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Mot de passe oublié ?Une petite maison de parpaing au bord d’un sentier de terre éclairé par un unique poteau électrique. Une femme s’en va poser sa poubelle de plastique dans ce coin désert, des chiens aboient. Plus tard un jeune homme vient changer la couche de sa grand-mère et lui donner à manger. Tout se fait en silence, il n’y a ni dialogue ni texte dans Mami. Son auteur, Mario Banushi, est grec, sa famille a migré d’Albanie. Il rappelle que la pièce n’a pour objet ni sa mère, ni sa grand-mère, ni sa belle-mère qui l’ont successivement élevé. Mais elle est bien un hommage aux mères, ou plutôt à une mère tour à tour jeune mariée, parturiente, cheffe de famille, et femme vieillissante et dépendante. La pièce est rythmée par ces différents moments de vie, avec une place particulière pour les cérémonies, baptême, mariage, accouchement, funérailles. L’hommage est poétique, tout en images touchantes, poignantes même, qui en appellent à l’émotion plus qu’à la compréhension. Comme si un adulte revenu dans les lieux où il vivait enfant, revoyait des scènes pas vraiment oubliées, jamais totalement réalistes, enveloppées d’une puissance mythique qui emprunte à toute l’humanité.
Le livre de notre vie sensible. Bien que jeune, il n’a que 26 ans, Mario Banushi dit construire sur scène le livre de notre vie, de notre vie sensible, celle qui imprègne et se tait, n’ayant pas de mots pour écrire l’image gravée quelque part dans le cerveau, une image personnelle, pas forcément fidèle, toujours reconstruite qui, mise bout àbout avec d’autres images constitue tout de même un cheminement cohérent de la pensée dialoguant pour une fois avec la sensibilité. Avec comme un retour aux origines que marque, sur scène, la nudité des acteurs et actrices. L’homme n’est pas absent, il connaît ses premières amours en partageant des quartiers d’orange avec une jeune fille qu’il abandonne désespérée. Puis c’est la révélation de l’homosexualité, toujours en images poétiques autour de cette petite maison qui se transforme et du corps à corps sous la lumière blafarde d’une pleine lune ou d’un soleil couchant.
Un langage théâtral inédit. Dessinateur, Banushi prépare avec le crayon les tableaux qui se suivent, en discute avec les comédiennes et comédiens qu’il choisit venus d’horizons divers, porteurs de leur propre histoire. C’est un langage théâtral inédit qui s’élabore ainsi, l’absence de dialogue, la musique lancinante de Jeph Vanger, une précision singulière des décors. Et des lumières diffuses, au fond d’une impasse, aux carreaux d’une fenêtre étroite, ou soudain percées par le phare puissant d’une mobylette, premier instrument de liberté pour la jeune femme qui la conduit. Cette écriture subtile entraine le public dans un autre monde, si lointain et si proche, celui que nous portons tous en nous mais que nous avons si souvent pris soin d’oublier.
Mami de Mario Banushi. Création festival d’Avignon 2025. Avec Vasiliki Driva, Dimitris Lagos, Eftychia Stefanou, Angeliki Stellatou, Fotis Stratigos, Panagiota Υiagli. Scenographie et costumes : Sotiris Melanos. Lumiere et dramaturge associé : Stephanos Droussiotis. Puis au festival de Barcelone (juillet), de Groningen (août), d’Helsinki (octobre. À l’Odéon de Paris du 9 au 16 avril et à Madrid les 24 et 25 avril 2026.