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Art contemporain et objets du quotidien, liaisons intimes au MUCEM

par Pierre Magnetto
JM Basquiat Untitled sabots 1988 © JM Basquiat Artestar Cnap. © D Giancatarina
JM Basquiat Untitled sabots 1988 © JM Basquiat Artestar Cnap. © D Giancatarina
Urbain Olié. Chef d’œuvre de sabotier. Caylus, Tarn-et-Garonne. 1875-1900. Bois taillé, sculpté, verre, métal. Mucem. Achat en vente publique par préemption. 2023.31.1 © Mucem / Marianne Kuhn
Urbain Olié. Chef d’œuvre de sabotier. Caylus, Tarn-et-Garonne. 1875-1900. Bois taillé, sculpté, verre, métal. Mucem. Achat en vente publique par préemption. 2023.31.1 © Mucem / Marianne Kuhn
 Yvon à Notre Dame de la Garde, Marseille 1996. Donation Yvon Lambert à l'Etat Français Centre National des Arts Plastiques - Dépôt à la Collection Lambert en Avignon © Nan Goldin
Yvon à Notre Dame de la Garde, Marseille 1996. Donation Yvon Lambert à l'Etat Français Centre National des Arts Plastiques - Dépôt à la Collection Lambert en Avignon © Nan Goldin
La cabine de Nathalie Du Pasquier. © Laurent Leca
La cabine de Nathalie Du Pasquier. © Laurent Leca
Arts visuels Arts plastiques Publié le 16/04/2024
D’un côté, cinquante œuvres d’art contemporain puisées dans la Collection Lambert à Avignon. De l’autre, 150 objets du quotidien sortis des réserves du Mucem. Entre les deux, une mise en correspondance et en dialogue de deux univers qui étaient faits pour se rencontrer. L’exposition Passions Partagées est à voir jusqu’au 23 septembre au Mucem à Marseille.

Qu’y a-t-il de commun entre des objets utilitaires du quotidien et des œuvres d’art contemporain ? Eh bien c’est que parfois les uns et les autres entrent en correspondance, semblent dialoguer. Il arrive aussi que les premiers ont directement inspiré les deuxièmes. Tel est le propos de Passions partagées, la nouvelle exposition présentée au Mucem jusqu’au 23 septembre. Le visiteur est, dès les premiers pas, frappé par la ressemblance formelle entre Arme de jet, une sculpture évoquant les premières armes inventées pour envoyer des projectiles que Daniel Deleuze a réalisée en 1985, avec un piège camarguais à petit gibier de taille beaucoup plus modeste fabriqué aux alentours de 1860. Un peu plus loin c’est un vitrail de la chapelle Matisse à Vence, œuvre d’Andres Serrano datant de 2015, qui est mis en relation avec une collection d’instruments de musique traditionnels utilisés lors des carnavals, les cougourdons que le musicien et luthier vençois Yves Rousguisto a fabriqués avec des courges et des roseaux, et dont les formes se rapprochent des motifs du vitrail. Étonnante aussi, parmi les premiers objets exposés, une paire de sabots de bois portant des inscriptions au fusain de Jean-Michel Basquiat (1988), qui se trouve juxtaposée au Chef d’œuvre en bois sculpté du sabotier Urbain Ollié, datant du dernier quart du XIXe siècle, qui représente l'évolution de la fabrication d’un sabot par sept artisans. Sur la paire de sabots, Basquiat a inscrit Moby Dick, Titanic, And God Created Whales, faisant référence au roman de Melville, au naufrage du célèbre paquebot lors de son voyage inaugural, et au poème symphonique d’Alan Hovhaness. Ces mêmes sabots, Basquiat en fit cadeau en 1988 à son retour à Paris après un séjour en Hollande pour s’excuser d’avoir loupé un repas dominical auquel l’avait convié le galeriste, collectionneur et marchand d’art… Yvon Lambert.

