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Œuvres pillées, le colonialisme en question

par Élisabeth Pan
Scène de Dahomey, un documentaire écrit et réalisé par Mati Diop © Mati Diop / Les Films du Bal / Fanta Sy
Scène de Dahomey, un documentaire écrit et réalisé par Mati Diop © Mati Diop / Les Films du Bal / Fanta Sy
La frise de 75 mètres dérobée au Parthénon est exposée au British Museum de Londres.
©Tréviers:NAJA
La frise de 75 mètres dérobée au Parthénon est exposée au British Museum de Londres. ©Tréviers:NAJA
Hors-Champs Société Publié le 15/03/2024
Avec le film "Dahomey", Ours d’or à la Berlinale, la question des pillages est au cœur du débat. La Russie qui dévalise l’Ukraine et le conflit entre Grecs et Britanniques pour la frise du Parthénon en font l’actualité.

La scène se passe à Berlin, pas à Cannes. Lors de la 74e Berlinale, en février dernier, l’Ours d’or a été décerné à la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop pour son film Dahomey qui suit la restitution en novembre 2021 de vingt-six œuvres d’art à la République du Bénin. Elles avaient été pillées dans ce qui était alors le Royaume du Dahomey par les troupes coloniales françaises. Le documentaire, outre l’intérêt de ses constructions esthétiques, restitue les débats qui ont suivi l’arrivée de ces œuvres au Bénin. Il sera projeté en ouverture au festival du Cinéma du réel, le 22 mars à Paris, mais il faudra attendre le 25 septembre prochain pour le voir en salle.

Dahomey est une nouvelle voix pour aborder ce changement de paradigmes dont débat notre siècle. Les guerres ont longtemps été faites pour simplement pillées, c’était même le salaire reconnu des soldats et de leurs officiers. Si la convention de Genève de 1949 interdit formellement le pillage, nombres de belligérants des guerres actuelles continuent à n’en pas tenir compte. La Russie est ainsi accusée par l’Ukraine d’avoir emporté sur son territoire des dizaines de milliers d’œuvres d’art, dont le fameux or des Scythes jadis exposé à Melitopol. Rien qu’à Marioupol plus de 2 000 œuvres ont été dérobées et à Kherson, avant que la ville ne soit reprise par les Ukrainiens, ce serait 10 000 des 13 000 œuvres qui ont disparu des musées.

 

L’exemple du Parthénon. Les guerres coloniales n’ont pas manqué d’officiers ou d’administrateurs pour s’intéresser aux œuvres d’art des pays mis sous leur domination. Un mois après la restitution de ses œuvres au Bénin, plusieurs pays d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Amérique latine et d’Asie plaidaient auprès de l’Unesco pour le retour de ces parts de leur patrimoine national dans le pays où elles ont été créées. Ce n’était pas la première demande et l’organisme onusien soutient depuis quarante ans ces demandes qui font l’objet de négociations lentes entre les pays concernés.

L’une des plus anciennes de ces demandes est européenne. Elle concerne un des bâtiments les plus visités au monde qui est amputé depuis plus de deux siècles de nombre de ses sculptures : le Parthénon. L’Erechtheion, autre temple de l’Acropole d’Athènes est également concerné.

Pour voir la frise de 75 mètres de long que la Grèce réclame en vain depuis des décennies à la Grande-Bretagne, il faut se rendre au Bristish Museum de Londres où la belle mise en valeur de l’œuvre ne peut justifier qu’elle ne retrouve sa place face à la mer Egée. Elle a été prélevée par l’ambassadeur britannique, Lord Elgin, avec l’accord du gouvernement ottoman lorsque la Grèce était sous domination coloniale. C’était à la fin du XVIIIe siècle. Depuis, l’argument britannique selon lequel elles sont mieux protégées à Londres qu’à Athènes, argument que l’on retrouve dans la bouche de tous ceux qui s’opposent aux restitutions, montre son inanité. Les discussions sont en cours, le Royaume britannique faisant trainer, la République grecque s’impatientant, d’autant plus qu’elle a entrepris d’énormes travaux de rénovation de son site antique.

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