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Stéphanie Airaud : « agir avec humanité sans faire la leçon »

par Pierre Magnetto
Stéphanie Airaud, la nouvelle directrice du Musée d’art contemporain de Marseille a pris ses fonctions le 4 juillet dernier. © DR
Stéphanie Airaud, la nouvelle directrice du Musée d’art contemporain de Marseille a pris ses fonctions le 4 juillet dernier. © DR
Hors-Champs Institution Publié le 24/10/2023
Arrivée en juillet à la direction du Musée d’art contemporain de Marseille, Nathalie Airaud met en place son projet pour l'établissement juste rénové.

Vous travaillez depuis près de 20 ans dans des structures d’art contemporain, comment accueillez-vous votre nomination à Marseille ?

Je me suis toujours engagée dans des structures d’art contemporain. J’ai notamment travaillé au Mac Val, le musée d’art contemporain de Vitry dans le Val-de-Marne, où j‘étais en charge de l’action éducative et de la programmation culturelle. Par la suite j’ai poursuivi mes engagements en passant le concours de conservateur, je voulais découvrir les manières de faire à la Cité de l’architecture dans le département moderne et contemporain. Mais je me suis retrouvée très éloignée du public et de ma mission de service public en relation avec les territoires. J’ai candidaté à la direction du Mac de Marseille pour retrouver les enjeux de politiques publiques sur un territoire, suite à l’appel à candidature lancé en prévision du départ de Thierry Ollat. J’étais attirée par l’intérêt du poste et par le réseau des musées de Marseille, assez passionnant en termes de richesse des collections et de potentialité.

 

L’art contemporain demande-t-il une approche particulière du public ?

Le public éloigné de l’art contemporain ne l’est pas plus que des autres propositions artistiques. Pour démocratiser on doit privilégier une approche anthropologique montrant en quoi cet art est contemporain, et en quoi il peut nous parler du présent. Pour avoir travaillé pendant longtemps en banlieue parisienne avec un public à la fois proche géographiquement et très éloigné de la culture, je me suis rendu compte qu’il est plus aisé de faire des médiations ou de dialoguer sur l’art contemporain avec un public non éduqué. Il y a avec ce public une dimension de surprise et de questionnement, et nous devons agir avec humanité car on n’est pas là pour faire la leçon. Il faut partir du ressenti des gens et construire une médiation qui ne soit pas descendante mais qui instaure le dialogue.

 

Quels angles souhaitez-vous donner aux expositions temporaires du musée ?

On laissera aux expositions le temps de vivre un peu plus de 3 mois, pour que les gens puissent venir et revenir. L’idée est aussi d’avoir une alternance entre expositions collectives et monographiques. Les expositions collectives vont parler du monde dans lequel on vit avec des thématiques liées au caractère méditerranéen de Marseille et toujours avec un angle sociocritique, sociopolitique. Pour les monographies, l’idée est de mettre en lumière des trajectoires d’artistes déjà un peu confirmés nous montrant une création en train de se faire mais qui a déjà une maturité notamment avec des artistes qui ont un lien à un moment donné avec Marseille et la Méditerranée. L’intérêt pour moi est de ne pas travailler ex-nihilo comme si on n’était pas ici, et que le choix des expositions, sans parler de localisme, permette de voir d’où l’on parle.

 

Le musée souffre d’un manque de visibilité, sa situation est très excentrée, quel est votre projet pour mieux ancrer l’institution dans son territoire ?

Pendant ces quatre années de fermeture le musée n’est pas resté silencieux. Les équipes de médiation ont continué à travailler avec les publics dans des dispositifs hors les murs, avec des tournées d’œuvres à l’extérieur, avec des actions dans des quartiers éloignés de l’offre culturelle. Il y a donc un travail de lien qui s’est maintenu grâce aux mairies de secteur, à des collèges, à des écoles. A l’ouverture du musée les publics sont revenus en force. L’événement a bénéficié d’une grosse communication et de la curiosité naturelle suscitée auprès du public, des partenaires éducatifs et du champ social avec qui le lien avait été maintenu. En termes de fréquentation et d’intérêt, le public est vraiment au rendez-vous. Le challenge maintenant est de continuer sur les années qui viennent. L’enjeu est de continuer à travailler avec les publics qui ont été sensibilisés pendant la fermeture. Transformer le « hors les murs » en « venez chez nous » nécessite un travail d’accompagnement, de formation et d’hospitalité. Je me suis rapprochée bien sûr des mairies de secteur, on travaille avec les associations locales et on s’appuie sur le réseau des 14 musées de la ville. On est quand même beaucoup plus fort ensemble. Le weekend dernier par exemple on a accueilli les promotions d’artistes sortis de l’école d’art de Marseille, on a fait un partenariat avec l’Atelier des artistes en exil pendant le festival Vision d’exil. Donc on s‘intègre dans le cadre d’initiatives portées par d’autres acteurs culturels locaux pour entrer dans une dynamique et faire circuler les publics. Ce n’est pas parce qu’on est un musée qu’on va se couper d’un festival ou d’un musée éloigné du nôtre. On ne travaille pas seul, il y a tout un écosystème et mon projet est de travailler avec lui.

 

Que va-t-il se passer au Mac dans les mois à venir ?

La prochaine exposition, qui ouvre le 15 décembre, est consacrée à Marc Desgrandchamps et co-produite avec le musée des beaux-arts de Dijon. À Marseille, nous montrerons des œuvres de cet artiste figuratif réalisées en lien avec les territoires méditerranéens, ou avec les traditions antiques méditerranéennes et des sites archéologiques. C’est une expo qui va embarquer les visiteurs dans un univers poétique, mythologique, peut-être psychanalytique. Je la visualise comme l’entrée dans une fresque évanescente comme on trouve parfois dans les églises italiennes.

En avril prochain, l’exposition Des exploits, des chefs d’œuvre sera présentée à la fois au Mac, au Mucem et au Frac à l’occasion de l’olympiade culturelle. Labellisée Paris 2024, elle interroge les rapports de la peinture et du dessin avec le sport.

 

 

Diplômée de l’École du Louvre et de l’Institut national du patrimoine, Stéphanie Airaud a débuté au musée d’Art moderne de Strasbourg avant de diriger le département d’art contemporain du musée d’Annecy en 2002. En 2004 elle rejoint le MacVal de Vitry dans le Val-de-Marne. Après un bref passage à la Cité de l’architecture en 2022 elle est nommée en juillet dernier directrice du Mac Marseille.

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