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Avignon Off : THISISPAIN sème le trouble dans le genre flamenco

par Véronique Giraud
Avec THISISPAIN, Hillel Kogan et Mijal Natan donnent au flamenco une nouvelle identité. © Laetitia Boulud, Eli Katz
Avec THISISPAIN, Hillel Kogan et Mijal Natan donnent au flamenco une nouvelle identité. © Laetitia Boulud, Eli Katz
Arts vivants Danse Publié le 22/07/2023
Après We love Arabs, le danseur et chorégraphe israélien revient à Avignon où il présente THISISPAIN, qu'il crée avec la grande danseuse flamenca Mijal Natan. Un duo percutant de danse et d'éloquence.

La pensée de Hillel Kogan, constitutive de sa chorégraphie, questionne à la fois la danse en la performant et le monde, avec un discours aussi percutant qu’inattendu. La concentration qu’il exerce sur son corps pour explorer en profondeur les fondements d’une esthétique, est contrebalancée par la plasticité de son esprit que l’on entend s’évader par-delà les murs de la salle, par-delà les frontières, par-delà les tabous.

Après We Love Arabs, un duo qui a fait le tour du monde et des langues, le chorégraphe revient à Avignon pour y présenter la version française de sa dernière création, THISISPAIN. Un nouveau duo qu'il exécute avec une grande danseuse flamenca, Mijal Natan. Les quatre immenses lettres qui éclairent au néon le fond du plateau, PAIN, rappellent que le flamenco trouve son origine dans la souffrance des gitans d'Andalousie. Un prélude aux jeux des mots et des sens que le danseur lance tels des projectiles dans l'assemblée.

 

Une vision dégenrée. En s’appropriant le rythme, les pas et les gestes du flamenco, Hillel Kogan fait naître une vision dégenrée d’une danse qui doit beaucoup au machisme. Mijal Natan, de son côté, donne une leçon de jeux de jambes (le zapateado) que peu de danseurs pourraient accomplir. Lorsqu’ils évoluent en duo, leurs silhouettes ne cherchent pas à se distinguer l’une de l’autre ni à se compléter. Cette vision donne un nouvel horizon à une danse traditionnelle très codifiée. Ce sont sans doute ces codes qui ont donné envie à Hillel Kogan de les repousser dans des retranchements dont lui seul a le secret. Le rythme des pas, marqué par le claquement des pieds sur le sol a inspiré au chorégraphe une scène d’anthologie. Assis côte à côte, les deux danseurs marquent le tempo en énumérant : 1,2,3, puis 1,2,3,4, jusqu’à 10. Tandis que Mijal Natan compte en claquant des pieds, Hillel Kogan agite deux bâtons au bout desquels sont fixées des claquettes de flamenco. Tout en énumérant, en changeant de rythme, les commentaires que le chorégraphe glisse sur un tempo de plus en plus complexe et rapide impriment l'idée qu’aucun geste, aucun pas, n’est le fait du hasard.

À travers ses propos qui défient le réel avec humour, on se prend à construire une carte mentale des corps, des relations entre les individus et les peuples, des aberrations du désir de conquête qui mène à la division, à la domination, à la soumission. Mettant à mal nos préjugés, il rappelle l’Histoire, il danse, il relève nos incohérences, il et elle dansent, et le flamenco renvoie une image inédite.

 

THISISPAIN, Chorégraphie et texte : Hillel Kogan. Interprètes : Hillel Kogan, Mijal Natan. Jusqu'au 24 juillet dans le OFF d'Avignon, au Château de Saint-Chamand (navette à 15h40 depuis La Manufacture).

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