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Mot de passe oublié ?« Ode maritime » : Lena Paugam fait corps avec la poésie de Pessoa
« Seul sur le quai désert, en ce matin d’été Je regarde du côté de la barre, je regarde l’Indéfini, Je regarde et j’ai plaisir à voir, Petit, noir et clair, un paquebot qui entre… »
Devant la grande toile qui ferme la scène mais ouvre l’infini en touches peintes de bleus, Lena Paugam avance sa silhouette androgyne. Toute animée de la ferveur, puis de la fureur qui secoue Ode maritime, elle porte loin et fort les mots de Fernando Pessoa (1888-1935). L’immense poète lisboète les a forgés avec ce que les sillages des embarcations, les tempêtes, les terrifiantes histoires de matelots et de pirates, ont gravé dans nos imaginaires. Se laisser porter par le désir de s’enfuir avec ce paquebot qui s’éloigne du quai puis disparaît de l’horizon, se laisser emporter par les terreurs de l’enfance, se laisser embarquer par la voix de la comédienne et par les voiles qu’elle baisse ou hisse telle un marin. De la grande voile tachée de rouge, réceptacle de l’évocation puissante et effrayante des cris, des crimes et des naufrages, elle va s’envelopper, dans une pose hiératique, avant de se couler au sol, telle une naufragée, brillante du nacre des coquillages sur sa peau. Après nous avoir plongé dans l’effroi, le poème nous ramène sur le quai avec des mots qui ramènent au calme exaspérant et à la nostalgie des rêves de l’enfance. Tendue à nouveau, la voile aux délicates nuées bleues vient nous apaiser.
Sur la scène du théâtre de Lorient, Léna Paugam, qui a mis en scène ce spectacle, donne corps à cette ode furieuse. Sa voix épouse les ondulations du verbe, fiévreuse, puissante, nostalgique. La comédienne aurait pu s’en tenir là, mais la metteuse en scène a œuvré pour donner au poème une théâtralité. Manœuvrant de grandes voiles au gré du souffle évocateur, ajoutant les vibrations de la guitare de Yann Barreaud et de la batterie de Martin Wangermée pour envelopper les mots. Léna Paugam nous fait ainsi sortir du silence de la page écrite pour nous emmener dans la foisonnante exubérance du théâtre.
Ce fut un beau voyage. De ces voyages que le théâtre réserve parfois.
Ode maritime, d'après Fernando Pessoa, mise en scène Lena Paugam. Avec Yann Barreaud, Lena Paugam, Martin Wangermée. Du 24 au 27 janvier au Théâtre de Lorient, salle Marguerite Duras. Le 1er février au Carré Magique de Lannion.
Formée au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, après l’obtention d’une Licence de Philosophie et d’un Master 2 en études théâtrales consacré aux écritures dramatiques contemporaines, Lena Paugam fonde la Cie Lyncéus.
Artiste associée à La Passerelle, Scène nationale de Saint-Brieuc, elle crée ensuite la Cie Alexandre. En 2018, elle met en scène et interprète Hedda de Sigrid Carré-Lecoindre, puis en 2019, Echo de Xavier Maurel, en collaboration avec le chorégraphe Thierry Thieu-Niang et De la disparition des larmes de Milène Tournier en 2020. Elle met en scène et interprète Ode Maritime, qu'elle crée en 2022.
