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L’art préhistorique fait l’actu

par Élisabeth Pan
Vue de l'exposition Préhistomania au musée de l'Homme. © Tréviers:-Naja copie
Vue de l'exposition Préhistomania au musée de l'Homme. © Tréviers:-Naja copie
Arts visuels Arts plastiques Publié le 19/12/2023
En quinze mois, le fac-similé de la grotte Cosquer a accueilli un million de personnes. L’engouement du public pour l’art préhistorique ne faiblit pas. L’exposition Préhistomania du musée de l’Homme et plusieurs documentaires en témoignent.

Après Arts et Préhistoire, exposition qui s’est terminée en mai dernier, le musée de l’Homme emmène le public jusqu’au 30 mai 2024 dans l’aventure des grandes expéditions initiées dans les années 30, souvent dans des sites difficiles d’accès. Leur objet était de reproduire les productions d’art rupestre pour les présenter au grand public. L’exposition Préhistomania donne une idée de l’engouement que ces découvertes ont suscitées. Photographies, dessins, relevés des peintures et gravures à flanc de rocher ou de montagne, sur les parois de grottes parfois abruptes, en Europe et partout dans le monde, ont permis de faire connaître au monde entier un art qu’on ne soupçonnait pas. La beauté des œuvres relevées fut un choc collectif, au point qu’elle a longtemps fait douter de leur ancienneté que seuls les progrès de la datation sont parvenus à prouver. Elles avaient bien été réalisées par des « artistes » du Paléolithique récent.

L’histoire des relevés débute au XVIIIe siècle, en témoignent les calques de releveurs suédois et d’Afrique du Sud. Mais c’est par la découverte des merveilles d’Altamira (Espagne) en 1880 que l’art rupestre est révélé au monde. Suivirent les découvertes de grottes ornées en France et ailleurs dans le monde, qui encouragèrent au début du XXe siècle, grâce à la voiture, les voyages d’explorateurs et de scientifiques, mais aussi de nombreuses femmes auxquelles l’exposition rend un bel hommage. Ces dernières, la plupart artistes formées dans des écoles d'art, étaient chargées de reproduire les figures et les animaux gravés sur les parois, en les dessinant sur papier, ou en les relevant directement sur calques, et de photographes qui testaient des appareils aux objectifs les plus en pointe. Mais leurs clichés ne rendaient ni les nuances ni les superpositions de couleurs indiquant des interventions successives d’artistes au même endroit. Des relevés ont parfois fait disparaître des dessins, les reproductions ne sont pas toujours fidèles au modèle, mais l’ensemble de ces relevés a permis de faire recenser une créativité et une dextérité insoupçonnables, et des styles très distincts. La préhistoire s’est construite avec ces relevés.

En parallèle, l’exposition montre comment de grands artistes du XXe siècle ont été influencés par la diffusion de ces créations. Aujourd’hui encore des artistes questionnent cet art, comme le Sénégalais Abdoulaye Diallo et la Portugaise Graça Morais, dont les œuvres achèvent le parcours de Préhistomania.

 

Le succès de la grotte Cosquer. Le grand public est de plus en plus séduit par ces gravures et peintures qui ont gardé une part de leurs mystères. En témoigne le grand succès de la reproduction de la grotte Cosquer installée dans la Villa Méditerranée, face au Mucem de Marseille. Depuis l’ouverture en juin 2022, plus d’un million de personnes ont vu le fac-similé de cette grotte dont l’entrée est actuellement à 37 mètres sous le niveau de la mer. Grâce aux technologies actuelles, ce fac-similé est plus fidèle encore que celui de Lascaux II en Dordogne et sa fameuse salle des taureaux, qui accueille plus de 250 000 visiteurs chaque année. Dans les gorges de l’Ardèche, le fac-similé de la grotte de Vallon Pont d'Arc dite Chauvet, aux dessins et gravures deux fois plus anciens que ceux de Dordogne (datés d’il y a trente-six mille ans), a ouvert vingt ans après sa découverte en 1994 et a accueilli 350 000 personnes en 2019.

D’autres musées exposent l’art préhistorique, à l’instar du musée d’Aquitaine de Bordeaux où, jusqu’au 7 janvier, sont présentés des chefs d’œuvre provenant des plus grands sites préhistoriques du sud de la France, du nord de l’Espagne et du Portugal, de l’Atlantique à la Méditerranée. Les pièces proviennent principalement du musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.

 

Préhistoire 2.0. L’engouement pour ces témoignages de l’origine de l’humanité ne se dément pas, favorisé par les visites virtuelles. Une prépondérance de l’image dans notre société dont le cinéma s’était déjà emparé. Sur les écrans, L’âge de glace (animation) et La guerre du feu (long-métrage de Jean-Jacques Annaud) se sont taillé un beau succès. Après L’odyssée de l’espèce (2003) puis Homo Sapiens (2005), deux docu-fictions réalisés par Jacques Malaterre, est sorti en 2017 Premier homme dont Pascal Picq, paléoanthropologue et maître de conférence au Collège de France, a assuré la direction scientifique.

Plus récemment, Lady Sapiens (France Télévisions 2021) a permis de réhabiliter la place des femmes du paléolithique en s’appuyant sur le résultat de nouvelles recherches. Le documentaire a recouru à la haute technicité développée par Ubisoft dans son jeu vidéo Far Cry Primal.

Le soin porté à ces expositions et reproductions permet au public d’appréhender le rapport de l’artiste préhistorique aux reliefs et aux courbes des parois dans l’obscurité du boyau d’une grotte et à une hauteur de plusieurs mètres, sans que l’on ne sache rien des moyens utilisés pour s’éclairer et se hisser. Interprétations et hypothèses évoluent au gré des progrès techniques. Il reste encore beaucoup à découvrir.

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