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Mot de passe oublié ?Vous avez été nommée à la direction du TNS, à la fois théâtre et école. Que représente ce lieu pour vous ?
Il représente beaucoup. J’étais élève de l’école du TNS. Ce qui est très beau c’est que c’est une école dans un théâtre. C’est un lieu inscrit dans une ambition théâtre très forte et dans la formation.
Quel projet vous a-t-il inspiré ?
Continuer le travail fait par mon prédécesseur Stanislas Nordey en matière de diversité dans l’école, et l’élargir aux sections mise en scène, scénographie, dramaturgie, et que le TNS continue à être un lieu de création. Une autre chose me tient très à cœur, c’est de voir comment le théâtre peut se penser dans un même mouvement avec la question cinématographique et audiovisuelle. Il y a aussi le rapport au public et la pratique amateur, qui fonde mon travail, comme celui de beaucoup d’artistes actuellement. J’ai envie que cette maison devienne une maison qui accueille et pense ces pratiques.
Vos spectacles associent professionnels et amateurs, comment résonne en vous cette pratique ?
C’est très simple. Quand j’ai voulu faire Saïgon, un spectacle que j’ai créé en 2017, il me fallait sur le plateau des comédiens qui parlent le français et le vietnamien. Or je n’en trouvais que très peu, en tout cas pas assez pour une distribution qui me convenait. Je me suis dit que quoiqu’il en coûte j’aurai des personnes qui parlent les deux langues. J’ai donc été obligée d’aller chercher des Français d’origine vietnamienne là où ils étaient. Apparemment pas sur les plateaux de théâtre.
En quoi consiste votre projet de Grand festival scolaire ?
C’est quelque chose qui pourrait être vieux comme le monde, en même temps j’ai très envie de lui donner la dimension d’un théâtre national. La plupart des personnes rencontrent le théâtre par leurs professeurs à l’école, j’ai envie de valoriser ça. Et de permettre à de grands artistes de travailler avec de formidables professeurs, de français ou d’art, et avec des jeunes, afin de créer une rencontre artistique. Je ne parle pas d’un projet d’action socio-culturelle, mais d’une ambition artistique, d’un processus de création.
Pour aller plus loin que ce qui se fait ?
Non, je ne dirais pas ça. Je pars juste de mon endroit d’artiste. Je suis convaincue que l’art peut apprendre fortement de tous les publics qui ne sont pas encore présents sur nos plateaux et dans nos salles. Les jeunes sont parfois présents parce qu’on les amène pour voir un spectacle, mais, sur les plateaux, quelque chose peut se rencontrer.
Vous souhaitez également associer le TNS avec la chaîne européenne Arte dont le siège est à Strasbourg…
Avec ARTE nous pensons la question de la formation. Nous sommes en train de construire cette réflexion au niveau de l’école et du théâtre.
Le renouvellement des publics du théâtre peine à se faire. Quelles mesures allez-vous prendre ?
Je pense qu’avec le Festival scolaire, les parents vont venir voir leur enfant jouer. Par ailleurs je travaille en ce moment sur un projet qui s’appelle Lacrima. Il va concerner énormément d’ouvrières du textile, nous allons travailler avec une dizaine de femmes qui sont couturières et n’ont jamais mis les pieds au théâtre. Elles seront sur un plateau.
En temps qu’artistes nous pouvons être responsables d’ouvrir nos plateaux. Les scolaires, la pratique amateur, l’accueil dans les écoles des jeunes de milieux sociaux et culturels très différents, tout cela va dans le même sens. C’est un projet sur l’immédiat et sur le long terme. En ce sens c’est une chance d’avoir une école au cœur du TNS, la question peut se traiter très en amont.
Votre pratique théâtrale rend visibles des récits intimes pour mettre des pans de l’Histoire sur un plateau. Quel pan de l’histoire vous inspire aujourd’hui ?
Après Saïgon, qui se situait dans un passé historique, j’ai fait Fraternité qui se passait dans un futur lointain, loin de la question historique. Ce qui m’intéresse ce n’est pas la question documentaire, qui est très présente dans le spectacle. J’adore le théâtre documentaire, mais ce n’est pas du tout ce que je fais. Moi j’invente des histoires, c’est ma passion. Je crée des récits qui peuvent être autant pendant la colonisation du Vietnam qu’en l’an 2052 alors qu’une éclipse a fait disparaître la moitié de l’humanité. J’aime penser la question du récit, et quelle responsabilité on a en racontant des histoires, ça me passionne.
D’abord étudiante en sociologie, Caroline Guiela Nguyen intègre l’école du Théâtre National de Strasbourg. En 2009, elle fonde la compagnie les Hommes Approximatifs. Elle a écrit et mis en scène Saïgon et Fraternité, deux pièces actuellement en tournée en France. Une troisième, Mon grand amour, se joue à la Schaubühne de Berlin où elle est artiste associée. Son livre, Un théâtre cardiaque, est paru en janvier, et elle prépare Lacrima, sa prochaine création.