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Mot de passe oublié ?Caroline Guiela Nguyen aime les histoires tragiques. Avec Saïgon, elle mettait en scène les drames de l’exil. Avec Lacrima, qu'elle a écrit seule, elle explore les dessous des ateliers de couture en mettant au centre, le destin d’une femme, Marion, responsable d’une prestigieuse maison de haute couture, et dans son sillage Thérèse, dentellière à Alençon, et Abdul, maître brodeur à Mumbai.
Tout ne va pas si bien dans ce monde de beauté et de talents. Le silence et le calme plane dans l’atelier de la maison de haute-couture où trône une magnifique robe de mariée. La journée de travail est achevée, Marion est seule. Après bien des hésitations, elle se décide à téléphoner à son médecin qui, comprenant qu’elle est en train de se suicider, appelle les secours.
L’agitation des ateliers qui font face à une commande exceptionnelle mobilisant pendant des mois une trentaine d'artisans s’oppose au terrible mutisme de Marion, Thérèse, Abdul, qui ne cessent de remettre à plus tard, ou à jamais, la conscience de leur malheur. Le harcèlement familial de Marion tire les larmes, tout comme la trajectoire de la dentellière Thérèse, qui oppose son silence aux demandes de sa fille de l’aider à connaître l’origine génétique de la maladie de sa propre fille, enfin celle du brodeur Abdul, qui perd peu à peu la vue.
Hommage à un artisanat d’art et d’exception. De la dentelle d’Alençon et de la broderie indienne, on apprend beaucoup. Les deux univers, que la metteure en scène a découverts lors de voyages préparatoires, sont décrits par le menu. Le savoir-faire dentellier est exposé par le biais d’une émission de radio locale où dentellière et couturière sont interviewées. Le savoir-faire de Mumbai, transmis aux seuls hommes, est éclairé par le biais de scènes filmées dans un fictif atelier indien. Le réel apparaît sur écran avec des vidéos filmant en gros plan le va et vient des doigts experts de l’artisan.
La pièce rend un vibrant hommage à un artisanat d’art et d’exception, dont le point d’orgue est un voile de mariée précieusement conservé à Alençon. Apposant aux données documentaires sa dramaturgie, Caroline Guiela Nguyen nous transporte dans l’atelier familial de haute couture à Paris qui a reçu la commande exceptionnelle d’une robe de mariée princière. Suivent les entretiens en visio de Marion avec le styliste anglais, la princesse y participe avec ses désirs fous. Marion se tient informée de l’avancement des travaux sur le voile, entre réfection dans les ateliers d’Alençon et ajout de milliers de perles à Mumbai. Avec ces aller retours on mesure l’abime qui sépare les conditions de travail d’un pays à l’autre, et la place du corps et du mental de l’artisan dans les deux sociétés. Au centre, Marion, qui a la charge de mener à bien la commande hors normes du styliste anglais, lui-même pressé par les exigences princières de la future mariée.
De son côté, Marion est écartelée entre les pleurs de sa fille adolescente, le harcèlement pesant de son mari avec lequel elle travaille et l’indifférence de sa belle-mère, avant tout mère de son mari. Caroline Guiela Nguyen appuie très longtemps là où ça fait très mal, le calvaire de Marion, les pleurs de la jeune fille en manque de présence maternelle, la persécution outrancière du mari, le corps courbé d’Abdul qui va bientôt perdre la vue et son travail… à chaque personnage sa douleur.
Lacrima, Texte et mise en scène Caroline Guiela Nguyen. Traduction Nadia Bourgeois, Carl Holland, Rajarajeswari Parisot (tamoul, anglais, langue des signes francais). Avec Dan Artus, Dinah Bellity, Natasha Cashman, Charles Vinoth Irudhayaraj, Anaele Jan Kerguistel, Maud Le Grevellec, Liliane Lipau, Nanii, Rajarajeswari Parisot, Vasanth Selvam et en video Louise Marcia Blevins, Nadia Bourgeois, Kathy Packianathan, Charles Schera, Fleur Sulmont Et les voix de Louise Marcia Blevins, Myriam Divin.
Du 1er au 11 juillet à 17h, gymnase du lycée Aubanel, pour le Festival d'Avignon.