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Avignon, un choeur pour l’Ukraine dans la Cour d’honneur

par Jacques Moulins
"Mothers, A Song for Wartime" de Marta Gornicka dans la Cour d'honneur. © Raynaud de Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 10/07/2024
Utilisant la puissance de la forme chorale, la Polonaise Marta Gornicka donne voix, par vingt femmes et une enfant, aux cris des mères en temps de guerre et aux horreurs de la guerre en Ukraine. Le public a ovationné Mothers, A Song for Wartime.

Jamais le public n’a fait une telle ovation, debout, à un spectacle de la Cour d’honneur. C’est un chœur exceptionnel, composé de vingt femmes de plusieurs générations et d’une enfant, qui a enflammé les spectateurs, vingt mères qui ont chanté et dit leur Chant pour temps de guerre, celle d’Ukraine et, par cruelle extension, toutes celles que l’humanité est capable d’inventer.

Programmé l’an dernier, le spectacle s’était réduit à une lecture de son auteure, la Polonaise Marta Gornicka, les artistes ukrainiennes, biélorusses et polonaises n’ayant pu se déplacer en raison de complications dues à la guerre. Ceux et celles qui avaient assisté à la lecture de Mothers, A Song for Wartime attendaient avec impatience la pièce, reprogrammée avec obstination par le festival. Gageons qu’ils n’ont pas été déçus.

Construite en quatre tableaux, la représentation alterne les chants traditionnels composés pour l’arrivée du printemps et les phrases de rage contre la guerre, les témoignages de vie contées par les comédiennes et l’appel à réagir. Un appel qui vise directement l’Europe et des Européens si souvent frappés par la guerre, si longtemps gagnés par la paix, qu’ils ont du mal à regarder ce qui se passe à leurs frontières.

 

La forme chorale contre le silence. Pour faire entendre ces voix de femmes, dire les destins individuels empêchés, appeler les choses par leur nom et désigner les responsabilités sans ces machiavélismes dans lesquels nos société parfois se perdent, la forme chorale apparaît comme un instrument esthétique des plus performants. Marta Gornicka, diplômée à la fois de l’Académie de théâtre et du Conservatoire de musique de Varsovie, s’y intéresse depuis des années. À cette fin, elle a créé en 2019 le Political Voice Institute au Maxim Gorki Theater de Berlin où elle travaille à la fois sur le corps, la voix et le langage. Convaincue qu’aucune force ne peut réduire le chant traditionnel au silence, elle recherche en permanence à l’actualiser. L’intensification de la guerre en Ukraine en 2022 a frappé directement son travail qui a alors abouti sur cette pièce unique pour vingt-et-une comédiennes et chanteuses de talents.

 

Les violences faites aux femmes. Les voix dénoncent d’abord les violences faites aux femmes, le viol comme arme utilisée consciemment par l’armée russe qui détruit par-delà le temps de guerre car le crime demeure dans le corps de la victime. Puis le chœur, allant crescendo dans les aigus, assènent des phrases politiques simples sur la résistance, les blessures, l’amour. Ces voix de femmes, renouant avec d’antiques traditions, la tragédie grecque notamment « le lieu, dit Marta Gornicka, où sont discutés les sujets qui concernent citoyens et citoyennes, les sujets relatifs à l’État ». La puissance du chœur, qu’aucun instrument de musique n’a besoin de soutenir, l’espace que le plateau de la cour donne à ses mouvements et le texte urgemment contemporain et rattaché en même temps au folklore ukrainien font théâtre. Un théâtre qui a raisonné fortement dans le cœur du public.

 

Mothers A Song for Wartime de Marta Gornicka. Festival d’Avignon, Cour d’honneur du 9 au 11 juillet. Le spectacle part en tournée en Europe et, en octobre à Bordeaux, Paris et au Festival Sens interdits de Lyon.

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