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Mot de passe oublié ?Il occupe le grand fauteuil blanc, assis, immobile, vêtu d’un costume blanc, le visage tourné vers le ciel, la bouche grande ouverte. Un peu en retrait de cet étrange arrêt sur image, une jeune femme au regard inquiet ne sait que faire de ses mains, de son corps, ne sait où regarder. Elle enchaine rapidement les postures, ses gestes sont saccadés, elle ajuste sa coiffure, vérifie la fermeture de son chemiser, plie son corps, replie son bras, prend la pose, reprend la pose, bouge sans cesse alors qu’elle semble attendre l’homme assis. Ce dernier reprend vie et parole, s’adresse, sans la regarder, à celle dont on comprend qu’elle postule pour un emploi et doit prouver qu’elle est la bonne personne. S’ensuit ce qu’on hésite à nommer dialogue entre ces deux êtres, l’un tentant de guider l’autre avec des paroles et des gestes sans cesse court-circuités. De sa voix fluette, la postulante décrit ses nombreux diplômes, manifeste sa bonne volonté excessive, son envie d’accéder à la demande. L’employeur lui donne des indications absconses, il attend « des preuves, des résultats », elle tente de répondre aux attentes confuses de son interlocuteur, se trompe souvent, mais est rattrapée par un « on recommence » encourageant. Pendant cinquante minutes, le public assiste, médusé, à un échange dont la structure n’a rien de révolutionnaire : un homme et une femme, lui employeur, elle à la recherche d’un poste. Non, ce qui fascine et déclenche les rires c’est le langage de leurs corps, leurs phrases et leurs gestes interrompus, comme syncopés par un dysfonctionnement mécanique. Créant un univers absurde où l’on se comprend à peine, mais où les efforts pour y parvenir tiennent du prodige.
À la fois danseurs et comédiens, Armande Sanseverino et Gaël Germain ont collaboré jusqu'à développer un théâtre chorégraphié du bug. Il en résulte que les phrases abouties n’engagent pas au dialogue alors que celles juste amorcées sont parfaitement comprises par l’interlocuteur. Leur gestuelle saccadée et leurs paroles insensées mettent en marche une mécanique risible, mais inquiétante. L’origine de leur interprétation robotisée n’est-elle pas en cours quelque part en Californie ?
En pièce jointe, conception, mise en scène, chorégraphie, interprétation : Armande Sanseverino et Gaël Germain Jusqu’au 21 juillet, à 15h35, jours impairs, au Théâtre du Train Bleu.