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Avignon 2024 : de l’audace, encore de l’audace

par Jacques Moulins
Tiago Rodrigues, directeur du festival d'Avignon, présentera pour la 78e édition Hécube, pas Hécube, d’après Euripide avec la Comédie Française. © Raynaud de Lage
Tiago Rodrigues, directeur du festival d'Avignon, présentera pour la 78e édition Hécube, pas Hécube, d’après Euripide avec la Comédie Française. © Raynaud de Lage
Arts vivants Publié le 04/04/2024
Le Festival d’Avignon ne trahit pas ses origines. De la création, toujours de la création, venue en priorité pour cette 78e édition de pays hispanophones. Avec deux jours de festival en plus et de plus nombreuses représentations. Du 29 juin au 21 juillet.

Avec sa sympathie et son allant communicatifs, Tiago Rodrigues a présenté, ce mercredi 3 avril, la programmation de l’édition 2024 du Festival d’Avignon dans la salle de la Fabrika, entièrement occupée du public et des artistes. Une 78e édition qui surprend encore par ses nouveautés. Par ses dates d’abord : Jeux Olympiques obligent, le festival est avancé d’une semaine, n’attendant pas les congés d’été scolaires pour commencer, ce qui est un défi lorsque l’on sait que la moitié du public est issue du monde de l’éducation. Par l’allongement des jours de représentations également. D’abord le festival dure deux jours de plus que l’an dernier, ensuite les représentations seront plus nombreuses, ce qui répond à la fois à la demande du public et à celle du ministère de la Culture qui planche toujours sur le projet lancé par Rima Abdul Malak pour « mieux diffuser » et défier l’inflation des créations relevée par la Cour des comptes.

À cet égard, le festival tient son double rôle de producteur et de diffuseur. Sur les 35 spectacles proposés, 29 sont des créations et 24 des productions ou co-productions qui répondent à l’ambition de la manifestation d’être une capitale mondiale du théâtre. Et l’édition 2024 fera place à la langue espagnole. Ce cosmopolitisme assumé, dans une époque où les nationalismes pointent à nouveau la tête, a déjà été marqué par le choix d’un directeur qui n’est pas français. Le Portugais Tiago Rodrigues assumant sa seconde année de direction avec toujours l’idée de mettre en avant une langue comme l'avait été l’an dernier l’anglais.

Enfin, si le festival continue à s’appuyer sur des valeurs sûres plus de la moitié des artistes viendront pour la première fois.

 

Angelica Liddell en ouverture. Valeur aussi sûre que controversée, habituée d'Avignon, l’Espagnole Angelica Liddell fera l’ouverture du festival le 29 juin dans la Cour d’honneur avec Daïmon, une pièce au sous-titre explicite, Les funérailles de Bergman. La langue du réalisateur suédois cohabitera avec l’espagnol. Un défi pour la performeuse connue pour son seule-en-scène et son intérêt très cru pour Eros et Tanathos. Le spectacle est déjà déconseillé au moins de 16 ans.

La Cour d’honneur accueillera ensuite, du 9 au 11 juillet, un spectacle programmé l’an dernier mais qui s’était réduit à une lecture de son auteure, les artistes ukrainiens, biélorusses et polonais n’ayant pu se déplacer en raison de la guerre. Ceux et celles qui avaient assisté à la lecture de Mothers A Song for Wartime par Marta Gornicka attendant avec impatience ce chœur d’une vingtaine de Mères pour cette chanson de temps de guerre.

Enfin, du 16 au 21 juillet, la Cour d’honneur, cette année privée de danse, offrira son plateau à l’un des plus talentueux metteur en scène d’Europe, Krzysztof Warlikowski. Le Polonais s’inspirera d’un personnage de voyageuse inventé par l’écrivain et prix Nobel John Maxwell Coetzee, Elizabeth Costello dans un débat théâtral en Sept leçons et cinq contes moraux.

 

La langue espagnole en fêtes. Danses, théâtres, performances et chants : la langue espagnole sera d’usage dans un tiers des spectacles et permettra de faire découvrir des artistes d’Amérique du sud et d’Europe. Comme l’Argentin Tiziano Cruz qui, en deux spectacles, Soliloquio et Wayqeycuna, interroge la place des peuples autochtones à partir de sa propre vie. Sa compatriote Lola Arias présentera Los dias afuera (Leurs jours dehors) « une sorte de documentaire musical » selon ses dires, qui donne la parole à six femmes et transgenres sortant de prison.

Le cirque fera son entrée au festival avec Qui som ? (Qui sommes-nous ?) de la compagnie catalane Baro d’evel, une véritable tribu circassienne qui occupera la Cour du lycée Saint-Joseph pour dix représentations à partir du 3 juillet.

