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2019, année roumaine

par Jacques Mucchielli
L'affiche de la Saison culturelle France-Roumanie. DR
L'affiche de la Saison culturelle France-Roumanie. DR
Hors-Champs Croisement Publié le 10/01/2019
Deux événements mettent la Roumanie à l'affiche de l’année 2019. Au premier semestre, le pays a pris la présidence tournante de l'Union européenne. Et la saison culturelle croisée se fait cette année avec la Roumanie, une première avec un État de l’Union.

Pour la première fois de son histoire, la Roumanie préside au premier semestre 2019 l'Union européenne. Une présidence qui s’annonce à la couleur des mauvaises tendances de l’Europe car le parti social-démocrate au pouvoir fait tout pour grignoter les bases fragiles de l'état de droit afin de prémunir son principal dirigeant, Liviu Dragnea, contre les enquêtes pour détournement de fonds publics (européens en l'occurrence) qui guettent ce populiste déjà condamné pour fraude électorale.

La Roumanie ne se résume heureusement pas à son gouvernement. Le jour inaugural de la présidence, des manifestants contre « les voleurs qui nous gouvernent » voulaient croire que l’Europe restait leur meilleure garantie pour « la liberté et l’état de droit ». La société dite civile compte se faire entendre, notamment par ses artistes. C’est la bonne nouvelle de ce début d’année 2019, avec l'année France-Roumanie dont l’important programme d'échanges culturels permettra de découvrir un pays qui fut longtemps une exception, passant d'un extrême fasciste à un extrême communiste, fondateur du groupe des pays non alignés mais pratiquant une politique plus répressive encore que Moscou sous l'ère du dictateur Ceausescu.

 

L’Europe au premier plan. Jean-Jacques Garnier, commissaire général pour la partie française de cette saison, rappelle le principal objectif : faire connaître l’autre à chacune des deux populations. En trois dimensions « l’Europe, la francophonie, et le regard vers le futur ».

L’affiche de la saison est à cet égard significatif. « Oubliez vos clichés » proclame-t-elle sous une photo réunissant Edith Piaf et Dracula. Il faut sans doute rappeler aux Français que la nation qui a inspiré le prince des Vampires est également celle où l’on comptait le taux le plus élevé de francophones en Europe au milieu du XXe siècle, jusqu’à un quart de la population. Il suffit de visiter les bouquinistes de Bucarest pour s’en convaincre. La francophonie est donc un moment important de cette saison. Mais c’est l’Europe qui sera le thème dominant. En raison de la présidence de l’Union, bien sûr, mais aussi parce que la Roumanie vient de fêter le centenaire de sa naissance en tant que nation moderne à la fin de la première guerre mondiale.

Le Centre Pompidou, où a été lancé l’événement à la fin novembre, joue un rôle pivot dans la programmation. Ce n’est pas un hasard : il possède, au pied de Beaubourg, l’atelier reconstitué par l’architecte Renzo Piano que le sculpteur roumain Constantin Brâncusi a légué à la France où il s’était installé en 1904. Il travailla avec Rodin mais se sépara du maître pour créer un art résolument contemporain, à l’image de Gauguin et de ses amis Duchamp, Léger, Man Ray et Tzara. Il ne quittera jamais son pays d’adoption où il meurt en 1957. Le centre culturel organise plusieurs expositions, notamment du poète et plasticien Mihai Olos (jusqu’au 25 février) et une sur le dialogue entre deux amis qui se sont connus dans l’atelier de Gustave Moreau, les peintres Matisse et Pallady, autour du célèbre tableau de Matisse La Blouse roumaine et de leurs correspondances.

