et, sous les toits, les logements de la domesticité éclairés par de toutes petites fenêtres « bastardes ». L’escalier a été couvert ultérieurement, au XVIIe siècle, ses balustres datent de la même période.

 

Deux siècles de soie. C'est de ce cadre splendide que l'on accède aujourd'hui à l’atelier-boutique d’un artisan de la soie. La beauté des pièces réalisées, l’immense métier à tisser devant lequel les pièces de soie sont exposées, la gentillesse du commerçant valent vraiment de s’y arrêter. Parti de Syrie il y a cinq ans pour venir s’installer à Pézenas, Kinan Tafish a grandi dans la fascination de son grand-père tissant la soie. Ce dernier, grand voyageur, était allé à Lyon en 1850, en pleine révolte des canuts et c'est lors de ce séjour qu’il fit l’acquisition d’un métier jacquard, et l’embarqua avec lui pour regagner Damas. Depuis, le métier n’a jamais cessé de fonctionner, et ce savoir-faire fut transmis aux générations successives. Après son père, ce fut au tour de Kinan d’apprendre à l’utiliser, à créer avec lui, et à l’aimer. Pourtant, les machines à tisser ont évolué, et la famille d’artisans aurait pu remplacer leur métier vieux de plus d’un siècle. Il n’en est rien. Voyageant au Moyen-Orient, la famille ne s’est jamais séparée du fameux métier et, lorsque Kinan décida de venir vivre à Pézenas, il l'a démonté et embarqué, nullement découragé par son poids et son volume.

Aujourd’hui, la cour de l’Hôtel Lacoste est partiellement recouverte d’un voilage. Tout près d’un bassin d’où s’échappe l’apaisante musique de l’eau, le tisserand actionne chaque jour son métier. Celui-ci est programmé par des cartes papier perforées, comparables à celles d’un orgue de barbarie. Pendant six heures environ, il répète les gestes, séparant en deux les trois mille fils tendus à la verticale, faisant passer la navette d’un bord à l’autre, puis actionnant la roue avec sa jambe pour inverser l’alignement des fils de soie rouge. À chaque passage, il faut déplacer trente kilos avec le mouvement de la jambe. En une demie journée, une bande de 10 cm est confectionnée.

Kinan n’est pas avare de son temps, il prend plaisir à expliquer le fonctionnement de cet ancien métier jacquard, à l'actionner devant les curieux, à montrer le petit cocon de soie dont on peut extraire un fil qui mesure environ 1 km. Toutes ces histoires ramènent à des temps lointains, et les couleurs des étoles, des gilets de soie rendent admirables une tradition et un savoir-faire unique.

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