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Judith se sépare du mythe

par Élisabeth Pan
"Judith, le corps séparé"
Arts vivants Théâtre Publié le 24/07/2019
A l'origine un spectacle de fin d'étude d'élèves des Cours Florent de Montpellier, ce projet est devenu une pièce de théâtre pour les Automnales avant d'être présenté au festival d'Avignon.

Le mythe de Judith et Holopherne, issu de l’Ancien Testament, a inspiré de nombreux artistes. Jeune veuve juive qui refuse que sa ville se soumette aux armées assyriennes commandées par le général Holopherne, la belle Judith, accompagnée de sa servante, décide de pénétrer le camp afin de le séduire, de l’enivrer, et de l’assassiner.

La version de Howard Barker a été écrite en 1992 dans un langage résolument contemporain. L’auteur déconstruit le mythe, provocant la pureté de Judith et la cruauté d’Holopherne. Judith a une mission, celle de libérer sa ville et de marquer l’histoire par sa bravoure, inspirée par son Dieu. Si son intention est de séduire Holopherne, elle est aussi de conserver sa pureté. Malheureusement pour elle, contrairement au mythe, le vin ne lui sera ici d’aucun secours. Elle devra gagner la confiance du guerrier pour accomplir sa mission, mais sa pureté est mise en péril par l’intérêt et l’admiration pour l’ennemi qui la gagnent au fil de la pièce. Holopherne, quant à lui, s’est, à force de guerres, pris de passion pour la mort. Ainsi, lorsque Judith arrive, présentée comme la femme avec qui il devra passer sa nuit, lui ne veut parler que de mort. Il refuse alors le vin et la renvoie car il ne trouve pas que sa conversation soit “intéressante”. Mais, déterminée par sa cause, elle s’accroche. Tentant de gagner sa confiance, Judith se fait écouter d’Holopherne, et tous deux parlent de mort et de mensonge. Judith parvient alors à gagner son intérêt.

L’enjeu de la pièce n’est ainsi plus celui du mythe, où Judith n’a eu qu’à faire boire Holopherne pour le tuer. Elle doit ici parvenir à ce qu’il lui fasse assez confiance pour s’endormir à ses côtés et le tuer dans son sommeil. Dès lors, c’est un jeu de mensonge et de séduction qui s’ouvre. Judith et Holopherne vont se tourner autour, se disputant le flambeau de la cruauté alors qu’ils apprennent à se connaître, à s’aimer, à se haïr, à vivre et à mourir. La veuve attire l’intérêt du général, qui heurte sa sensibilité. Dans un accord, tous deux vont rejeter toute forme de vérité, qui serait trop inconstante. La domestique va créer un contraste avec leurs forts caractères pendant qu’elle tente d’élucider ce mystère : "l’un d’entre eux ment, ou peut-être les deux”.

Christina Juhl, metteuse en scène, est à l’origine de ce projet. Il s’agissait tout d’abord d’un TFE (travail de fin d’étude) qu’accompagnée des trois comédiens, elle a créé au sortir de la troisième année des Cours Florent de Montpellier. Le spectacle fut ensuite sélectionné pour le festival des Automnales, dans une deuxième version du projet. Suite à ça, la troupe en a inscrit une troisième version, présentée au festival d’Avignon. La mise en scène épurée permet de se concentrer exclusivement sur le jeu des comédiens.

Guillaume Celly incarne ici un Holopherne étrange et envoûtant, qui inspire peur et admiration. Célia Farenc est une Judith douce et sensible, mais qui cache une folie et une monstruosité terrifiantes. La domestique, interprétée par Lucile Signoret, permet d’apporter un contraste, un décalage, dont la dangerosité masquée ramène les autres personnages à la réalité. Les trois comédiens, grâce au mystère dont ils parent leur jeu, laissent aux spectateurs le doute quant au déroulement de l’intrigue.

 

Judith le corps séparé, texte de Howard Parker, mise en scène Christina Juhl, avec la troupe Grand bien leur face. Ambigu Théâtre, 7 rue de la Bourse. Du 5 au 28 juillet dans le OFF d'Avignon.

 

 

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