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Mot de passe oublié ?L’aventure de la danse a débuté en 1979 à Montpellier. La ville, à l’époque dirigée par Georges Frêche, avait tablé sur la danse contemporaine dès son arrivée en France dans la mouvance des chorégraphes américains. Depuis lors, Montpellier Danse et son festival, dirigé depuis longtemps par Jean-Claude Montanari, a acquis une réputation internationale en faisant venir dans le sud de l'Hexagone les compagnies les plus novatrices.
La 43ème édition de Montpellier Danse porte en elle toute une histoire de la danse contemporaine, avec des pièces et des chorégraphes de ses débuts. Si, à leurs côtés, des artistes de la nouvelle génération sont programmés et que d’autres viennent pour la première fois à Montpellier Danse, plusieurs pièces emblématiques seront reprises, dont une du génial Dominique Bagouet à qui le maire avait confié la tâche de faire de Montpellier un havre de la danse contemporaine.
Cette 43ème édition porte également en elle la crise politique et sociale qui sévit actuellement, l’arrivée des droites extrêmes en Europe et ailleurs, les tragédies d’emprisonnements voire de condamnations à mort d’artistes dans le monde, leur privation de liberté d’expression, enfin la guerre en Ukraine où quelque 243 lieux culturels ont été bombardés, dont le fameux théâtre de Marioupol. L’époque n’est pas aux réjouissances, aussi doit-on se réjouir de la programmation de Montpellier Danse, tout en mesurant qu’un tel faste est sans doute révolu, et que les subventions du ministère et des élus pourraient se tarir. « Il y a moins d’argent. C’est de plus en plus difficile pour les artistes de créer » souligne M. Montanari lors de sa présentation du festival qu'il dirige.
Mémoire et recréation. Montpellier, en finale pour être Capitale européenne de la Culture 2024, peut s’appuyer sur son statut de ville incontournable de la danse, et de son Agora, magnifique site d’accueil d’artistes en résidence et de rencontres avec la danse. Le maire Michaël Delafosse dit lui-même avoir été formé à la danse contemporaine grâce à Montpellier Danse, qu’il qualifie comme « identité de la ville et participant à sa modernité ». La mémoire et la recréation en danse seront au menu des tables rondes organisées pendant le festival. Posant la question : à quoi sert de reprendre des pièces anciennes ? La reprise, la récréation, c’est justement ce qu’a entrepris Sarah Matry-Guerre. L’artiste, qui vit et travaille au Mexique après avoir été formée à la danse à Montpellier, revisite Déserts d’amour, une pièce de Dominique Bagouet. Pour ce projet, la chorégraphe s’est assurée le concours de Jean-Pierre Alavarez, qui fut danseur de la compagnie Bagouet et interpréta la pièce à sa création en 1984. Angelin Preljocaj, lui aussi engagé comme danseur par Dominique Bagouet de 1982 à 1984, reprendra à l’opéra Berlioz deux de ses pièces, désormais au répertoire de nombreuses compagnies internationales, Annonciation et Noces, et complètera sa venue par une création pour Montpellier Danse.
La danse en mémoire. La mémoire de Pina Bausch planera en plusieurs endroits de cette édition. D’abord avec les créations de deux danseuses de la compagnie qui porte son nom : un solo d’Anne Martin et un duo que l’Espagnole Nazareth Panadero exécutera avec Michael Strecker, membre du Tanztheater Wuppertal. Boris Charmatz, qui s’est vu confier en 2022 la direction de la Tanztheater Wuppertal Pina Bausch, complétera la référence à l’immense chorégraphe en reprenant Palermo Palermo pour trois soirs à l’opéra Berlioz. La pièce avait été créée à l'occasion d'une invitation en résidence de la compagnie de Pina Bausch par Leoluca Orlando, alors maire de la capitale sicilienne. Palerme est jumelée avec Montpellier depuis 2016 et son maire, Président du festival montpelliérain Cinémed. Boris Charmatz reprendra aussi une de ses créations, 10000 gestes, un spectacle de mouvements interprété par plus de vingt danseurs au rythme du Requiem de Mozart.
Il avait créé Ulysse en 1981 pour rendre hommage à Merce Cunningham et aux chorégraphes post-modernes américains de sa lignée. Plus de quarante ans après, Jean-Claude Galotta en présentera une nouvelle version pour Montpellier Danse. Destinée au plein air et « plus imprégnée encore par les thèmes de l’exil, la pièce Ulysse, grand large sera dansée devant les gradins du théâtre de l’Agora.
Mathilde Monnier, dont la mémoire est indissociable de Montpellier où elle a dirigé le Centre Chorégraphique de 1994 à 2014, formant et accompagnant tant de danseurs professionnels. Mémoire aussi du festival Montpellier Danse auquel elle a donné nombre de ses créations, la chorégraphe a repris sa liberté de créatrice. Elle revient avec Black Lights, une pièce que lui a inspirée la série H24, diffusée sur ARTE, fruit d’une commande à 24 autrices internationales au sujet des violences faites aux femmes. Bouleversée par leurs textes, Mathilde Monnier a décidé de s’emparer de dix d’entre eux, dont ceux de Lola Lafon et d’Alice Zéniter, pour créer une pièce centrée sur l’impact de ces violences, physiques ou psychologiques, sur le corps des femmes, et la façon dont elles vivent avec. « Il ne faudrait pas banaliser ce fait de société, et la scène est l’endroit du retentissement, de l’écho, l’endroit où on peut redire différemment les choses » explique la chorégraphe. La pièce fera sa première à Montpellier à 22h le 22 juin, journée exclusivement féminine puisque, auparavant, le public aura pu découvrir la création de Nadia Beugré à 18h et celle de Sharon Ayal à 20h.
C’est à Kader Attou, bien connu des festivaliers, qu’est confiée la page hip hop de l’édition. Il reprend Symfonia Piesno Zalosnych, une pièce que la musique de Goreki lui a inspirée. Le chorégraphe l’avait créée à Montpellier Danse en 2010 avec dix danseurs évoluant au milieu des ruines du lycée professionnel Mendès-France. Il la présente cette fois à l’Opéra Comédie.
Dalila Belaza, David Wampach, I-Fang Lin, Pierre Pontvianne, la Canadienne Dana Michel sont au programme. Mickaël Phélippeau fera lui une première apparition à Montpellier Danse avec son travail sur et avec douze des Major’s Girls de Montpellier. Le club, dirigé par Josy (73 ans), a la particularité de mobiliser des majorettes dont la moyenne d’âge est de 60 ans.
S’emparant des œuvres de grands chorégraphes disparus ou revisitant leurs propres créations, de nombreux chorégraphes ont choisi de revenir sur le passé. Pour mieux marquer les notions de répertoire et de mémoire. À l’heure où tout doit aller très vite, au risque d’oublier, ces reprises affrontent l’aujourd’hui de la danse et de la société. Rassurent et bousculent.
43e Festival Montpellier Danse du 20 juin au 4 juillet 2023.