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À La Criée, François Cervantes se met à table par amour du théâtre et du public

par Pierre Magnetto
Robert et Monique qui n’ont jamais mis les pieds dans un théâtre, arrivent sur le plateau pour un dîner insolite. © Christophe Raynaud de Lage
Robert et Monique qui n’ont jamais mis les pieds dans un théâtre, arrivent sur le plateau pour un dîner insolite. © Christophe Raynaud de Lage
François Cervantes, auteur et metteur en scène de la Compagnie l’entreprise. © Melania Avanzetto
François Cervantes, auteur et metteur en scène de la Compagnie l’entreprise. © Melania Avanzetto
Arts vivants Théâtre Publié le 10/01/2024
Avec Le repas des gens, l’auteur et metteur en scène marseillais propose de revenir à l’essence de ce qui fait le théâtre populaire, un lieu de partage et d’échange entre les acteurs et un public prenant sa place dans le spectacle. La pièce est donnée pour 12 représentations à la Criée, Théâtre National de Marseille, à compter du 16 janvier.

N’est-il pas paradoxal de créer une pièce et de la mettre en scène pour un public qui ne va jamais, ou si rarement, au théâtre ? En tout cas ça ne l’est pas pour l’auteur et metteur en scène marseillais François Cervantes*. Il est invité à La Criée pour 12 dates en tant que « complice » du directeur Robin Renucci pour présenter sa nouvelle création avec la Compagnie L’entreprise : Le repas des gens. L’histoire puise à la source du précédent travail de l’auteur, Le cabaret des absents créé en 2021 et qui a fait l’objet d’une longue série à la Friche de la Belle de Mai début 2022, une pièce reçue avec enthousiasme par le public tout autant que par la critique. C’est l’histoire d’un théâtre ouvert à tous, les présents comme les absents, dans lequel une multitude de personnages entrent pour dire pourquoi ils ne sont pas là. Le repas des gens débute par une scène puisée dans cette précédente création, montrant un couple à table.

Par leur virginité ils nous font redécouvrir l’essence du théâtre La pièce débute avec l’arrivée sur scène de Bernard et Monique qui n’ont jamais mis les pieds dans un théâtre. Un jour le directeur de ce théâtre, un cousin éloigné, est allé dîner chez eux et, marqué par cette expérience a décidé de les inviter à rencontrer le public. Sur scène la table est mise et les attend, les voici au plateau, prêts à dîner. Ils découvrent la salle et le public silencieux qu’ils saluent, puis vont s’asseoir. « La situation est un peu absurde, d’autant qu’ils ne possèdent pas les codes », reconnaît l’auteur. Mais justement, cela va les conduire à s’interroger, à émettre des hypothèses, à développer une réflexion, non sans humour. « Il y a quelqu’un qui disait surtout essayez de ne pas avoir d’auteur parmi vos amis vous risqueriez de vous retrouver dans un livre. Robert et Monique, tout vierges et tout candides qu’ils soient, prennent petit à petit conscience qu’ils sont en train de devenir des personnages. Par leur virginité ils nous font redécouvrir l’essence du théâtre ». Certes, le point de départ est un peu maigre, mais il faut laisser le temps aux éléments parmi lesquels le public, de se mettre en place pour goûter au spectacle.

La relation à l’autre, la graine qui donne naissance à la culture Cette scène inaugurale vient de loin, du temps où François Cervantes qui a des ascendances espagnoles allaient visiter des cousins, des fermiers vivant aux confins de la région de Valencia et de l’Andalousie. Ils se souvient de ces grandes tablées dressées dans la cour de la ferme, du va et vient, des rires, des cris, des discussions parfois enflammées qui accompagnent un festin. « Ce qui se passait alors est pour moi ce qui se rapproche le plus du théâtre », confie-t-il. « Le théâtre n’est pas un endroit de culture au sens d’un édifice culturel. C’est plutôt le lieu de la relation à l’autre qui est la graine donnant naissance à la culture ». Et les échanges et les relations se tissant autour de cette table l’ont profondément marqué : ce sont « les gens les plus proches de ce que je vis au théâtre. Je fais du théâtre pour ma famille espagnole qui cultive la terre, pourtant ils ne sont jamais allés au théâtre ».

Un texte éprouvé au plateau C’est la relation entre acteurs et public qui est au cœur du travail de François Cervantes. « Le personnage principal c’est le public », dit-il d’ailleurs. Son texte, il l’a travaillé dans l’urgence. Le repas des gens n’est pas la pièce initialement programmée pour cette saison, c’était Nous mais le projet n’était pas suffisamment abouti et il a fallu renoncer bien que promet-il, « le spectacle existera ». L’auteur a débuté l’écriture de l’oeuvre proposée aujourd’hui en juillet dernier, un texte qui a la particularité de ne jamais être définitivement arrêté. A quelques jours de la première, il proposait encore des modifications aux acteurs. Cela demande une grande complicité avec la troupe mais depuis la création de la compagnie en 1986 cette dernière a eu le temps de se forger et les habitudes de travail de se mettre en place. C’est que selon l’auteur « le théâtre est une activité qui se situe entre le texte, la direction d’acteur, la collaboration à l’intérieur d’une équipe. Je suis incapable de tracer une frontière entre le son, la lumière, les accessoires, les costumes, car chaque détail est capable d’impacter l’ensemble. » Pour lui, le texte « n’est pas au sommet », mais constitue « un tuyau à travers lequel circule l’énergie ». Et ce n’est qu’au plateau, lors des répétitions et même au moment des représentations que l’efficacité de ce flux et sa capacité à entraîner le public sont mises à l’épreuve.

Le spectateur acteur du spectacle Bien entendu, le fait d’être à la fois le metteur en scène et l’écrivain l’autorise à faire ces retouches. Finalement, l’urgence était moins dans les délais impartis pour être prêt à l’heure de la première que dans l’exigence d’être au plus près de ses intentions à savoir, rendre le spectateur acteur du spectacle. « Pour rentrer dans un échange par lequel le spectateur sente qu’il est un élément du spectacle, ce n’est pas simple. Je dis souvent que le public c’est notre cerveau gauche. Tant qu’il n’est pas là on ne sait pas ce que l’on fait, mais ce que l’on fait il faut se préparer à le faire avec lui. On ne comprend qu’au moment où le public nous regarde ». Ça commence dès le 16 janvier à Marseille. La pièce est également programmée dans le cadre du Off à Avignon.

 

*La Criée développe des relations avec les publics éloignés du théâtre, notamment par des collaborations avec les scolaires, les secteurs social, médical, carcéral, tout en travaillant à l’inclusion. Des groupes sont régulièrement invités à suivre des représentations puis à venir voir le résultat fini lors de représentations.

 

 

Le repas des gens, du 16 au 27 janvier au théâtre de La Criée à Marseille. Texte et mise en scène François Cervantes. Production de la Compagnie l’entreprise en coproduction avec le Théâtre national de Marseille La Criée et la Friche de la Belle de Mai.

Le repas des gens, du 3 au 21 juillet, festival Off d'Avignon, Théâtre des Halles

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François Cervantes, auteur et metteur en scène de la Compagnie l’entreprise. © Melania Avanzetto
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