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Mot de passe oublié ?La violence est toujours constatée, revendiquée ou dénoncée, au XXIe siècle. Les violences faites aux femmes, la violence politique, la violence sociale, la violence faite à la terre… imposent leur cruauté et interrogent des schémas qu'on voudrait être dépassés. S'inscrivant dans les lois qui sont censées en préserver, la violence était institutionnalisée dans les siècles qui nous ont précédés. À Londres, au XVIe siècle, les tortures infligées aux accusées et accusés s'exerçaient dans la rue. Au début de la pièce, il est rappelé que « Les femmes sont brûlées sur les places, des exécutions publiques ont lieu. C'étaient de grandes fêtes qui réunissaient beaucoup de gens dans les rues et Shakespeare devait utiliser le sexe et la violence, entre autres choses, pour attirer le public dans son théâtre. » ainsi débute la pièce. Au diapason de son époque, les tragédies de Shakespeare ne cachent rien de cette violence, au contraire lui et les poètes élisabéthains la mettent sur scène.
Confrontation des corps et des esprits. C'est cette expression de la violence sexuelle, de la vengeance, du suicide… qui a intéressé Jan Lauwers pour l’infuser dans l’esprit de son ensemble Needcompany. Mise en jeu, en musique et en danse, elle traverse dix des tragédies du génial dramaturge. Pour ce nouveau défi, Victor Lauwers, fils du metteur en scène, a pris en charge la réécriture des pièces de Shakespeare. S'éloignant du texte originel, il compose des dialogues allusifs, donnés en français, en anglais, en espagnol, en flamand. Ce travail performatif est la marque de fabrique de la Needcompany. Le spectaculaire se joue des chronologies sans lésiner sur la confrontation des corps et des esprits. Les dix scènes composent de véritables tableaux de chair, qui renouvellent un sens dramatique résonnant très fort avec la violence contemporaine.
Le public secoué. À la sortie du spectacle, le public était secoué. Rien d'étonnant si on se réfère à l'expérience scientifique étonnante menée en 2017 par la Royal Shakespeare Company pour déterminer si, 400 ans plus tard, une pièce du dramaturge pouvait encore choquer le public d'aujourd'hui, sevré d'images, de séries et de films violents. Titus Andronicus, la pièce la plus sanglante du répertoire du poète, a été représentée à Stratford-upon-Avon, sa ville natale. Outre l’enregistrement par bracelets connectés du rythme cardiaque des spectateurs cobayes et un entretien à la sortie du spectacle où étaient analysés leurs mots et l’intonation de leur voix, la plupart des spectateurs témoignaient d'émotions au théâtre plus fortes que devant un écran. Dans une des scènes, Lavinia, la fille de Titus, baigne dans son sang après avoir été violée et qu'on lui ait coupé les mains et la langue. Selon la Royal Shakespeare Company, la violence était telle que régulièrement des spectateurs s'évanouissaient ou étaient pris de nausées.
Elle se situe ailleurs dans le propos de la Needcompany. Avec Billy's Violence, elle devient moteur d'une énergie et d'une dramaturgie expressionniste de corps virtuoses.
Billy's Violence, Jan Lauwers / Needcompany. Le 23 janvier à 20h30 à la Maison de la culture d'Amiens, dans le cadre du Festival Amiens Europe 2023 / Feminist Futures.
En tournée : Anvers — Toneelhuis, du 17 au 19 mars. Arhus-ILT Festival, le 14 juin.