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Charles Berling : « Voir des choses complexes mais totalement abordables »

par Pierre Magnetto
Charles Berling © Aurélien Kirchner-Châteauvallon
Charles Berling © Aurélien Kirchner-Châteauvallon
Arts vivants Théâtre Publié le 10/06/2024
Directeur de la scène nationale de Châteauvallon, Charles Berling parle du festival qui se déroule du 23 juin au 23 juillet. Et du service public menacé.

Quels sont les faits marquants de cette édition ?

Le festival est axé sur la danse mais nous ouvrons avec l’Opéra de Toulon qui est hors les murs et dont nous sommes partenaires avec une grande création, Cavalliera Rusticana et Pagliacci, proposée par Silvia Paoli, metteuse en scène italienne enthousiasmante. Il y a ensuite beaucoup de danse, et on s’intéresse à l’histoire de cet art avec la présence pour trois événements du Ballet Béjart de Lausanne. C’est l‘occasion de retrouver une mémoire des grandes chorégraphies du XXe siècle. Un spectacle vivant est par essence éphémère, raconter aux plus jeunes l’histoire de grands événements c’est particulièrement attrayant. Nous avons aussi invité Anne-Teresa de Keersmaeker avec Exit Above, une chorégraphie qui remonte aux racines de la danse et de la pop. Il y a aussi Jann Gallois qui, avec In situ, renoue avec le hip-hop, et Nacim Battou avec Notre dernière nuit, une pièce chorégraphiée avec des danseurs hip-hop et artistes circassiens. Et puis il y a aussi des petites formes autour de moments conviviaux dans des espaces magnifiques autour de Châteauvallon. À l’Altiplano, on y fera aussi du théâtre.

 

Vous parlez d’un travail de mémoire, en quoi est-ce important pour vous ?

Nous avons à cœur de travailler avec les jeunes générations et de voir ce qui va se passer plus tard, mais pour cela il est important de constituer des mémoires, c’est ce qui donne une vraie force et développe l’imagination pour le futur. Le mélange des générations est fondamental, surtout aujourd’hui avec le numérique qui suscite des tendances très consuméristes qui font croire aux gens que les choses n’existaient pas avant et qu’on pourrait tout inventer comme ça. Notre passion, notre mission c’est de donner la possibilité à tous les publics de voir des choses qui ne soient pas simplifiées, qui sont complexes mais qui n’en sont pas moins abordables, totalement abordables.

 

Pourquoi reprendre des pièces comme Partie de Tamara Al Saadi, ou Léon Blum, une vie héroïque ?

Le théâtre c’est un répertoire, ce n’est pas l’instant T et après la création est terminée. Quand une création tient c’est parce qu’elle peut rencontrer encore d’autres publics. Si on joue très peu un spectacle vous avez très peu de chances de le découvrir et ça donne l’idée aux gens qu’ils ne peuvent jamais voir les choses. Un spectacle vivant on le crée et puis après on le diffuse. Ça fait un moment que je dis à mes collègues subventionnés il faut jouer plus longtemps. J’ai joué Dans la solitude des champs de coton pendant 6 ans. Par définition un spectacle vivant accueille un public limité en nombre. Si je fais une télé comme récemment avec le téléfilm sur Romain Gary (diffusé sur France 2 en février dernier – NDLR), il y a 3 millions de spectateurs qui le voient, sans compter les podcasts. Quand vous jouez à Châteauvallon dans l’amphithéâtre, vous atteignez 1 500 personnes par soir. Blum on l’a créé au Printemps des comédiens l’année dernière, maintenant on est en tournée. Il est prévu qu’il vienne à Châteauvallon, après on ira à Radio-France l’année prochaine, c’est le principe de la diffusion du spectacle vivant.

 

Comment voyez-vous la baisse des budgets publics ?

Ça fait longtemps que nos subventions ne sont pas indexées sur l’inflation. Depuis 10 ans elles ont baissé et nos moyens aussi. Nous avons déjà et nous aurons de plus en plus des problèmes financiers très importants qui mettent en péril l’existence même de ce théâtre subventionné. C’est la même crise que celles des hôpitaux, de l’Éducation nationale, la crise d’une société très libérale qui a du mal à assumer ses services publics. Nous, on est un service public. Je travaille aussi dans le privé, je vois très bien comment ça se passe dans les deux secteurs. Il y a un secteur privé très riche, notamment avec les plateformes de l’audiovisuel, et un secteur public qui s’appauvrit et j’y inclus la télévision publique. Cette constatation réaliste ne m’empêche pas de penser à tout l’intérêt qu’il y a à défendre le service public, à défendre le spectacle vivant parce que nous sommes dans une révolution numérique qu’il est important de penser et dans laquelle nous avons une place à prendre.

 

 

Ayant débuté au théâtre, Charles Berling a joué pour le cinéma et la télévision. Écrivain, chanteur, réalisateur et metteur en scène, il dirige le Théâtre Liberté de Toulon depuis 2010, devenu scène nationale 5 ans plus tard après la fusion avec Châteauvallon.

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