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Circulation(s) 2021 : Aïda Bruyère met en scène le pouvoir du corps féminin

par Élisabeth Pan
©Aida BRUYERE « Special Gyal » 2018 festival circulation(s) 2021
©Aida BRUYERE « Special Gyal » 2018 festival circulation(s) 2021
Arts visuels Photographie Publié le 16/03/2021
Diplômée des Beaux-Arts depuis à peine 6 mois, la photographe Aïda Bruyère a grandi au Mali, et explore aujourd’hui, avec son art, les différences qu’elle a rencontrées depuis son arrivée, entre son pays d’origine et la France.

Lorsqu’elle arrive en France à 17 ans, Aïda Bruyère découvre qu’on ne la regarde pas de la même façon que ses amis maliens. « Les gens blancs ne se rendent pas compte de ce que c’est qu’être noir en France » constate-t-elle. « Je voyais la différence de facilité d’intégration entre moi et mes amis noirs de peau qui arrivaient en même temps que moi. » Aïda se rendit compte qu’elle pouvait tout simplement vivre en France en tant que personne blanche, parfaitement s’adapter, mais que tous n’avaient pas ce privilège. Alors commença sa réflexion sur le post-colonialisme.

Venue en France pour étudier aux Beaux-Arts, la jeune femme choisit de travailler sur les écarts qu’elle constatait entre les deux pays, la France et le Mali. « J’ai commencé par me questionner sur le rapport à l’argent » explique Aïda, très étonnée de percevoir que les étudiants qui l’entouraient, pourtant fortunés, cachaient leur richesse. À l’inverse, dans son pays de naissance le rapport à l’argent est très décomplexé. Elle prend alors comme sujet un de ses amis, dont le père possède l’une des plus grandes fortunes du Mali, et a fait construire un manoir décoré à l’effigie de la famille.

Un cheminement féministe. Fascinée depuis 2015 par le bootyshake ("secouage de popotin") et le dancehall (musique populaire jamaïcaine), la jeune artiste découvre un jour une battle exclusivement féminine. « C’était la première fois que je me trouvais dans un environnement vraiment pour les filles. » Étonnée et séduite par la démarche, elle décide d’en faire son projet. « Il y avait un pouvoir qui émanait de leurs corps, à la fois le sentiment de violence et une incarnation de plein de choses. » Elle se met à étudier l’histoire de cette danse, et découvre que la musique qui l’accompagne est née dans un contexte compliqué en Jamaïque. « Ça ne m’étonnait pas de retrouver un contexte politique avec ces filles prônant aujourd'hui leur empowerment dans ces danses. » C’est une battle de 2018, mise en place par la danseuse et chorégraphe martiniquaise Aya Level, que la photographe présente aujourd’hui au festival Circulation(s), sous la forme d’une série de photos noir et blanc et d’une vidéo.

Actuellement, l'artiste collabore la danseuse de bootyshake Patricia Badin sur une performance live où cette dernière danse de dos, le corps recouvert d’une peinture dorée. « Ça m’a fait un déclic d’appréhender son corps de cette manière » explique Aïda Bruyère, qui cherche à capter les réactions, parfois offusquées, que la danseuse inspire au public. « Je sais de quelle place je parle, je sais que je suis blanche et l’histoire que c’est d’être blanc. » poursuit-elle. « Je sais aussi que je ne peux pas comprendre, mais j’entends ce que ça représente d’être noir et j’essaie de tout le temps faire un aller-retour, d’être sûre que ce que j’essaie de faire entendre est entendable par les personnes concernées. »

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