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Mot de passe oublié ?Sur scène, trois marches. Sur l’une d’elles, un fauteuil coincé entre deux piles de livres. Au fond, un mur de cordes et de poulies. Le comédien entre en scène et prend place sur son trône. C’est ainsi que débute Història d’un Senglar (o alguna cosa de Ricard), ou Histoire d’un sanglier (ou un peu de Richard). Joan Carreras a le rôle de Joan, un comédien qui a eu la chance d’être choisi pour incarner Richard III dans la pièce éponyme de Shakespeare. Il est venu partager avec les spectateurs l’envers du décor, avec un metteur en scène qui se prend un peu trop au sérieux, des acteurs qui se pensent supérieurs et des actrices qui regardent tout le monde de haut, le tout dans un monologue d’1h10 dit en catalan, à l’exception de certains monologues de Richard III en espagnol. Plein d’humour et d’inattendus, le texte et son merveilleux interprète n’ont pas manqué de charmer le public du Festival d’Avignon, qui lui a réservé une standing ovation.
Des personnages féminins portés en triomphe. Les monologues en question sont ceux des personnages féminins de la pièce. Commençant par la reine Marguerite, puis Lady Anne, et enfin la mère de Richard III. En mettant en avant ces monologues, le metteur en scène et dramaturge uruguayen Gabriel Calderòn à la fois porte en triomphe les personnages de Shakespeare, et met à mal l’idée que ces textes mettent les femmes en avant. « Elles ont ouvert les jambes pour qu’y naisse un troisième genre : celui de l’égalité. » C’est ce que proclame le comédien au début du spectacle.
Joan Carreras déploie alors toute l’étendue de son jeu d’acteur, tandis que son personnage fait peu à peu un avec Richard III, changeant de physicalité pour chaque monologue de femmes. C’est donc dos au public, alors qu’il se maquille dans le miroir, qu’il récite rapidement le texte du roi avant de se retourner vers son audience et de jouer avec passion le monologue de Lady Jane. Plus tard, au moment de déclamer le monologue de la mère de Richard à son fils avec une posture toute autre, il demande « vous voulez savoir ce que Shakespeare pensait des femmes ? »
Le théâtre en questions. Gabriel Calderòn se sert également de sa pièce pour dénoncer l’audace de certains metteurs en scène qui interprètent le texte en clamant que c’est ce que Shakespeare aurait voulu, en faisant dire à son personnage d’arrêter d’utiliser le nom de l’auteur ainsi et « mets-y plutôt du tien ». Lors des disputes entre le metteur en scène fictif et l’acteur, ce dernier raille ces surinterprétations grotesques, demandant « C’était ton pote ? Tu as lu son journal intime ? ». Au fur et à mesure que cette production de Richard III tombe en ruine, l’acteur reprend le rôle du metteur en scène, déclarant que si Shakespeare a continué de faire du théâtre malgré les incendies, les maladies, et la peste qui a fermé tous les théâtres pendant deux années, eux aussi surmonteront cette crise. Cette partie ne va pas sans rappeler la pandémie de COVID, époque durant laquelle les performeurs se sont vus coupés de leur art. La situation précaire de cette production fictive inspire également des moments de mésentente entre le régisseur qui lance des musiques à tout moment et n’écoute pas les instructions du comédien pour l’éclairage de la scène.
Le spectacle s’achève avec le comédien qui ne renonce pas à monter cette pièce, pour laquelle il n’aura besoin que d’un acteur, il suffit d’un acteur intelligent, et d’un public, il suffit d’un seul spectateur intelligent. « Mon royaume pour un spectateur intelligent », conclut-il.
HISTORIA D UN SENGLAR (O ALGUNA COSA DE RICARD)
Festival d Avignon
Texte et mise en scene Gabriel Calderon
Traduction Joan Sellent Traduction pour le surtitrage Laurent Gallardo (francais) Scenographie Laura Clos Lumiere Ganecha
Avec