Grands auteurs également au programme espagnol, Shakespeare et Tchekhov. Pour ce dernier, c’est La Mouette (La Gaviota) qui sera mise en scène par Chela de Ferreri dans une première mondiale, car le Centre dramatique national de Madrid réalisera pour la première fois de sa longue existence une création hors de ses murs. Pièce jouée par des artistes malvoyants. Pour sa part, l’Uruguayen Gabriel Calderon réinterrogera le Richard III de Shakespeare au Théâtre Benoît XII en langue catalane et sa compatriote Tamara Cubas écoutera sept migrantes dans Sea of Silence. L’Argentin Mariono Pensotti créera Une Ombre vorace, spectacle itinérant qui sera présenté tout au long du festival dans seize communes du Vaucluse. Le Chilien Malicho Vaca Valenzuela donnera Reminiscencia au Gymase du lycée Mistral.

De la danse avec La Ribot et le compositeur Asier Pugat pour évoquer la reine de Castille Jeanne 1ère dans Juana ficcion, danse encore avec la chorégraphe anglo-espagnole d’origine ghanéenne, Yinka Esi Graves, qui enrichit des présences d’art africain le Flamenco de The Disappearing Act.

Ce programme espagnol se terminera le jour de la clôture du festival, à minuit, sur un chant de Silvia Pérez Cruz, dans un programme musical intitulé Toda la vida, un dia.

 

Une création de Tiago Rodrigues. L’ancien directeur du Théâtre Donia Maria II de Lisbonne se devait de créer une pièce dans le festival. Ce ne serait bien sûr pas sa première, il a été invité de nombreuses fois depuis sa pièce By heart et a ouvert la 75e édition à la Cour d’honneur avec La Cerisaie de Tchekhov interprétée par Isabelle Huppert. En 2022, la metteure en scène Anne Théron avait repris sa pièce Iphigénie. Le Lisboète relira à nouveau Euripide mais pour Hécube, épouse de Priam et reine de Troie. Cette relecture se fera autour de l’interprétation du rôle-titre, faisant d’Elsa Lepoivre, sociétaire de la Comédie-Française qui assure la distribution à Avignon, à la fois l’interprète et le sujet de la pièce. Hécube, pas Hécube sera donnée du 30 juin au 16 juillet dans la Carrière de Boulbon.

Deux autres Portugais, Inès Barahona et Miguel Fragata, seront présents au festival pour Terminal (L’état du monde) et le théâtre sera servi par plusieurs Français, Fanny de Chaillé (Avignon une école), Gwenaël Morin et son Quichotte, Caroline Guiela-Nguyen pour Lacrima, l’histoire d’une robe de mariée, Séverine Chavrier qui adaptera pour la scène Absalon, Absalon, le célèbre roman de William Faulkner, et Mohammed El Khatib qui mettra en scène La vie secrète des vieux. Lorraine de Sagazan, qui à la Collection Lambert proposera l’exposition Monte di Pieta, « où chaque objet donné porte le souvenir d’une injustice et se refuse à l’oubli », créera au gymnase du lycée Aubanel, Léviathan, une pièce qui fouille le fonctionnement du système judiciaire.

 

Boris Charmatz, artiste complice. Le festival avait connu des artistes associés qui accompagnaient la direction dans ses choix et ses envies, en quelque sorte des directeurs artistiques bis, à l’époque où le festival était dirigé par des personnes issues de l’administration. Tiago Rodrigues n’a pas besoin de soutien pour ses choix mais il ne dédaigne pas l’avis des autres et le travail collectif. En témoigne la mise en valeur de son équipe et l’instauration d’un artiste complice. Ce rôle est attribué cette année à Boris Charmatz qui a choisi, par trois spectacles, de montrer le travail de chorégraphe et des danseurs. D’abord avec Cercles, par un atelier ouvert à 200 personnes dans une danse en cercle au stade de Bagatelle. Ensuite en reprenant Liberté Cathédrale, créée au Châtelet à Paris en ce mois d’avril. Enfin, le directeur du Tanztheater Wuppertal, cette scène créée par Pina Bausch, ne pouvait que rendre hommage à la célèbre chorégraphe. Il le fera avec Forever, un projet mené avec 26 danseuses et danseurs qui travaillent pendant 7 heures autour de la pièce Café Müller. Une « immersion » à la Fabrica pour laquelle Boris Charmatz « recommande aux spectateurs de rester 2 heures ».

Au chapitre de la danse, est également invité le directeur du CNDC d’Angers, Noé Soulier, qui reprendra Close Up.

Il faut donc se préparer à une édition foisonnante, festive et enthousiaste qui a pris pour thème « Chercher les mots », la réponse d'une jeune spectatrice interrogée sur son impression du dernier festival.

 

Festival d’Avignon, 78e édition, du 29 juin au 21 juillet. La billetterie ouvrira le samedi 6 avril.

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Tiago Rodrigues, directeur du festival d'Avignon, présentera pour la 78e édition Hécube, pas Hécube, d’après Euripide avec la Comédie Française. © Raynaud de Lage
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