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Mot de passe oublié ?Café Müller, la pièce fit l’ouverture du 49e Festival d’Avignon dans la cour d’honneur du Palais des Papes. Pina Bausch l’interprétait, c’était d’ailleurs l’unique pièce où elle se produisait sur scène. Les yeux fermés, son corps longiligne vêtu d’une combinaison blanche, elle avançait, ses pieds nus qui avancent avec précaution, ses longs bras tendus devant elle… Pina Bausch n’est plus, mais Café Muller est devenu la pièce emblématique de sa compagnie, le Tanztheater Wuppertal. Boris Charmatz, qui la dirige depuis 2022 et y développe un nouveau projet entre l’Allemagne et la France, a été associé par Tiago Rodrigues à cette édition.
C’est à la Fabrica, à l’origine imaginée comme lieu de répétition et de résidence d’artistes, que Boris Charmatz donne rendez-vous. L’immensité nue et noire du lieu sied bien à celle l’ancienne salle de cinéma dont Pina Bausch avait fait son lieu de travail. Son impression que la pièce n’a ni début ni fin a inspiré au chorégraphe un enchainement de plusieurs versions de Café Muller, séparés par des intermèdes parlés et musicaux, pendant sept heures. Sous le beau titre de Forever, c’est Pina Bausch qui est célébrée avec une pièce qui ne cesse de renaître avec les corps de nouveaux interprètes. Le spectateur peut assister à une, deux, ou trois représentations, choisir de se positionner au plus près et à hauteur des danseurs, ou de prendre de la hauteur en mezzanine, arpentant les coursives ou assis sur les gradins. Autant de points de vue, autant de sensations renouvelées par les changements de distributions. Certains danseurs et danseuses ont une longue expérience avec Pina Bausch, comme Nazareth Panadero ou Jean Laurent Sasportes, présents spécialement. Les représentations successives sont pensées comme autant de variations autour de l’œuvre.
Version studio. En arrivant, le spectacle a commencé. Dans le silence ou baigné par la musique opératique de Purcell, se font entendre le bruit des tables et des chaises que l’on fait tomber, des talons qui crépitent sur le parquet, le poids de corps violemment jetés contre un mur ou contre un autre corps. Le désespoir, l’incommunicabilité, la violence font l’objet d’une chorégraphie singulière et marquante. Pour ce long trajet dans la création de Pina Bausch conçu pour le Festival d’Avignon, Boris Charmatz s’est appuyé sur « une version jouée sans décors. Je suis parti de cette version nue, ne conservant que les tables et les chaises. J’imagine en quelques sorte une version studio ». La succession des versions, les changements de distribution, le port ou non les costumes originaux, les corps jeunes, les corps âgés, les intentions de gestes offrent autant de perceptions d’une même œuvre.
C’est une expérience rare qu'a offert Forever et le Festival d’Avignon. Non pas sept heures de spectacle, mais un moment privilégié qui a fait toucher l’essence même de l'interprétation et, par-delà la création originelle d'une artiste hors normes, l'éternelle singularité des corps.
Forever, conception Boris Charmatz. Collaboration artistique Magali Caillet Gajan. Lumière Yves Godin. Vestiaire de travail Florence Samain. Direction des répétitions de Café Müller Barbara Kaufmann, Helène Pikon.
Café Müller est une pièce de Pina Bausch créée en 1978. Mise en scène et chorégraphie Pina Bausch. Scénographie et costumes Rolf Borzik Musique Henry Purcell.
Avec l'Ensemble du Tanztheater Wuppertal, les invitées et invités : Dean Biosca, Naomi Brito, Emily Castelli, Boris Charmatz, Maria Giovanna Delle Donne, Taylor Drury, Cagdas Ermis, Julien Ferranti, Letizia Galloni, Scott Jennings, Simon Le Borgne, Reginald Lefebvre, Alexander Lopez Guerra, Nicholas Losada, Blanca Noguerol Ramirez, Milan Nowoitnick Kampfer, Nazareth Panadero, Helene Pikon, Jean Laurent Sasportes, Azusa Seyama-Prioville, Michael Strecker, Christopher Tandy, Tsai-Wei Tien, Frank Willens, Tsai-Chin Yu.