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Cie Paon dans le ciment : instants de vie, gestes du monde

par Véronique Giraud
Hune
Hune
Arts vivants Performance Publié le 02/05/2017
Tout juste sortis de l’ESAD (Ecole Supérieure d’art dramatique) de Paris, une dizaine d'acteurs fondent la compagnie Paon dans le ciment pour porter leurs spectacles dans l'espace public. Danseurs, mimes, acteurs, acrobates, musiciens, ils disent en gestes ce qu'ils voient du monde qui les entoure.

À sa sortie de son cursus mime et geste à l’ESAD (Ecole Supérieure d’art dramatique), Tom Verschueren rejoint 14 de ses camarades de promotion. Ensemble, ils fondent non pas une mais deux compagnies, pour porter deux spectacles capables de rassembler ce qu’ils aiment, danser, mimer, jouer, des mots et des instruments, inventer des acrobaties, et dire avec leurs corps ce que leur inspire le monde.

Le premier spectacle qui a propulsé devant le public les huit comédiens de la compagnie Paon dans la Ciment, Rosie, s’empare d’un sujet grave : la guerre. Il s'agit pour eux d'explorer « comment le quotidien se vit dans un pays en conflit », résume Tom. La guerre, les moins de 70 ans ne l’ont pas connue sur notre territoire. Alors quand on a 24 ans, où puiser les émotions et les gestes d’une telle situation ? « On a lu, on a regardé de nombreux reportages. Nous traitons cette idée à travers les médias qui évoquent continuellement les conflits du monde », ajoute le comédien. Ils n’ont pas cherché à inventer une situation qu’ils n’ont pas vécue, ou à reproduire ce qu’ils ne connaissent qu’à travers le prisme des médias. Ce qui a nourri leur créativité c’est le regard que les occidentaux portent sur la guerre, un point de vue très ambitieux tant ce regard oscille. Tour à tour voyeur, empli d’empathie, impuissant, blasé. Les guerres, qui scandent le quotidien des journaux et des télévisions, ont fait naître dans l’esprit de ces jeunes gens l’envie de cerner « comment on persiste à vivre au quotidien dans un monde chaotique ».

Le spectacle a été joué dans les théâtres, et dans un lycée désaffecté. C'est sans doute dans ce cadre qu'il a eu le plus fort écho. Jouer n’importe où, en extérieur comme à l’intérieur, c’est le credo de la compagnie. Autonome en lumière et en son, la compagnie n’a besoin que d’un générateur… et du public.

 

Dans l'escalier. Le second projet, baptisé La Hune, a été imaginé simultanément. Celui-là mobilise trois comédiens. Il est né du désir de créer une « forme corporelle » portée par la danse et le mouvement dans les escaliers. " L’idée est née en regardant ceux qui passent leurs journées assis dans les escaliers de leur cité. Un moment de vie passé dans les marches à ne rien faire, à discuter, ou à faire des projets. Un ennui qui peut mener à un tas de possibles », explique Tom. L’idée a pris forme avec l’observation attentive du mouvement de chacun, montant ou descendant les marches d’un escalier. « Comment les marches nous font bouger » précise le comédien. L’idée que « ces gens-là prennent le temps pour faire » enrichie de « la métaphore de l’escalier », au cœur de nombreuses expressions populaires, a fait son chemin jusqu’à La Hune, un spectacle dans l’escalier. Pour le mener à bien, Tom et ses amis ont puisé dans leur enfance passée dans la cité d’Oray en Normandie, une cité dortoir rebaptisée par les habitants « la dalle ». Une allusion au matériau avec lequel elle a été fabriquée, le béton, mais surtout l’expérimentation et la sensation de la circulation entre des bâtiments que relient entre eux de multiples escaliers. Autant d’espaces bâtis pour le passage, qui sous-tend une question : qui décide de s’y arrêter ? Tout cela a nourri une démarche artistique qui flirte vite avec le politique : réinvestir l’espace commun, public, le poétiser. C’est précisément ce qu’ils ont vécu en concevant leur spectacle.

 

L'escalier de répétitions. « Je n’aurais jamais imaginé que ce soit si compliqué d’occuper un escalier » s'étonne Tom. Une de leurs récentes expériences a été le 104. Leur gestuelle n’a pas beaucoup amusé les gardiens du centre culturel parisien, chargés eux de la sécurité. Les artistes ont dû négocier une dérogation pour pouvoir, sous bonne garde, s’exercer sur les marches. Finalement les gardiens se sont montrés bienveillants, ils ont même apprécié ce qu’ils voyaient et seront les premiers avertis de la première représentation. C’est comme ça qu’on forme un nouveau public !

Mais les va et vient incessants dans l’escalier ont rendu nécessaire davantage de liberté et surtout d’intimité. Les trois comédiens se sont alors mis en quête d’un "escalier de répétitions". Sans succès à Paris. C’est en Normandie qu’ils ont enfin trouvé une salle, grande et calme, où ils ont dû apprendre à construire leur escalier de répétition. « C’est un spectacle que nous voudrions faire dans d’autres lieux que les théâtres ». Non pas qu’ils n’aiment pas le théâtre, bien au contraire, mais l’espace public et la ville leur semblent propices pour partager plus simplement. Tom a une phrase jolie pour définir l’envie qui les taraude : « comment amener de la danse sans que ce ne soit que de la danse, que ça vienne de quelque chose de réel ».

 

Rosie, création de la compagnie Paon dans le ciment. 15 mars, Théâtre du Présent, Mont-Saint-Aignan / 5 avril, Université Rouen-Normandie, Mont-Saint-Aignan, extraits. 16 mai, Festival Poesia, Maison des Jeunes et des Associations, Val-de-Reuil.

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