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Céret, une belle histoire de l’art moderne

par Véronique Giraud
Arts visuels Arts plastiques Publié le 13/03/2022
Ayant accueilli les grands artistes du XXe siècle, de Picasso à Chagall, la cité catalane a agrandi et rénové son musée, qui rouvre avec des œuvres récentes de Jaume Plensa jusqu’au 6 juin.

Céret a des allures de tranquille cité catalane. S'y élèvent encore les deux tours qui encadraient la porte de France et, de chaque côté, quelques vestiges des remparts construits sous le royaume de Majorque. Au sud, la porte d’Espagne s’ouvre en direction du voisin frontalier. Céret est sans doute très proche de la ville que connurent les artistes d’avant-garde qui y séjournèrent ou y trouvèrent refuge entre 1911 et 1940. Picasso y fit trois séjours, l’été 1911 pour retrouver son ami Manolo et le peintre Franck Burty Haviland, puis les étés 1912 et 1913, qui marquèrent pour toujours l’histoire de Céret. Braque vint le rejoindre en août 1911 et ensemble ils poursuivirent leurs recherches sur le cubisme. Max Jacob répondit à l’invitation de Picasso en 1913 et, après la première guerre mondiale, les artistes de Montparnasse vinrent à Céret dans leur sillage, pour des séjours plus ou moins longs. Les paysages inspirèrent à Soutine, entre 1919 et 1922, plus de deux cents tableaux. En 1928/29, Chagall s’installe pour quelques mois dans un mas aux alentours. André Masson, Maurice Loutreuil, Auguste Herbin, Juan Gris viennent ou reviennent à Céret. Le peintre Pierre Brune, arrivé en 1916, accueille les artistes dans sa maison/atelier surplombant la ville, Le Castellas. Plus tard, fuyant les événements tragiques de la Seconde Guerre mondiale, viendront Raoul Dufy, Jean Cocteau, Jean Dubuffet, Albert Marquet...

 

La naissance d’un musée. Pierre Brune et Franck Burty Haviland réussirent à convaincre le maire de créer un musée pour abriter leur collection de ces artistes d’avant-garde dont ils firent don à la ville. Ce fut chose faite en 1950. Picasso et Matisse ont fait don de pièces exceptionnelles, dont une série unique de 28 coupelles en céramique sur le thème de la corrida pour Picasso et 14 dessins réalisés lors de son séjour dans le port de Collioure en 1905 pour Matisse. C’est durant l’été 1953, alors que Picasso séjourne à Perpignan chez le Comte de Lazerme et vient à plusieurs reprises à Céret avec ses enfants, que l’artiste apporte et offre au musée les coupelles tauromachiques qu’il réalisa en six jours à l’atelier de Vallauris. Dans la salle où elles sont exposées, un film montre Picasso innover et bouleverser les traditions par ses audaces, défiant toutes les lois de la cuisson de l’argile, sous le regard ébahi des ouvriers potiers de Vallauris. Il y réalisera plus de 4 000 pièces, dont de magnifiques oiseaux exposés à Céret.

Dans les années 60, le musée accueillit Dali, Miro, Ben, Claude Viallat. Entre performances et expositions, le musée acquiert une belle réputation et, en 1993, il fut décidé de l’agrandir pour raconter cette histoire, et mettre en valeur des œuvres de grande qualité, la plupart données par les artistes eux-mêmes ou leur famille. Après trente ans d’existence, le musée d’art moderne se refait une beauté et, surtout, s’agrandit. Il a rouvert le 5 mars après deux ans de travaux et la refonte complète du parcours des œuvres de sa collection qui traversent l’ensemble du XXe siècle. Au deuxième étage, l'histoire continue avec les artistes, emblématiques et moins connus, qui participèrent au mouvement Supports-Surfaces, dont Claude Viallat, Alain Clément, Vincent Bioulès, proches du musée.

 

Chaque visage est un lieu. Accompagnant l’événement de la réouverture, c’est à Jaume Plensa que le musée a proposé d’investir sa salle d’exposition temporaire, aménagée dans la nouvelle aile du bâtiment. L’artiste catalan est davantage habitué aux grandes espaces, à l’espace public. L’exposition Chaque visage est un lieu rend pourtant un bel hommage à sa démarche singulière, avec des œuvres réalisées entre 2019 et 2021, dont certaines n’ont jamais été montrées. Ses gigantesques portraits, faits de fin grillage ou de pièces d’acier soudées entre elles, jouent avec la perspective grâce à leur quasi transparence. D’autre sont faits de matériaux pleins mais, pour appréhender l’entièreté des visages saisis dans l’acier, le spectateur doit contourner les deux profils et faire sa propre idée du portrait composé. Les yeux sont clos, parfois un doigt est posé sur la bouche. Plusieurs grands dessins originaux complètent l’exposition. Un film permet de suivre le processus artistique de Jaume Plensa, que deux cinéastes ont suivi d’un point à un autre du monde, du Japon à Chicago, de New-York à Porquerolles, où collectionneurs d’art et municipalités ont réclamé la présence de ses visages dans un parc ou sur une place.

Du 5 mars au 6 juin.

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