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Marseille, une histoire contemporaine au crible des tâches ménagères

par Lucie Goar
10ème Salon des arts ménagers, le lieu où tous les industriels du secteur doivent être présents. 1933.© Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
10ème Salon des arts ménagers, le lieu où tous les industriels du secteur doivent être présents. 1933.© Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
Reconstitution de l’intérieur de Guillaume et de Catherine Deuffic à Goulien dans le Finistère. Paris, galerie culturelle du musée des Arts et Traditions populaires (1975-2005).  © André Pelle, Mucem, Marseille
Reconstitution de l’intérieur de Guillaume et de Catherine Deuffic à Goulien dans le Finistère. Paris, galerie culturelle du musée des Arts et Traditions populaires (1975-2005). © André Pelle, Mucem, Marseille
Une cuisine moderne au Salon des arts ménagers. Studio Orto, 1957-1960. © Musée des Arts décoratifs, Paris
Une cuisine moderne au Salon des arts ménagers. Studio Orto, 1957-1960. © Musée des Arts décoratifs, Paris
Démonstrateurs de « casseroles automatiques » au stand SAME (1949). Photographie. 18 x 24  cm - Recto
Démonstrateurs de « casseroles automatiques » au stand SAME (1949). Photographie. 18 x 24 cm - Recto
La Marie mécanique, affiche du 44ème Salon des arts ménagers. Dessin de Francis Bernard, 1975. © Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
La Marie mécanique, affiche du 44ème Salon des arts ménagers. Dessin de Francis Bernard, 1975. © Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
La Mé(na)gère apprivoisée, manifestation du Mouvement de libération de la femme (MLF) et du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC). Photographie Martine, 8 mars 1975. © Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
La Mé(na)gère apprivoisée, manifestation du Mouvement de libération de la femme (MLF) et du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC). Photographie Martine, 8 mars 1975. © Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
Hors-Champs Croisement Publié le 10/07/2023
En présentant jusqu’au 8 octobre l’exposition Au salon des arts ménagers, le Mucem de Marseille propose une exploration de la société française contemporaine par le biais inattendu mais très éloquent des tâches domestiques.  

L’exposition Au salon des arts ménagers présentée au Mucem à Marseille est sous-titrée Plateau volant, motolaveur, purée minute ; une évocation de Complainte du progrès, chanson de Boris Vian énumérant des objets électroménagers des plus improbables diffusée sur le stand Philips en 1956. L’exhibition repose sur une collection d’objets et de documents divers constituée durant les soixante années qu’aura duré ce salon, de 1923 à 1983, conservée aux Archives nationales. Cette expo est en fait une adaptation d’une précédente présentation réalisée sous le même titre en juillet 2022 par les Archives nationales. « La différence et elle est de taille, vient du fait que les 115 photographies originales et objets provenant du salon entrent en résonance avec la cinquantaine d’objets traditionnels dédiés aux tâches domestiques et issus des collections du Mucem, objets qui ont progressivement disparu », confie Marie-Ève Bouillon, co-commissaire de l’expo chargée d’études documentaires à la mission photographie des Archives nationales.

La Marie mécanique L’expo débute par un mur d’affiches, celles des salons successifs, avec une constante, la ménagère au cœur du visuel. Une image qui se veut comme une promesse de confort et de modernité pour les femmes, avec en 1930 l’apparition de la Marie mécanique, une femme playmobil avant l’heure dotée de rouages et de bras articulés, tenant un balai. Ce personnage imaginé par l’artiste Francis Bernard constituera l’emblème graphique de la manifestation à travers diverses déclinaisons jusqu’en 1977.  Mais l’affiche sonne surtout comme une assignation de la femme aux tâches domestiques. Les militantes du Mouvement pour la Libération de la Femme (MLF), s’en emparent en 1975 pour la détourner et en commenter les éléments graphiques avec un humour à prendre au second degré ; par exemple cette légende : « la tête : ayant un rôle surtout décoratif, c’est un élément mineur ».

