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Palmyre les bourreaux : témoigner des tortures en Syrie pour faire culture commune

par Pierre Magnetto
Dans une ambiance en clair-obscur un plateau épuré qui laisse toute sa force au récit. © Aurélien Kirchner
Dans une ambiance en clair-obscur un plateau épuré qui laisse toute sa force au récit. © Aurélien Kirchner
Arts vivants Théâtre Publié le 02/06/2023
Le comédien et metteur en scène Ramzi Choukair termine la tournée du troisième volet de sa trilogie consacrée aux prisonniers politiques exilés, rescapés des prisons et de la torture en Syrie. Une œuvre écrite à partir des témoignages des victimes qui jouent leur propre rôle.

On ne ressort pas indemne de Palmyre les bourreaux. La pièce, écrite et mise en scène par Ramzi Choukair, comédien et metteur en scène franco-syrien, actuellement à La Criée à Marseille, est basée sur les témoignages de prisonniers politiques aujourd’hui exilés en Europe, ayant été emprisonnés et torturés dans la prison de Palmyre en Syrie. Il s’agit d’un établissement pénitentiaire de sinistre mémoire qui constituait déjà à l’époque d’Hafez el-Assad, la principale prison du pays dans laquelle le régime enfermait ses opposants politiques. A partir de 2011 sous le règne du fils Bachar, elle a aussi accueilli les militants impliqués dans la tentative de révolution avant d’être détruite en 2015 par les djihadistes de l’État islamique, alors que la guerre civile faisait rage. Plusieurs milliers de personnes y sont mortes sous la torture et d’autres ont pu en être libérées après de longues peines tout en ayant subis elles aussi les sévices des tortionnaires.

Trois récits, trois vies traumatisées La pièce rapporte l’histoire de Fadwa, militante fondatrice d’une association réclamant la libération de tous les prisonniers politiques, emprisonnée par son propre frère, un haut gradé des services de renseignement. Il rapporte l’histoire de Riyad, un étudiant turc faussement accusé d’espionnage, condamné à perpétuité et qui passera plus de 15 années en prison. Il rapporte encore l’histoire de Samar, une actrice, engagée dans la révolution, qui ne se montrait guère en public en raison de sa notoriété, mais qui néanmoins militante fut accusée de financer les révolutionnaires. Ici, les trois protagonistes jouent leur propre rôle et, cela rend ce texte encore plus poignant. Samar, qui s’était jurée de ne plus jouer, a accepté de remonter sur scène pour ce spectacle, « parce-que il faut faire savoir tout ce qui se passe et parce qu’il faut que les gens sachent que si on en parle moins aujourd’hui, tout ça continue », confie-t-elle après la représentation, visiblement bouleversée.

Du témoignage à l’œuvre théâtrale Il et elles jouent avec les mots écrits par Ramzi Choukair, dans le respect de leur témoignage mais avec la contrainte d’en faire une œuvre théâtrale, de construire une dramaturgie en entremêlant les récits, en créant des moments de respirations qui parfois ne manquent pas d’humour. Le récit de chacun des personnages est introduit par un comédien professionnel, Jamal Chkair. C’est lui qui jette des ponts entre les 3 histoires, qui les relient en suscitant des dialogues entre les protagonistes, tandis que Saleh Katbeh, musicien syrien installé à Berlin ayant créé la musique du spectacle, l’interprète en direct sur scène.

Une trilogie pour mémoire Palmyre les bourreaux créée en 2022, constitue le dernier volet d’une trilogie commencée en 2018 avec X-Adra la parole des femmes, poursuivie en 2020 avec Y-Saidnaya la paroles des hommes. Chaque pièce questionne sous un angle différent le rôle de la justice dans la société. Il y a donc des thèmes sous-jacents comme la notion de pardon, la notion de justice, celle de l’oubli. « Mon intention était de montrer tout ça à la société, de raconter cette réalité », explique le metteur en scène. « En Europe on n’arrive pas vraiment à se la représenter, on en est trop éloigné ». A travers ces témoignages l’artiste cherche aussi à fabriquer du commun. « Je voulais partir des mémoires individuelles pour arriver à créer une mémoire collective », ajoute-t-il. Il en faudra bien une de mémoire, un jour, pour rentrer en résilience quand viendra le temps de la réconciliation, si c’est possible.

 

Les prochaines : Marseille, Théâtre de La Criée, 2 et 3 juillet. Arles, 24 novembre 2023 au Théâtre municipal. 22 et 23 juin, reprise du volet 2, Y-Saidnaya, au Théâtre Malraux, scène nationale de Chambéry.

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Dans une ambiance en clair-obscur un plateau épuré qui laisse toute sa force au récit. © Aurélien Kirchner
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