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Halles gourmandes, de nouveaux repaires urbains

par Pierre Magnetto
Les Grandes Halles du Vieux-Port renferment 12 échoppes, dont un bar central et un bar à vin. Un lieu où l’on peut à la fois consommer assis en terrasse ou acheter pour emporter.  © Naja
Les Grandes Halles du Vieux-Port renferment 12 échoppes, dont un bar central et un bar à vin. Un lieu où l’on peut à la fois consommer assis en terrasse ou acheter pour emporter. © Naja
Hors-Champs Société Publié le 29/10/2022
Depuis quelques années les villes s’attachent à construire de nouvelles halles, ou à en rénover des anciennes. Ces lieux de proximité où l’on venait s’approvisionner en produits frais font l’objet aujourd’hui de profonds bouleversements. On n’y vient plus seulement pour remplir son cabas mais aussi pour y vivre des expériences culinaires, gastronomiques culturelles et sociales.

Au mois de juillet dernier s’ouvraient à Marseille les Grandes Halles du Vieux-Port, un espace entièrement dédié à la consommation et à la restauration alimentaire avec un accent mis sur les cuisines méditerranéennes, de quoi séduire des consommateurs locaux et les touristes de passage. Quelques mois plus tôt, Montpellier en ouvrait de toutes nouvelles parmi ses nombreuses halles, les Halles Plaza, sur la rambla du Calisson, ça ne s’invente pas. On pourrait citer à n’en plus finir la liste de tels équipements qui ont vu le jour ces dernières années en France, ou d’anciennes halles rénovées. Mais ces lieux en pleine prolifération ont un point commun, ce ne sont ni des villes-halles dont le marché de Rungis est sans doute un des exemples les plus monumentaux, ni des halles dédiées aux seuls commerces de primeurs, viandes et charcuteries, poissons et coquillages ou encore fromages comme dans le temps.

Le concept des halles gourmandes Non, elles ont quelque chose en plus et le concept suscite l’enthousiasme des consommateurs, ce sont des halles gourmandes. On ne s’y rend pas seulement, et même pas du tout parfois, pour y remplir son cabas, mais aussi pour y prendre un café le matin, un verre à l’heure de l’apéro, y déjeuner, s’y retrouver entre amis ou collègues dans une ambiance un peu criarde et sans façon qui fleure bon le marché populaire

Une expérience gourmande Léa Petot, aujourd’hui cheffe de projet redynamisation commerces et marchés à Grenoble, y a consacré un mémoire de fin d’étude à l’Institut Urbanisme et Géographie Alpine. Elle estime que ces halles gourmandes « jouent un rôle important pour les dynamiques commerciales du cœur de ville ». Or, la revitalisation des centres-villes par l’activité commerciale n’est pas le moindre des enjeux auxquels doivent faire face de nombreuses collectivités territoriales. L’État y a même consacré un plan national financé par la Banque des territoires. Mais leur succès est aussi dû à l’évolution des comportements. « Les halles gourmandes se développent en raison de l’apparition de nouvelles habitudes alimentaires et de nouveaux modes de consommation. Elles répondent aux besoins actuels d’une clientèle cosmopolite et multigénérationelle », poursuit-elle. Ceux qui fuyaient les centres-villes pour faire leurs courses dans de grandes surfaces ont tendance à y revenir. Ces consommateurs sont à la recherche de produits de qualités, si possible locaux, bio ou issus d’une agriculture raisonnée, de services de livraison, d’espaces de dégustations et d’animations. En résumé, « les halles sont de nouveaux repaires urbains promettant une expérience gourmande inédite et devenant le nouveau rendez-vous des amateurs de savoir-faire local et de savoir-vivre. »

L'expression d'un réel besoin Sonia de la Provôté, sénatrice du Calvados qui travaille sur la revitalisation des centres-villes, « ne pense pas qu’il s’agisse d’une mode mais de l’expression d’un réel besoins ». Dans un entretien accordé au site de la Fédération des entreprises publiques locales, qui sont souvent le maître d’oeuvre pour le compte des collectivités dans la réalisation de ces chantiers, elle estime que l’enjeu est d’offrir « des services publics de qualité, épousant le concept de la fameuse ville du quart d’heure, dans des territoires arrosés de 5G, pour une population fatiguée par le stress engendré par les grandes villes ». La halle gourmande est donc vue par la parlementaire comme un service public concourant à l’attractivité commerciale du territoire et au tissage du lien social non-virtuel dans un environnement de plus en plus numérisé.

Le marqueur de l’identité d’un territoire Les halles gourmandes ne sont pas souvent comme à Marseille dédiées avant tout à la restauration, elles constituent dans la plupart des cas des ensembles mixtes intégrant une activité de halle traditionnelle ou de halle de producteurs composées d’étals de producteurs locaux. De « nouveaux repaires urbains », affirme Léa Petot, mais pas seulement, elles peuvent aussi constituer des marqueurs forts de l’identité d’un territoire. A Montpellier les Halles du Lez aménagées à la périphérie de la ville sur les rives du fleuve côtier sont uniquement dédiées à la restauration dans une ambiance festive qui sied à une ville jeune et étudiante. A Dijon, la Cité internationale de la gastronomie et du vin inaugurée en mai dernier dans le cadre des projets liés à l’inscription du repas à la française au patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco, a repris les ingrédients dans son organisation d’une vaste halle moderne. A Lyon, les halles inaugurées en 1971 dans le quartier de la Part-Dieu ont été rebaptisées « Paul Bocuse », tant il paraissait évident aux yeux des acteurs du territoire que ce lieu plus que tous, incarnait la quintessence de la gastronomie chère aux gones de la capitale des Gaules.

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