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A La Criée, le public invité à trinquer À la paix !

par Pierre Magnetto
Hermès (Alex Fonja) et Yves Rogne (Guillaume Pottier) au mont Olympe. © Clément Vial
Hermès (Alex Fonja) et Yves Rogne (Guillaume Pottier) au mont Olympe. © Clément Vial
Le public invité à tirer sur le filin pour sortir la paix de son trou. © Clément Vial
Le public invité à tirer sur le filin pour sortir la paix de son trou. © Clément Vial
Toute l'équipe de À la paix réunie autour de Robin Renucci et Serge Valletti. © La Criée
Toute l'équipe de À la paix réunie autour de Robin Renucci et Serge Valletti. © La Criée
Robin Renucci signe avec À la paix sa première création à La Criée. © Jean-Christophe Bardot
Robin Renucci signe avec À la paix sa première création à La Criée. © Jean-Christophe Bardot
Arts vivants Théâtre Publié le 31/10/2023
Pour sa première création à la direction du théâtre, Robin Renucci convoque une comédie d’Aristophane retraduite et adaptée avec Serge Valletti, pour l’inscrire dans son projet pour Marseille et l’ancrer dans un présent où la Paix est en grande souffrance. Malgré la gravité du sujet il n’est pas interdit d’en rire.

Pour sa première création au Théâtre national de Marseille Robin Renucci a choisi La paix, une comédie antique écrite par le poète comique grec Aristophane en 421 av J-C. Rebaptisée ici À la paix, « comme on dit « à la santé », le texte raconte l’histoire d’un vigneron qui décide d’aller questionner les dieux de l’Olympe pour savoir pourquoi les hommes se font la guerre. Pour cela il construit une machine, un bousier, du nom de cette espèce de scarabée qui se nourrit d’excréments des animaux et y pond ses œufs, qui va lui permettre de monter là-haut et de rencontrer Hermès, le messager des dieux. Ce dernier va lui apprendre que la paix a été enterrée dans un trou, qu’il s’agit de la trouver et de la déterrer. Mais redescendu sur terre le vigneron se rend compte que la chose est devenue très difficile car « il y a les marchands d’armes, les mages qui veulent imposer leur vision du monde » et qui voudront l’en empêcher.

 

Une comédie satirique et irrévérencieuse. Malgré la gravité du thème, il s’agit pour le metteur en scène de « s’adresser aux spectateurs sur le ton de la comédie, de la satire ». C’est pour lui « un choix volontaire sachant qu’il y a nécessité à prendre un peu de recul sur notre monde et qu’aussi sombre que ce dernier puisse être, le théâtre a besoin de ces moments d’énergie, de relation, avec une force autre que celles du réel, de la vie et de l’humour ». Avec le choix de ce texte et son adaptation, Robin Renucci s’inscrit pleinement dans le projet qu’il a dessiné pour Marseille voici un peu plus de deux ans, avant d’être nommé à la direction du théâtre national. Le directeur y affirmait sa volonté de faire de La Criée un théâtre ancré dans son territoire et dans l’histoire de Marseille et de la Méditerranée, ouvert sur la ville et sur les institutions culturelles de la cité, élargissant la base de son public dans une démarche d’éducation populaire, tout en abordant des thèmes porteurs de sens.

 

C’est quoi traduire ? Pour À la paix, Robin Renucci s’est attaché les services de Serge Valletti. Auteur marseillais de théâtre, metteur en scène, scénariste, Serge Valletti est aussi un inconditionnel d’Aristophane dont il a traduit les 11 pièces connues (le poète grec en aurait écrit 33 autres dont les textes ont été perdus ou dont on a retrouvé seulement quelques fragments). Les deux artistes ont travaillé ensemble à l’adaptation du texte à son époque, à son environnement, à son inscription dans le temps présent. « Nous avons travaillé sur une nouvelle traduction, rajouté des rôles féminins, car dans la pièce d’Aristophane ils sont quasiment absents ou muets. Robin voulait aussi que ça parle de Marseille, de la Provence. Citer des lieux de la Sparte et de l’Athènes antique n’aurait pas eu beaucoup de sens pour le public. Ici on parle de La Canebière, de Marseilleveyre, du Frioul, c’est plus parlant pour le public » explique le traducteur. « Traduire ce n’était pas introduire des mots marseillais dans le texte mais être dans l’esprit de ce parler marseillais, de sa syntaxe. Traduire c’est raconter dans une autre langue l’exactitude des propos qui sont tenus », complète le metteur en scène.

 

Une pièce qui a une histoire. La paix, ou ici À la paix, c’est aussi « une pièce qui a une histoire ». Au XXe siècle elle a été mise en scène par Charles Dullin en 1933 au Théâtre de l’Atelier, par Jean Vilar et son Théâtre populaire en 1961, au Palais de Chaillot par Antoine Vitez en 1962, à Marseille au Théâtre de la rue Montgrand, ou encore en 1991 à Marseille par Marcel Maréchal à la place de Les paravents de Jean Genet déprogrammée suite à des manifestations de militaires et nationalistes en pleine guerre du golfe. Le contexte historique de ces mises en scène est à chaque fois pesant, empreint de bruits de bottes et en choisissant de la réinterpréter alors que le monde est secoué par de nombreux conflits armés, Robin Renucci s’inscrit dans cette filiation. « Au fond, les guerres ont toujours existé. La paix, elle, se nourrit du conflit à condition qu’il soit fructueux et source d’une opposition fertile. C’est ce dont parle Aristophane avec la guerre du Péloponnèse, c’est une pièce inscrite dans l’histoire mais qui parle du monde et de tous les conflits. C’est une comédie satirique qui nous permet de réfléchir sur notre monde, de nous rassembler, de nous unir et de voir si un commun est encore possible ».

 

Une mise en scène résolument pop. Pour monter À la paix, Robin Renucci a rassemblé 14 comédiens, dont 5 élèves de l’École régionale d’acteurs de Cannes et de Marseille pris en contrat d’apprentissage, convaincu de la vocation de l’institution d’être aussi un lieu de « formation » et de « transmission ». Il convoque aussi IAM avec des paroles du titre La paix du groupe de rap marseillais, sur une mise en scène qui se veut résolument « pop ». Des gens dans la salle sont eux aussi conviés à donner de leur personne sur une invite qui a été testée lors de répétitions ouvertes au public, une autre marque de fabrique de Robin Renucci.

 

À la paix, du 8 au 26 novembre au Théâtre national de Marseille La Criée. Mise en scène Robin Renucci d’après La paix d’Aristophane. Adaptation de Robin Renucci et Antoine Valletti.

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Robin Renucci signe avec À la paix sa première création à La Criée. © Jean-Christophe Bardot
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