Un lieu de contestation pour les féministes Cette année-là les militantes ne se contentent pas de détourner l’affiche, elles y organisent une manifestation pour une répartition égalitaire des tâches domestiques entre l’homme et la femme. Il faut dire que si le salon rencontre un succès populaire indéniable attirant plus d’un million de visiteuses et visiteurs venant au Grand Palais de toute la France dès les années 1950, il est aussi perçu comme un lieu où sont assignés les rôles sociaux. Chaque année, le concours national La fée du logis organisé par l’Union nationale des caisses d’allocations familiales sous le patronage des ministères de l’Éducation nationale et de la Santé, récompense une jeune femme souvent issue d’un centre de formation dédié à l’entretien de la maison. Pour l’expo, les archives ont aussi exhumé un petit film désuet réalisé la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs sociaux, Ménagères ménagez-vous, dans lequel une speakerine détaille tableaux à l’appui, l’emploi du temps hebdomadaire de la parfaite ménagère, les meilleures postures à adopter ou éviter le mal de dos… faisant pour finir le solde des heures disponibles pour s’occuper un peu de soi. Rien d’étonnant alors à ce que le salon devienne aussi un lieu de contestation.

Les révolutions domestiques La thématique sur la reproduction des rôles sociaux est en réalité traitée en fin d’expo. Les commissaires, outre Marie-Ève Bouillon, Marie-Charlotte Calafat (responsable des collections et des ressources documentaires du Mucem) et Enguerrand Lascols (responsable du pôle vie domestique au Mucem), ont choisi d’éclairer d’autres enjeux. En premier lieu celui des révolutions domestiques qui voient éclore les cuisines d’aujourd’hui en bouleversant les rapports à la consommation et, une modification des comportements chez soi. Le Musée National des Arts et Traditions Populaires, l’ancêtre du Mucem, possédait un stand sur le salon. Un petit film raconte comment en 1966 il fit l’acquisition de l’intérieur d’une vieille maison du Cantal auprès de la famille l’habitant, l’échangeant contre un mobilier neuf et un téléviseur, la cheminée étant remplacée par un système de chauffage et les veillées au coin du feu par des soirées devant le petit écran. Un an plus tard les caméras reviennent visiter les occupants de la maison : savoureux !

Des inventions à la production industrielle Un autre volet, pour en revenir à la chanson de Boris Vian, est consacré aux inventions, aux machins et aux bidules dont certains n’ont jamais trouvé leur usage, comme le fameux plateau volant et chauffant, en lévitation au-dessus de la table, sur lequel on pouvait faire cuire un œuf. Un objet présenté par EDF le temps un salon jamais revu depuis. Au-delà des objets eux-mêmes, l’expo rappelle le rôle moteur de l’Office national des recherches scientifiques et industrielles et des inventions et, de son directeur Jean-Louis Breton, dans la création et l’organisation de la manifestation rassemblant consommateurs, inventeurs et industriels. L’Office deviendra le CNRS en 1939. Mais peut-être en raison d’une prise de conscience collective concernant l’image de la femme et de sa place dans la société, ou pour d’autres raisons, le nombre de visiteurs s’est progressivement tari au long des années 1970. La dernière édition a eu lieu en 1983, sans cela le Salon des arts ménagers aurait 100 ans aujourd’hui.

 

Au salon des arts ménagers, Plateau volant, motolaveur, purée minute, jusqu’au 8 octobre, bâtiment Georges Henri Rivière du Fort Saint-Jean, Mucem Marseille.

 

En même temps au Mucem : Fashion Folklore, expo faisant le lien entre costumes populaires et haute couture, du 12 juillet au 6 novembre.

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La Mé(na)gère apprivoisée, manifestation du Mouvement de libération de la femme (MLF) et du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC). Photographie Martine, 8 mars 1975. © Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
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