 

Pays de créateurs et de théoriciens. Outre Brâncusi, la Roumanie est le berceau d’un grand nombre de créateurs et de théoriciens d’écoles artistiques révolutionnaires. Tzara et Ionesco sont les plus connus. Mais également le théoricien Isidore Isou (1925-2007), créateur du Lettrisme, installé à Paris en 1945, à qui le Centre Pompidou consacre une exposition du 6 mars au 20 mai. Même thème pour l’exposition Ex-East organisée au Centre Niemeyer (au siège du parti communiste) où Ami Barak traitera cette question de la modernité roumaine à travers Brâncusi, Tristan Tzara et le Dadaïsme, les peintres Marcel Iancu et Victor Brauner et des plasticiens contemporains comme Ciprian MureSan ou Ion Grigorescu (du 5 février au 16 mars). De jeunes artistes seront également exposés par la jeune commissaire Diana Marincu au Mucem de Marseille (5 avril au 23 juin), où l’exposition Persona s’est bâtie autour du masque, et au Frac de Carquefou avec Manufacturing Nature et six artistes roumains qui ont travaillé l’an dernier en résidence pour produire les créations de cette exposition.

 

Théâtre, cinéma et photographie. La création théâtrale est un art bien vivant sur les scènes roumaines aujourd’hui. Dans le cadre de la saison, plusieurs pièces seront données dans différents théâtres de l’hexagone. Retenons au théâtre des Célestins de Lyon, la mise en scène d’une sulfureuse jeune auteure roumaine, Gianina Carbunariu dont les fidèles du Festival d’Avignon ont découvert en 2014 la création Solitaritate. Elle présentera avec des acteurs roumains Artists Talk du 5 au 7 avril, une pièce qui traite de la responsabilité des artistes dans notre société.

La ville de Grenoble a pris la Saison très au sérieux. Elle organise en février et mars des manifestations qui parcourront tous les domaines artistiques roumains et présentera notamment un documentaire sur les Roms (7 mars) et un autre sur les enfants des terribles orphelinats de Ceausescu (26 mars) ainsi qu’une exposition photo sur ce sujet (Maison de l’international du 11 au 29 mars). Côté photo encore, la Maison des associations de Grenoble invite jusqu’au 14 février les photographies de Christian Rausch, tandis que Rennes accueille Matei Bejenaru. Et il faut visiter la très belle exposition d’arts plastiques, notamment photographique, que Mircea Cantor et l’école de Cluj-Napoca organisent au Musée de la chasse de Paris autour des animaux sauvages (jusqu’au 31 mars). Enfin le festival Circulation(s) présentera un focus sur les jeunes photographes roumains, avant de partir chez eux présenter les jeunes Français.

 

Lecture, musiques et gastronomie. Des manifestations sur la lecture et la BD ont également lieu dans de nombreuses bibliothèques publiques, principalement à Paris. Proposées par l’Institut de culture roumain, elles mettront en lumière les auteurs contemporains Florina Ilis, Matei Visniec, Horia Ursu, Lucian Dan Teodorovici, Marta Petreu, T.O. Bobe… Le festival Quais du Polar de Lyon (28 au 31 mars) fera également une grande place aux écrivains roumains.

Le propre de cette saison est sans doute d’associer intimement des artistes des deux pays. « Dans le domaine des musiques actuelles par exemple, explique Jean-Jacques Garnier, certains opérateurs nous ont présenté des projets avec des plateaux de DJ croisés franco-roumains qui se produiront dans les deux pays. Notre volonté est qu’ils puissent travailler ensemble à l’avenir et, au-delà, contribuer à recréer une intimité franco-roumaine. »

Enfin la gastronomie n’est pas oubliée, grâce à une initiative des plus originales : une Grande carriole parcourt la France jusqu’en avril avec, à son bord, des chefs roumains. Diffusant l’histoire de la gastronomie roumaine et quelques-unes de ses recettes les plus fameuses, elle passe après Paris par la Cité des vins de Bordeaux (17 et 18 février), le Channel de Calais (27 au 30 mars), la Halle Tropisme de Montpellier (5 et 6 avril) et la Friche la Belle de Mai de Marseille (8 au 10 avril).

Le semestre français achevé, la Roumanie prendra le relais avec un programme invitant des artistes français, dont le commissaire est Andrei Ţărne. Sa saison sera inaugurée le 9 mai, à l’occasion du sommet européen et de la Journée de l’Europe dans les établissements scolaires français.

 

Saison culturelle France Roumanie. En France jusqu’au 9 mai, puis en Roumanie.

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