 

La Collection Lambert rencontre les réserves du Mucem. Cette anecdote a son importance car l’exposition Passions partagées est précisément le fruit d’une rencontre entre l’art contemporain collectionné par Yvon Lambert et le fonds de la collection du Mucem dont la réserve est riche en objets d’arts populaires et du quotidien hérités de l’ancien Musée national des Arts et traditions populaires. « La réunion des deux collections résonnait comme un rendez-vous qu’on ne pouvait pas manquer » commente Pierre-Olivier Costa, le président du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

Né à Vence en 1936, Yvon Lambert a, dès l’ouverture en 1966 de sa première galerie rue de l’Échaudé à Paris consacrée à l’art moderne, commencé à acheter des œuvres et à constituer sa collection. Il achète à des artistes pour la plupart encore inconnus, mais son œil visionnaire détecte dans leurs travaux une patte aux avant-postes de la création. En 2012, le collectionneur a fait don à l’État de près de 600 œuvres issues de sa collection personnelle. Elles sont installées à l‘Hôtel de Caumont à Avignon qui en présentait déjà une partie au public en 2000. C’est donc dans la cité des papes que les deux commissaires de l’exposition, Marie-Charlotte Calafat, conservatrice en chef du patrimoine au Mucem, et Stéphane Ibars, directeur artistique de la Collection Lambert, sont allés dénicher 50 œuvres pour les mettre en écho avec 150 objets sortis des réserves du Mucem.

 

L’art contemporain au croisement des objets du quotidien De Daniel Buren à Miquel Barcelò, d’Andres Serrano à Christian Marclay, en passant par Robert Combas, Sol Lewitt, Nan Goldin, Cy Twombly, Kiki Smith, Christian Boltanski, Louise Lawler et bien d‘autres, les œuvres témoignent aussi de la grande diversité des courants de l’art contemporain. L’exposition est organisée autour de 5 pôles. L’éclat méditerranéen. Une odyssée culturelle provençale, qui illustre l’attachement d’Yvon Lambert à la culture méditerranéenne qui l’a bercé dès sa naissance. Populaire et quotidien. La beauté des choses simples s’attache à montrer « la prise en compte de l’art populaire par l’histoire de l’art et les artistes contemporains ». Traces, lignes, formes. Habiter l’espace interroge « l’évolution des pratiques artistiques traditionnelles vers de nouvelles formes d’expression ». Mythe et littérature. De la poésie, toujours témoigne de la façon dont « l’esprit bibliographique d’Yvon Lambert se manifeste par son goût pour les artistes qui explorent les mythes, les fables, la littérature ». Enfin, Au-delà de cette limite… Beau, sacré, fragile, terrifiant, conclut le parcours sur une note évoquant « la fragilité de l’existence comme un leitmotiv puissant de la création artistique ».

 

Un parcours poétique d’inspiration olfactive Tout au long de cette traversée, le visiteur est guidé par des cartels dont la rédaction toute en poésie aborde l’exposition sous l’angle des sens et de la sensibilité. Avant de les écrire, l’autrice Ryoko Sekiguchi a laissé filer son imaginaire en puisant dans son sens olfactif, allant jusqu’à sentir les objets. « Ce musée, le Mucem, a ses odeurs bien à lui. Chaque salle dégage son parfum propre ; tantôt boisé, tantôt cuivré, parfois comme de la peinture fraiche ou de la résine », décrit-elle. On notera aussi le travail de Nathalie Du Pasquier, peintre et designer, qui a conçu une cabine servant d’écrin aux objets du Mucem qui abordent le thème des croyances et des religions en Provence. Juste avant la sortie et face à un mur recouvert d’ex-voto, sont reprises 12 affiches qu’elle a réalisées, représentant les 12 mois du calendrier révolutionnaire de Fabre d’Églantine. Cette série a été présentée en janvier dans le cadre d’une exposition organisée à la librairie d’Yvon Lambert à Paris.

 

Passions partagées. De Basquiat à Édith Piaf, la collection Lambert au Mucem. Jusqu'au 23 septembre.

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