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Mot de passe oublié ?La pièce de théâtre de Berkun Oya s’intitulait Les bonnes choses sont ce notre côté. Le nom original de la série, Bir Başkadır, qui se traduit littéralement par « C’est un autre », n'a pas grand sens pour le spectateur français. Mais pour les spectateurs turcs, Bir Başkadır en dit long sur les histoires de vies d’Istanbul, très différentes les unes des autres. Nous pénétrons dans les maisons, les vies privées et intimes de personnes de différentes classes sociales et commençons à regarder le cheminement de ces personnages qui se croisent.
Le sujet auquel s'attaque Berkun Oya ne manque pas de courage pour la nouvelle Turquie ! La sociologie du pays a considérablement changé depuis le début des années 2000, et les points sur lesquels l’auteur met le doigt sont particulièrement sensibles. Oya, en tant que le scénariste et réalisateur, nage habilement dans des eaux profondes et dangereuses. Les histoires et les gens qu'il raconte semblent plus réels que fictifs, sauf que dans la vie réelle, l'opposition des gens entre eux est telle que la tolérance a de plus en plus diminué des deux côtés. Berkun Oya suggère alors une voie différente : lorsque nous nous arrêterons de nous juger les uns les autres et commencerons à nous connaître, nous comprendrons que nous sommes liés par des liens invisibles et que chaque vie dépend en réalité de l’autre.
Istanbul contemporaine. Dans cette série, Istanbul n’est ni « La Belle » ni « La Précieuse » comme dans nombre de séries turques. Elle est montrée telle qu’elle est. On y voit aussi bien les bidonvilles des villages environnants que les gratte-ciel des quartiers luxueux. Istanbul a changé, tout comme les gens qui y vivent, et la vision que la série nous en offre est assez remarquable. Berkun Oya ne nous présente pas un gâteau somptueux avec un goût médiocre. Il nous offre une tranche d'un gâteau artisanal, modeste mais délicieux. Au fil des huit épisodes, on regarde un film d’auteur avec le rythme et les plans soigneusement choisis. Nous étions habitués à regarder les films d’art des réalisateurs turcs ; mais une série d’art ? C’est assez rare !
La série fait rencontrer huit personnages principaux. Meryem, Yasin, Ruhiye, Ali Sadi Hodja et Hayrünnisa sont du côté religieux et rural. De l’autre côté, nous avons Peri et Sinan, des personnages qui ont un style de vie riche et moderne et aucune attirance pour la religiosité. Enfin Gülbin, magnifiquement interprétée par Öyku Karayel, dans un "purgatoire" à la turque, est entre les deux. Venant d’une famille kurde, traditionnelle et religieuse, elle se trace un chemin moderne et séculier.
Des regards qui se croisent, un jour… Leurs histoires sont si différentes, leurs préjugés sont si semblables. Le regard de la femme voilée sur la femme ouverte, le regard de l’homme traditionnel sur les femmes qui trainent dans les bars, le regard d’une femme bien éduquée sur une femme rurale et religieuse qui lui demande remède… Ces regards vont se croiser un jour. La question est la suivante : lorsqu’ils se rencontreront, leurs yeux vont-ils baisser vers le sol ou vont-ils se regarder et commencer à se comprendre ?
Berkun Oya, réalisateur de 46 ans, a choisi de rassembler ces histoires autour des anciens clips de Ferdi Özbeğen, un musicien et chanteur qui était écouté, des années 60 aux années 80, par toutes les parties de la société turque…
Ceux qui regardent la Turquie de l’extérieur font souvent nombre de confusions. Les Turcs sont-ils orientaux ou occidentaux ? Les femmes sont-elles ouvertes ou voilées ? Parlent-ils arabe ? Berkun Oya met un point final à cette confusion : nous ne sommes pas comme les pays occidentaux, ni orientaux. Nous, « c’est un autre »… Et chez nous, la vie d’autrui « est une autre »…
Bir Başkadır (Ethos) écrit et réalisé par Berkun Oya, série télévisée turque sur Netlfix en huit épisodes. Avec Öyku Karayel, Defne Kayalar, Fatih Artman, et Nesrin Cavadzade.