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ACCUEIL > Événement > Cuba au Musée d’art Mohammed VI

Cuba au Musée d’art Mohammed VI

par Hélène Couturier
Wilfredo Lam, série de cinq esquisses pour peinture murale. Crayon et tempera sur carton. ©Rivaud/NAJA
Wilfredo Lam, série de cinq esquisses pour peinture murale. Crayon et tempera sur carton. ©Rivaud/NAJA
Œuvre de Wilfredo Lam ©Rivaud/NAJA
Œuvre de Wilfredo Lam ©Rivaud/NAJA
Œuvre de Wilfredo Lam ©Rivaud/NAJA
Œuvre de Wilfredo Lam ©Rivaud/NAJA
Wilfredo Lam, esquisse pour la fresque murale de la salle des soins médicaux, 1956. ©Rivaud/NAJA
Wilfredo Lam, esquisse pour la fresque murale de la salle des soins médicaux, 1956. ©Rivaud/NAJA
Wilfredo Lam, masques ©Rivaud/NAJA
Wilfredo Lam, masques ©Rivaud/NAJA
Wilfredo Lam, figures ©Rivaud/NAJA
Wilfredo Lam, figures ©Rivaud/NAJA
Kadir Lopez, La Havane Noire, 2023. ©RIvaudNAJA
Kadir Lopez, La Havane Noire, 2023. ©RIvaudNAJA
Esterio Segura, avion-corazón ©Rivaud/NAJA
Esterio Segura, avion-corazón ©Rivaud/NAJA
José Ángel Toirac, Les nouveaux temps, 1995-1996. ©Rivaud/NAJA
José Ángel Toirac, Les nouveaux temps, 1995-1996. ©Rivaud/NAJA
Arts visuels Arts plastiques Publié le 03/06/2024
Le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat accueille jusqu'au 15 juin une exposition rare de l'art cubain du XXe siècle. Tout commence avec Wilfredo Lam.

L’exposition De l’autre côté de l’Atlantique : L’art cubain se déroule de l’autre côté de la Méditerranée, au Maroc (au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat), qui met à l’honneur ce qui se déroule de l’autre côté de l’Atlantique, à Cuba. Et autant nous sommes habitués à des liens étroits entre la France et le Maroc, autant cette exposition peut surprendre car, dans les soixante dernières années, les relations entre les deux pays situés respectivement aux antipodes est et ouest de l’océan Atlantique, n’ont pas toujours été des plus amicales ! Mais l’art, dit-on, n’a pas de frontières et prouve, ici, qu’il peut effacer des rancunes !

Au total, trois parties pour cette exposition qui nous raconte l’art cubain moderne et contemporain. La première est centrée sur le peintre Wifredo Lam dont les amitiés, notamment avec André Breton et Pablo Picasso, ont orienté le travail vers une esthétique mêlant cubisme et surréalisme.

 

Wifredo Lam bien sûr. Né à Cuba en 1902, d’un père Chinois et d’une mère métis afro-cubaine, Wifredo Lam étudie la peinture à La Havane puis à Madrid. Il y restera une quinzaine d’années, il y découvrira la peinture classique et moderne et combattra auprès des Républicains. En 1938, il émigre en France et se lie avec une multitude d’artistes dont Picasso, alors en pleine découverte des Arts Premiers. Lui, ces arts-là, il les connait depuis toujours, ils font partie intégrante de son héritage culturel. Très jeune, il a été initié par sa marraine aux divinités afro cubaines et à la santeria (tradition liée à la pratique religieuse yoruba très présente en Afrique de l’Ouest). De nouveau la guerre, en 1941, il quitte Paris et part de Marseille sur le bateau qui emmène les artistes à New York. En Martinique, il rencontre l’écrivain Aimé Césaire dont les positions anticoloniales le séduisent et enfin, il retrouve son île natale et entre dans sa période la plus créative, créant sa femme cheval, car dans la transe, on dit qu’on est chevauché par l’esprit. C’est à cette période que le peintre pose les bases de son style fait de métissage et de visions, un monde où se croisent des créatures végétales, animales et humaines, comme dans son œuvre maîtresse, The Jungle (1943) (MOMA, New York). En 1952, la dictature militaire s’installe à Cuba et il repart à Paris. Il voyage beaucoup et vit aussi en Italie (Albissola) où il développe son travail sur la céramique. En 1959, il applaudit la révolution castriste dont il se détachera par la suite, trop épris de liberté pour accepter de soumettre son art à une quelconque censure. Il décède à Paris en 1982, après avoir traversé et marqué l’art moderne du XXème. C’est Juan Castillo Vázquez, le petit neveu de l’artiste, résidant toujours à La Havane et âgé de quatre-vingts ans, qui a prêté les œuvres pour cette exposition parce que pour lui : « … la culture ne se soustrait jamais, elle s’additionne, alors autant que ces œuvres voyagent, et rencontrent un maximum de monde ! ».

 

L'école de La Havane. L’île de Cuba, depuis les années vingt, possède une tradition artistique forte connue sous le nom « L’école de la Havane » et qui, comme le précise Jocé Manuel Noceda Fernández, co-commissaire de l’exposition et directeur du Centre Wifredo Lam à La Havane, « a ouvert une voie imparable de renouvellement et de contemporanéité qui se poursuit encore aujourd’hui. »

Ainsi, la deuxième partie de l’exposition, intitulée Les deux concrets : Loló Soldevilla et Sandu Darié, s’attache à l’abstraction cubaine des années cinquante, tandis que la troisième partie intitulée Territoires sans limites, s’attache à l’art visuel des quarante dernières années (peintures, sculptures, animations, photographies, vidéo). Les artistes racontent, souvent avec humour, les problématiques actuelles de leur île, comme par exemple, Abel Barroso et ses visas, José Ángel Toirac et les contradictions des hommes de pouvoir (détournements publicitaires avec la figure de Fidel Castro), ou encore Kadir López qui, à travers une installation multimédia de néons éclatants, façon jeu de Monopoly, rend hommage à un Cuba interlope entravé par les sanctions américaines.

À souligner également le travail de Esterio Segura qui entrecroise les thématiques (art, religion et politique) comme dans son avion-corazón qui raconte la migration. « Dans les années 90, les thèmes de la migration étaient au centre des œuvres poétiques de beaucoup d’artistes comme Kcho ou Sandra Ramos. Aujourd’hui, il existe une infinité de thèmes et d’artistes, la nouvelle génération arrive avec un autre point de vue », explique Jocé Manuel Noceda Fernández.

Les artistes cubains ont choisi de raconter leur île sans tomber dans un manichéisme primaire qui consisterait à rejeter tout ce qui a été, à dénigrer systématiquement la révolution. Ils en soulignent ses dérives avec beaucoup de finesse, et nous livrent une exposition singulière, drôle et grave à la fois !

 

De l’autre côté de l’Atlantique : L’art cubain, Musée Mohammed VI, Rabat, Maroc. Jusqu’au 15 juin, du lundi au dimanche de 10h00 à 18h00. Fermé le mardi.

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