espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Oeuvre > « Diane self-portrait », dans l’œil d’Arbus

« Diane self-portrait », dans l’œil d’Arbus

par Véronique Giraud
Première scène de Diane Self Portrait, avec Anne Azulay dans le rôle de Diane Arbus. © Christophe Raynaud de Lage
Première scène de Diane Self Portrait, avec Anne Azulay dans le rôle de Diane Arbus. © Christophe Raynaud de Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 27/09/2020
Avec "Diane Self Portrait", Paul Desveaux offre au théâtre une nouvelle expérience de confrontation au processus de création. En choisissant celui de la photographe Diane Arbus, il met en scène des corps et des voix qui échappent à la norme et à la morale. C'est aux Plateaux Sauvages jusqu'au 9 octobre.

Diane Arbus (Anne Azoulay) est tout entière dans son corps, dans sa lumière, dans sa quête obsessionnelle de LA photographie. Pas celle-ci, ni celle-là, une autre. Captée dans le regard et le corps de l'autre, ou de son propre corps. Pas de douceur dans cette quête, de la douleur, de la brutalité, de l'entêtement, jusqu'au jaillissement éphémère d'un lâcher prise, d'un oubli de sa représentation de soi. Appartenir tout entier et sans fard à l'objectif pour renvoyer un moi inconnu.

L'entreprise de la photographe américaine Diane Arbus est à la fois féroce et fragile. Les mots de Fabrice Melquiot traduisent magnifiquement un processus douloureux et tenant du prodige. Chaque phrase prononcée avec délicatesse par Anne Azoulay, qui l'incarne magnifiquement, laisse percer l’insatisfaction de l’artiste certaine de ce qu’elle veut atteindre, souffrant de ne pas y parvenir. La déception guide ses gestes, le cheminement vers son but guident ses poses. Les échanges avec l’autre sont complexes, hérissés de malentendus. Les dialogues avec la mère (implacable Catherine Ferran) sont cinglants, meurtrissants, vigoureux, portant à leur paroxysme l’incompréhension, la distance avec le monde qui gouvernent les recherches esthétiques d'Arbus.

Les photographies qui surgissent et envahissent le fond de la scène conduisent non pas à l'auto-satisfaction, mais à une auto-critique argumentée qui en dit long sur sa quête.  Et il fallait des corps, puissants, hybrides, qui tiennent de l’étrange malgré eux, pour incarner ce que Diane Arbus cherche, pour l’apaiser. Bien au-delà des apparences, bien au-delà d'une adhésion. Loin des muses et des égéries, elle pointe vers ces corps son objectif, les confronte. Et la dualité, l’ambivalence même des postures du performeur, modèle et diva Jean-Luc Verna appuient avec ironie et provocation sur la touche norme. Poussant Diane à se recentrer sur LA photo.

À coup de face à face, Paul Desveaux brosse sur scène un self-portrait inoubliable d'une photographe majeure, d'une femme qui sans concession sonde la différence, et se suicide à 48 ans en 1971.

 

 

Diane self-portrait, jusqu'au 9 octobre aux Plateaux Sauvages, Paris 20e. Texte : Fabrice Melquiot. Mise en scène et scénographie : Paul Desveaux. Musique : Vincent Artaud et Michael Felberbaum. Création lumière : Laurent Schneegans. Photographie : Christophe Raynaud de Lage. Avec : Anne Azoulay, Michael Felberbaum (guitariste), Catherine Ferran (sociétaire honoraire de la Comédie-Française), Paul Jeanson, Marie-Colette Newman et Jean-Luc Verna.

 

 

 

 

 

Partager sur
Fermer