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Mot de passe oublié ?Amiens Europe Feminist Futures, un festival hors normes
À Amiens, la maison de la culture (MCA) reste un geste architectural singulier qui a émergé en 1966 et a accueilli les mouvements contestataires qui ont suivi. Expositions, musique, danse, cinéma y cohabitent depuis toujours et, en 2016, la maison devient « pôle européen de création et de production ». Avec Laurent Dréano, qui la dirige depuis 2018, la MCA noue plusieurs partenariats avec d’autres acteurs culturels de la région et avec des festivals. Depuis plusieurs années, elle travaille avec onze autres structures culturelles, une expérience qui a mené au programme APAP - Feminist Futures, qui a obtenu le soutien de l’Union Européenne pour 2020-2024. Dans sa mouvance, le festival Amiens Europe devient un temps fort de la programmation en donnant une visibilité à la jeune création européenne. Il se déroule au sein de la maison de la culture et ailleurs dans la métropole amiénoise. Sa 4e édition s’étend du 18 au 26 janvier.
La manifestation donne « l’occasion de voir des spectacles d’artistes européens renommés et de réfléchir à des questions sociétales, dans lesquelles la construction européenne joue un rôle important » commente Laurent Dréano. Et c’est bien tout l’objet du spectacle performance que présente Eugen Jebeleanu en ce 22 janvier dans la grande salle de la MCA.
Le metteur en scène et réalisateur roumain qui, depuis 2010, se partage entre la Roumanie, la France et l’Allemagne, ouvre une grande fenêtre sur son pays natal. En se racontant, lui qui dès l'âge de quatre ans,a pratiqué la danse sportive de compétition au sein d’une famille toute attachée à voir le jeune prodige gagner sans relâche. Avec son spectacle Le prix de l’or, Eugen Jebeleanu revient sur son enfance et son adolescence, faisant du même coup connaître cette discipline très prisée dans l’Europe de l’Est mais inconnue en France. Il y plonge le spectateur par la projection des films de ses compétitions tournés par son père et par les virtuosités d’un couple de danseurs évoluant sur un lino doré couvrant la scène. Ce faisant, il nous parle, abordant sur le ton de la confidence tous les stigmates d’une société en décalage avec l’image qu’elle veut donner. Sa pratique de la danse suscite moqueries et harcèlement à l’école, son attirance pour les corps dansants des hommes lui révèle son homosexualité, sa peur de l’échec et du risque de décevoir son père, l’entrainement intensif d’un sport de haut niveau, la discipline rigoureuse qui isole des autres de son âge.
Eugen Jebeleanu marie l’intime et le politique, dressant un portrait d’homme d’aujourd’hui. Un portrait qui enrichit notre perception de l’Europe, un portrait sans omission, qui dévoile les travers de la compétition, un environnement familial délétère, et les petits arrangements des maîtres à gagner d’une discipline qui n’échappe pas à la corruption. Très éloigné de la plainte, il se livre avec le mental positif du sportif, la sensibilité de l'artiste, la fertilité du créateur.
Les notions de normes, d’identité, de liberté sont au cœur de cette création et interrogées par toutes celles programmées par ce festival.
