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Encantado : l’hommage de Lia Rodrigues à la culture autochtone

par Véronique Giraud
Encantado, création de Lia Rodrigues. ©Sammi Landweers
Encantado, création de Lia Rodrigues. ©Sammi Landweers
Arts vivants Danse Publié le 12/02/2023
À chacun de ses passages en France Lia Rodrigues ramène la vitalité et les beautés de son Brésil. Avec "Encantado", elle et ses danseurs font œuvre de la spiritualité et du sacré des Mbya Gharanide, un peuple indigène en danger, dans une ensorcelante mer de couleurs.

Au bord du plateau du théâtre La Vignette, avant que le spectacle ne commence, Lia Rodrigues vient dire quelques mots, écrits sur une feuille de papier pour les exprimer en Français. Elle salue d’abord le soutien de sept salles françaises, dont La Vignette à Montpellier, qui ont permis la tournée 2023 de sa dernière création. Sa compagnie, qu’elle a installée dans une favela de Rio de Janeiro, a eu toutes les peines à surmonter la crise sanitaire mondiale et la chorégraphe tient à remercier « un acte de la solidarité mené par neuf villes en France, dont Montpellier Danse et le théâtre La Vignette, qui ont réussi à assurer l’apport financier de cette tournée pour nous aider à survivre au Brésil dans ce moment de crise ».

Un tapis monde. « Pendant les quatre dernières années, poursuit Lia Rodrigues, l’ancien président Bolsonaro a démantelé les services de santé des autochtones et encouragé les chercheurs d’or à envahir leurs territoires. Des enquêtes journalistiques, ainsi que des équipes médicales récemment envoyées auprès de ce peuple d’Amazonie fait état d’une catastrophe humanitaire liée à la malnutrition, au paludisme et autres infections, dont souffrent femmes, enfants, vieillards ». Dans le silence glacé de la salle, un immense rouleau de tapis superposés vient irradier la scène, la recouvrant de ses couleurs et de ses motifs, floraux et panthère. Avec des gestes lents et attentifs, des danseurs le déroulent en ligne. Il sera le motif multiple, dans lequel les danseurs nus vont disparaître pour se lover et rendre meuble cette marée de tissus, avant de se hisser debout pour évoluer tels des fantômes. Puis, quand la musique et les chants se feront entendre, leurs corps apparaîtront, enrobés, coiffés, enjuponnés. Un seul émergera du groupe, ou un trio, pour exécuter face au public un trait de personnalité, de spiritualité, de sensualité, avec une expression grimaçante ou séductrice. Tour à tour, la vitalité des danseurs et des danseuses se répandra dans leurs corps, donnera mouvements et énergie au tapis monde. Dans un déplacement incessant, les tissus sont portés à bout de bras, passent de l’un à l’autre, glissent sur le sol, puis sur la peau. Encantado a rendu visible et partagé le souffle d’un peuple, uni par sa musique, ses chants, sa culture, sa sacralité. La chorégraphie a rendu presque tangible l’élan vital d’une communauté dont on est pourtant averti qu’elle se meurt. Le spectacle, poignant, exerce sa puissance, expulse sa noirceur bien au-delà du drame des Gharani Mbya, éclabousse de ses mouvements multicolores les prémices de bien des disparitions annoncées.

 

Encantado, chorégraphie de Lia Rodrigues en étroite collaboration avec 11 danseurs. Dansé et créé en étroite collaboration avec Leonardo Nunes, Carolina Repetto, Valentina Fittipaldi, Andrey Da Silva, Larissa Lima, Ricardo Xavier, Joana Lima, David Abreu, Matheus Macena, Tiago Oliveira, Raquel Alexandre. Bande-sonore : extraits de chansons de scène du Peuple Guarani Mbya/Village de Kalipety do T. I. territoire indigène/Ténondé Porã, chanté et joué pendant la manifestation des indigènes à Brasilia en août 2021 pour la reconnaissance de leurs terres ancestrales en péril.

Les 9, 10, 11 février au Théâtre la Vignette / Université Paul-Valéry 3 - Montpellier. Spectacle en co-accueil avec la saison Montpellier Danse 2022-2023.

 

 

Lia Rodrigues est née au Brésil. Après une formation en danse classique et des études d’histoire, elle s’installe un temps en France pour rejoindre la compagnie de Maguy Marin. À son retour au Brésil en 1990, elle fonde sa compagnie puis l’installe, en 2004, dans la Favela Maré, à Rio de Janeiro où elle développe des activités pédagogiques et artistiques en parallèle à son travail de création.
Parmi ses œuvres récentes, Para que o Céu nao Caia (Pour que le Ciel ne tombe pas, 2016) et Furia (2018) illustrent l’engagement de l’artiste chorégraphe en faveur d’une danse militante en prise avec les problématiques sociales contemporaines. Lia Rodrigues est artiste associée au Théâtre national de Chaillot et au Centquatre-Paris.

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